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LES
DEGATS PRODUITS PAR L'ABUS SEXUEL
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Ces
dégâts constituent un torrent tumultueux qui balaie tout dans l'âme, et qui
inclut : le sentiment d'impuissance, celui d'avoir été trahi et le
sentiment d'ambivalence, ainsi que plusieurs autres symptômes.
1.
Le sentiment d'impuissance
L'abus
sexuel a été imposé à la victime. Qu'il se soit produit une fois ou
cent fois, avec ou sans violence, ne change rien au fait qu'elle a été dépossédée
de sa liberté de choix.
a.
Ce sentiment provient de trois raisons
*
Elle n'a pas pu changer sa famille dysfonctionnelle, s'il s'agit d'un inceste.
Ses proches ne l'ont pas protégée comme ils auraient dû le faire, sa mère ou
sa belle-mère n'a rien vu ou fait semblant de ne rien voir.
*
Que l'abus ait été accompagné de violence ou non, qu'il y ait eu douleur
physique ou non, la victime n'a pu y échapper, ce qui crée en elle faiblesse,
solitude et désespoir. De plus, le coupable se sert de la menace ou de la honte
pour la réduire au silence et recommencer en toute impunité, ce qui augmente
son impuissance.
*
Elle ne parvient pas à mettre un terme à sa souffrance présente. Seule, la décision
de se supprimer anesthésierait sa douleur, mais elle ne peut s'y résoudre,
alors elle continue à vivre, et à souffrir.
b.
Ce sentiment d'impuissance entraîne de graves dommages
*
La personne abusée perd l'estime d'elle-même, doute de ses talents et se croit
médiocre.
*
Elle abandonne tout espoir.
*
Elle insensibilise son âme pour ne plus ressentir la rage, la souffrance, le désir
ou la joie. Elle enfouit et refoule dans son inconscient les souvenirs horribles
de l'agression sexuelle.
*
A force de renoncer à sentir la douleur, elle devient comme morte. Elle perd le
sentiment d'exister, semble étrangère à son âme et à son histoire.
*
Elle perd le discernement concernant les relations humaines, ce qui explique que
les victimes d'abus tombent souvent à nouveau sous la coupe d'un pervers, ce
qui renforce leur sentiment d'impuissance.
2.
Le sentiment d'avoir été trahi
Beaucoup
de gens ignorent le nom des onze autres apôtres, mais connaissent Judas, le traître.
Pourquoi ? Parce que la plupart des gens estiment que rien n'est plus odieux que
d'être trahi par quelqu'un qui était censé vous aimer et vous respecter.
La
personne abusée se sent trahie non seulement par l'abuseur en qui elle avait
confiance, mais aussi par ceux qui, par négligence ou complicité, ne sont pas
intervenus pour faire cesser l'abus.
Les
conséquences de la trahison sont : une extrême méfiance et la suspicion,
surtout à l'égard des personnes les plus aimables ; la perte de l'espoir
d'être proche et intime avec autrui et d'être protégée à l'avenir, puisque
ceux qui en avaient le pouvoir ne l'ont pas fait ; l'impression que si elle
a été trahie, c'est parce qu'elle l'a mérité, du fait d'un défaut dans son
corps ou dans son caractère.
3.
Le sentiment d'ambivalence
Il
consiste à ressentir deux émotions contradictoires à la fois. Ici,
l'ambivalence gravite autour des sentiments négatifs (honte, souffrance,
impuissance) qui ont parfois été simultanément accompagnés du plaisir, qu'il
soit relationnel (un compliment), sensuel (une caresse), ou sexuel (le toucher
des organes), dans les premières phases de l'abus.
Le
fait que le plaisir soit parfois associé à la souffrance entraîne des
dommages considérables : la personne se sent responsable d'avoir été
abusée, puisqu'elle y a « coopéré» en y prenant plaisir ; le
souvenir de l'agression peut revenir lors des rapports conjugaux ; elle ne
parvient pas à s'épanouir dans sa sexualité qui est pour elle trop liée à
la perversité de l'abuseur ; elle contrôle et même s'interdit le plaisir
et donc son désir sexuel.
Le
conseiller doit expliquer à la personne qu'elle n'est pas responsable d'avoir
éprouvé un certain plaisir, car il est normal qu'elle ait apprécié les
paroles et les gestes de « tendresse» de l'abuseur. C'est la nature qui a
donné à l'être humain cette capacité à ressentir du plaisir.
Ce
qui n'est pas normal, c'est la perversion de celui qui a prémédité ces
attitudes affectueuses pour faire tomber une proie innocente dans son piège.
C'est lui le seul responsable.
4.
Quelques autres symptômes
On
pensera à un éventuel abus sexuel si le client :
-
Souffre de dépressions à répétition.
-
Présente des troubles sexuels : manque de désir, dégoût, frigidité,
impuissance, crainte ou mépris des hommes ou des femmes, peur de se marier,
masturbation compulsive. Chez l'enfant, ce trouble de l'auto-érotisme, ainsi
que certaines énurésies, peuvent faire penser à un abus sexuel.
-
Se détruit par l'usage abusif d'alcool, de drogue ou de nourriture. L'obésité,
en particulier, permet à des jeunes filles ou à des femmes qui ont été violées
de se rendre, inconsciemment, moins attirantes et de se protéger ainsi contre
une autre agression.
-
Souffre de maux de ventre, d'infections gynécologiques à répétition.
-
A un style de relation avec les autres très caractéristique : soit il est
trop gentil avec tout le monde, soit il est inflexible et arrogant, soit enfin
il est superficiel et inconstant.
AIDER LA VICTIME A REVIVRE
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Celle-ci
devra cesser d'écouter les voix intérieures qui la maintiennent dans la
culpabilité et la honte et se mettre à l'écoute de la voix de la vérité,
qui la conduira vers la libération.
Elle
devra aussi abandonner les voies sans issues que des personnes bien
intentionnées mais incompétentes (des aidants « peu aidés» !) lui
proposent : nier l'abus, le minimiser, oublier, pardonner au coupable sans
que celui-ci se soit sérieusement repenti, tourner la page, cesser de se
plaindre, etc.
La
voie menant à un mieux-être comprend deux étapes : regarder la réalité
en face, et décider de revivre.
1.
Regarder la réalité en face
La
personne devra peu à peu retrouver les souvenirs de l'abus, admettre les dégâts
et ressentir les sentiments adéquats.
a.
Retrouver les souvenirs de l'abus
La
victime préfère souvent les oublier, tant cela la dégoûte ou la terrifie. Ou
alors elle les raconte froidement, comme si c'était arrivé à quelqu'un
d'autre. Mais ce déni est un obstacle à la guérison. L’abus ne doit pas être
gommé, mais nommé.
Avec
beaucoup de tact, on l'encouragera à remonter dans le passé, parfois très
lointain, car seul un abcès vidé peut cicatriser.
Le
retour des souvenirs refoulés se fera progressivement au cours de la psychothérapie.
L'inconscient de la personne collabore activement par le moyen de rêves, ou
d'images qui lui reviennent à l'esprit.
Certains
événements font aussi resurgir les traumatismes oubliés, par exemple :
une rencontre avec l'abuseur, une grossesse, la ménopause, un autre abus, le
fait qu'un de ses enfants atteigne l'âge qu'elle avait lorsqu'elle a été abusée,
le fait de se retrouver sur les lieux de l'agression, ou le décès du coupable.
b.
Admettre les dégâts
Ce
retour pénible dans le passé va lui permettre d'admettre les dures vérités
suivantes :
*
J'ai été victime d'un ou de plusieurs abus sexuels. C'est un crime contre mon
corps et contre mon âme.
*
Étant victime, je ne suis en rien responsable de ce crime, quoi que j'aie pu
ressentir.
*
Suite à ces abus, je souffre de sentiments d'impuissance, de trahison et
d'ambivalence.
*
Ma souffrance est intense, mais la cicatrisation est possible, si j'admets qu'il
y a eu blessure.
*
Cette cicatrisation prendra du temps.
*
Je ne dois pas recouvrir mon passé d'un voile de secret et de honte ; mais
je ne suis pas non plus obligé d'en parler au premier venu.
c.
Ressentir les sentiments adéquats
La
culpabilité (qui est un sentiment racket très fréquent ici), la honte, le mépris,
l'impuissance, la haine, le désespoir, devront peu à peu être remplacés par
les sentiments plus adéquats que sont la colère envers l'abuseur et ses
complices, et la tristesse face aux dégâts subis. Cette tristesse ne
doit pas mener à la mort, au désespoir, mais à la vie, c'est-à-dire à une
foi, une espérance et un amour renouvelés.
Le
conseiller favorisera l'expression de ces deux sentiments, de manière réelle
ou symbolique, mais toujours en toute sécurité, à savoir dans le cadre protégé
des séances de relation d'aide.
2.
Décider de revivre
Pourquoi
une victime d'abus sexuel devrait-elle décider de revivre, après tout ce
qu'elle a souffert et souffre encore ? Tout simplement parce qu’il est
meilleur pour elle de choisir la vie et non la mort.
Choisir
de revivre signifiera pour elle :
a.
Refuser d'être morte
Elle
trouve normal de vivre avec un corps et une âme morts ; paradoxalement,
cela lui permet de survivre, en ne risquant plus de ressentir la joie ou la
douleur.
b.
Refuser de se méfier
La
victime se méfie tous les êtres humains. Une femme violée, en particulier,
voit tout « mâle» comme étant le « mal». Elle devra apprendre à
transformer sa méfiance envers les hommes en vigilance, ce qui est tout différent.
c.
Ne plus craindre le plaisir et la passion
Ces
deux éléments la ramènent au drame qu'elle a subi, alors elle les fuit. Ce
faisant, elle se prive de ces deux dons.
Ayant
été victime du désir (pervers, mais désir tout de même) de quelqu'un, elle
« jette le bébé avec l'eau du bain», c'est-à-dire qu'en rejetant
l'abus qu'elle a subi, elle rejette en même temps tout désir, même le sien.
Elle
doit réaliser que ce n'est pas parce que quelqu'un a eu un désir pervers
envers elle qu'elle doit désormais renoncer à son propre désir.
d.
Oser aimer à nouveau
Elle
devra progressivement renoncer à ses attitudes autoprotectrices et à son repli
sur elle-même pour goûter à nouveau à la joie d'aimer les autres et de nouer
des relations chaleureuses et sûres.
Elle
quittera sa carapace pour retrouver un cœur tendre, capable de prendre le
risque d'aimer ceux qu'elle rencontre. Elle abandonnera ses défenses, ce
qui ne veut pas dire qu'elle ne s'entourera pas de protections. Une
protection n'est pas une défense.
Elle
découvrira alors que, s'il est vrai qu'une ou plusieurs personnes l'ont trahie,
la grande majorité des autres sont dignes de confiance.
1.
Qui sont-ils ?
En
très grande majorité ce sont des jeunes gens ou des hommes, provenant de
toutes les classes de la société et de tous les milieux.
Souvent,
ils font partie de l'entourage de la victime : un camarade, un voisin, un
chef scout ou un animateur de jeunes, un baby-sitter, un enseignant, un patron,
un collègue de travail, un prêtre, etc.
Ce
sont aussi très souvent des membres de la famille : le père,
l'oncle, le grand-père, le grand-oncle, le beau-père (de plus en plus fréquemment
du fait de l'augmentation des remariages et des familles recomposées), le frère,
le demi-frère ou le quasi frère, le beau-frère, le cousin, etc. On parle
alors d'inceste ou d'abus sexuel intra-familial.
Il
s'agit, plus rarement, d'une personne inconnue de la victime.
Il
est à noter que 80% des agresseurs ont été eux-mêmes victimes d'abus dans le
passé, ce qui ne les excuse nullement, mais peut expliquer en partie leur
comportement.
2.
Le dévoilement
Une
victime a beaucoup de mal à dénoncer son agresseur ; elle révèlera plus
facilement l'abus lui-même. Pourtant, cette dénonciation a une grande portée
thérapeutique et il faut l'encourager à rompre le silence. Une fois dite
à un autre, la parole devient inter-dite et non plus interdite,
comme le voulait le pervers.
Mais
cette dénonciation est souvent mal acceptée par la société. Tant qu'une
personne sexuellement abusée ne dénonce pas le coupable, elle est considérée
comme victime. Mais le jour où elle décide d'en référer à la
Justice, on la considère alors comme coupable d’accuser quelqu'un, et
le crime commis envers elle va être nié.
C'est
pourquoi par exemple la grande majorité des femmes violées se résignent à
rester des victimes à vie et donc à se taire, par peur d'être en fin de
compte accusées du crime qu'elles dénoncent. Or, elles ne devraient
jamais hésiter à rendre le poids du crime à celui à qui il appartient :
le violeur.
Il
faut néanmoins savoir que, si porter plainte a une portée thérapeutique, le
processus judiciaire est long, pénible et coûteux. Les interrogatoires répétés,
le manque de respect et de tact de certaines personnes , la honte de dévoiler
son histoire devant tout le monde, l'impression de ne pas être crue, entraînent
ce que l'on appelle une victimisation secondaire. A chaque fois qu'elle
relate le viol, la femme se sent à nouveau violée.
Le
soutien, matériel et psychologique, d'organismes spécialisés dans l'aide aux
victimes d'abus sexuels, est précieux dans ce genre de démarche, d'autant plus
que le jugement prononcé sur le coupable, souvent trop clément, semble décevant
et injuste à la victime et ravive sa douleur.
Si
vous êtes mis au courant d'un cas d'abus sexuel, la première chose à faire
est d'éloigner la victime de l'abuseur, afin d'éviter que ce dernier ne
recommence.
Dans
le cas particulier d'abus sexuel sur mineur, la deuxième démarche est d'informer
les autorités compétentes (services sociaux et police).
La
loi vous fait obligation de ce dévoilement, et vous devez dans ce cas-là
rompre le secret professionnel, sinon vous risquez d'être considéré par la
loi comme complice. Cette dénonciation vise à protéger la victime et les
autres victimes potentielles, et à obliger le coupable à arrêter ses
agissements.
3.
Les réactions des abuseurs à leur dévoilement
Un
récent Colloque européen sur les violences sexuelles a établi que 82% des
abuseurs n'admettent pas leur responsabilité (53% nient même totalement
les faits). Seuls 18% d'entre eux admettent les faits, et encore parce qu'ils y
sont obligés après confrontation avec les victimes, et non sans les accuser de
les avoir "provoqués».
Cette
négation des faits leur permet de persévérer dans leur perversion, et donc de
ne pas être privés de leur jouissance, qui seule compte pour eux.
Quand
ils ne peuvent plus nier les faits, ils les admettent en minimisant ou en niant
les conséquences désastreuses sur les victimes, surtout si l'abus a été
exempt de violence physique. S'ils ont du remords ou du regret, ce n'est jamais
de leurs crimes, mais de s'être fait prendre et de devoir cesser.
Si
un psy se montre indulgent envers un pervers, parce qu'il désire régler
rapidement une situation qui le dépasse ou le dégoûte, il risque d'être
manipulé par l'abuseur qui fera preuve d'un « repentir» à bon marché
pour continuer en paix ses activités vicieuses cachées. Il se fait ainsi son
complice, ce qui est grave.
Une
réaction possible du coupable d'abus est la suivante : il salit et s'allie.
Il salit les victimes ou d'autres personnes innocentes en les accusant du
mal que lui-même commet ; ce faisant, il soulage ainsi sa culpabilité.
Par ailleurs, il s'allie ceux qui peuvent devenir ses alliés et ses défenseurs
(un père incestueux s'allie sa femme pour qu'elle le laisse abuser de leur
fille).
Un
pervers qui est dévoilé et qui refuse de se repentir peut tomber dans la
panique, la dépression, l'alcool ou le suicide ; plus souvent il
s'endurcit et continue de manière accrue ses pratiques.
Il
est extrêmement rare qu'un délinquant sexuel se repente réellement, (tout au
plus exprimera-t-il quelques vagues « regrets»), mais il faut toujours
lui en donner l'occasion.
En
conclusion, tout thérapeute devrait avoir à cœur de se former dans ce domaine
si particulier, s'il veut s'occuper de personnes ayant souffert de ce drame que
constitue l’abus sexuel.
Jacques
et Claire Poujol
, Conseillers Conjugaux et Familiaux
(Extrait
du livre de Jacques et Claire Poujol :
« Manuel de relation d’aide : l’accompagnement spirituel
et psychologique», Empreinte Temps Présent, 1998.)
BIBLIOGRAPHIE |
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Abus
sexuel. L'enfant mis à nu,
Gijsechem (Van) Hubert, Méridien Psychologie.
La
personnalité de l'abuseur sexuel,
Gijseghem (Van) Hubert, Méridien Psychologie.
La
violence impensable, inceste et maltraitance,
Gruyer F., Fadier-Nisse M., Dr Sabourin.
Le
viol du silence,
Thomas Eva, Aubier.
Le viol,
Brownmiller Susan, Stock.
Le
viol, Lopez Gérard,
Piffaut Gina, Que sais-je ? n° 2753, PUF.
L'enfant
violenté, Rouyer
M., Drouet, Bayard.
La famille maltraitante, Cirillo S., De Blasio P., ESF, 1992.
Viol
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Bigourdan Paul, Delachaux Niestlé.
Violence et abus sexuels dans la famille, Perrone R., Nannini M., ESF, 1995.
Violences
sexuelles en famille,
Chemin, Drouet, Geoffroy, Jezequel, Joly, Erès.
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