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Les faux choix de la vie

Par Eric Brabant
Gestalt Thérapeute et Formateur
Toulouse, France
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Les faux choix de la vie

Françoise m’écrit : « Quand je vois notre histoire à mon mari et moi, je me dis que si nous avions appris à parler vrai et à faire de vrais choix avant d'avoir des enfants, nous n'en serions pas là maintenant. Je voudrais que tout le monde apprenne. Y a-t-il un endroit dans le monde où ce langage est inné ? Des éducations saines ? »

Hélas, pas à ma connaissance... En fait, il faudrait partir en formation avant de se lancer dans la vie ; et c’est ce que nous faisons tous, mais on oublie une matière : l’éducation relationnelle. Elle nous apprendrait à ressentir, étudier la façon dont nous fonctionnons intimement et la manière que nous avons d’entrer en contact avec les autres.
Il faut croire qu’en France, malgré les manifestations de certains auteurs, ce ne soit toujours pas la priorité de l’Éducation Nationale et des pouvoirs publics.

Les hommes s’en vont admirer les cimes des montagnes, les flots agités de la mer, les rivières qui coulent au loin, le contour de l’océan et la révolution des astres… et ils s’oublient eux-mêmes.
Plutarque (50-125)

Nous partons tous avec notre grain ou notre petit vélo dans la tête. D’abord parce que nous avons été façonnés par nos parents et nos éducateurs eux-mêmes souffrants car ils n’ont pas appris à communiquer. Ensuite parce que, petits, nous avons entendu et compris des choses qui n’ont jamais été dites ou pensées par eux. 
Freud disait que l'enfant naît Génie polymorphe et qu'on lui enlève au fur et à mesure toutes ses capacités. 

« Notre vie est ce qu'en font nos pensées ». Marc-Aurèle (121-180)

Si j'évite les patrons ou si je ne veux pas l'être moi-même, si je ne veux pas prendre de responsabilités ou diriger des équipes, si j'évite les femmes car je crains leurs réactions ou leur instabilité, si je refuse la sexualité avec mon partenaire, si je suis en perpétuelle compétition avec les hommes ou si je les crains, en fait ce ne sont pas des choix : je suis soumis à mes doutes, mes croyances, mes peurs et cela perturbe mes capacité de clairvoyance. Mon cadre de valeurs et de références (ce que je sais de moi, de l’autre et de la vie) est donc assez peu souvent un choix et peut me mener à des perceptions erronées de moi, de l’autre et du monde : 

Je suis nul(le) en math ; je ne réussis pas ; chez nous c’est comme ça ; les hommes sont tous les mêmes et ne pensent qu’à ça ; la vie est dure ; je ne réfléchis pas assez ; on ne peut pas faire confiance ; il faut compter que sur soi et ne dépendre de personne ; les femmes sont bêtes ; les patrons sont des profiteurs ; nous ne sommes que des petites gens dans la famille et on se fera toujours avoir ; il faut se battre et faire des efforts pour s'en sortir ; on ne parle pas de soi ; on ne se met pas en avant dans la vie ; je suis fort(e) et je dois protéger les faibles ; la vie est une pièce de théâtre et il faut savoir y jouer tous les rôles ; montrer ses émotions est impudique ; il faut être loyal(e) et fidèle ; c’est toujours sur moi que ça tombe ; chez nous on ne connaît personne ; les hommes sont dangereux ; on ne peut pas être soi-même ; il ne faut pas être ou faire l’enfant ; on ne m'aime pas pour ce que je suis mais pour ce que je fait ; il faut être droit et juste ; il n'y a que le travail qui compte ; inutile de prendre des risques qui mèneront à l'échec ; ça ne se fait pas de demander ; les enfants ne sont pas capables de réfléchir ; on ne s'habille pas sexy comme une pute ; le monde punit les mauvaises attitudes et la spontanéité ; les gens ne sont pas proches ; dans la vie je n'arrive à rien ; les gens sont envahissants et intrusifs ; il faut sans cesse se cultiver et apprendre ; moins on est plus on rit ; faut pas toucher ; quand on est marié ma fille il faut remplir ses devoirs conjugaux ; le monde me rejette quand j'exprime mon opinion ; il ne faut cesser d'avancer et d'acquérir dans la vie ; les gens m’aimeront si je les fais rire et les séduit ; il faut réfléchir beaucoup avant de se lancer ; je n’ai pas confiance en moi ; petits enfants petits soucis et grands enfants gros problèmes ; on ne pose pas de questions ; faut savoir rester humble ; en cas d’erreur on peut perdre son travail ; le mieux est de paraître d’accord avec tout le monde ; il faut être parfait(e) ; on fait plaisir aux gens et on passe après ; il faut aider les autres et pas s’occuper de soi ; il y a de beauté que dans l’art du désespoir ; il faut se dépêcher car le temps c'est de l'argent ; la médiation évite les conflits ; je n’existe pour personne ; ne pas dire non ou décevoir ; je suis libre et n’appartiens à rien ; il faut suivre les règles et la loi ; l'apparence aide à réussir et il faut savoir se vendre ; on m’abandonné(e) ; on ne choisit pas dans la vie ; la vie n'est qu'insécurité et chaque instant il peut nous tomber quelque chose sur le nez ; on ne peut pas compter sur les autres ; je n’ai pas le droit d’être faible ; je suis seul(e) à mener la barque ; l’Homme est un loup pour l’Homme ; seuls les forts et les chefs réussissent ; à cinquante ans on ne trouve plus de travail ; il faut observer et réfléchir pour comprendre le monde ; la vie est faite pour jouir et s’amuser, mieux vaut en rire…

Voici les principales injonctions que nous recevons de nos parents ou conclusions que nous élaborons nous-mêmes principalement dans la petite enfance, avant six ans. Bien sur il y en a d’autres.
Donc nous avons avalé tout rond sans les goûter certaines de ces valeurs et certitudes, puis elles nous restent sur l’estomac comme des corps étrangers qui nous contraignent. Nous les avons intériorisées sans les valider et le fait de les conserver comme telles correspond à remplacer nos propres références par celles des autres. 
C’est ce que j’appelle «Voir le monde avec les yeux de ceux qui nous ont appris à voir ».

Ce que j’ai avalé tout rond va se transformer en projections par lesquelles j’attribue au monde des réalités sans voir qu’elles me concernent et que j’en suis le seul artisan. Ces projections fausses vont conditionner mon libre arbitre sur une base erronée, il en deviendra donc perturbé et organisera mes contacts avec le monde de façon à me prouver que j’ai bien raison de croire à toutes ces injonctions. Inutile de dire qu'ainsi présentées comme axiomes elles ne sont qu'inepties. Et c'est souvent à partir de ces injonctions qu'on s'adapte à l'environnement humain ou circonstanciel : en s'y ajustant de façon conservatrice avec des pré requis et non de façon créatrice, en se reposant sur l’expérience immédiate sans a priori.
Dans la première croyance citée précédemment, je peux effectivement être nul en math, mais le problème qui nous occupe ici est que cette croyance est considérée comme fixée pour toujours, «c’est comme ça ». Je vais faire de mauvais choix et de fâcheux rejets parce qu’ils reposent sur des caractères vus comme intangibles, puis je vais avoir tendance à répéter continuellement ces aspects qui constituent finalement une partie de mon identité. Et puisque je me suis arrangé inconsciemment pour confirmer ces croyances, tous les évènements de ma vie vont les corroborer également. Je récolterai alors ce que j’ai semé. 
C’est une sorte de répétition de stratégies dépassées de l’enfance qui mène au cycle répétitif de l’insatisfaction ou de la souffrance. Bien qu’évolutifs, car je ne me comporte apparemment plus comme un petit enfant, les phénomènes se perpétuent parfois pendant des dizaines d’années.
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«Dans la vie on ne voit souvent que ce qu’on croit ». 

Nous faisons ainsi des faux choix, des choix qui n’en sont pas. Si je fais les choses avec la peur ou que je me suradapte en permanence pour être parfait, ce n’est pas parce que j’ai choisi délibérément d’avoir peur ou de me démener follement à perpétuité. C’est parce que j’ai perdu ma liberté et que mon passé revient conditionner le présent. Mes choix vont donc s’effectuer sur la base de réponses obsolètes, à travers le filtre de ce que nous appelons classiquement les mécanismes de défense ou d’évitement. 
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Nous faisons ces faux choix car nous n’écoutons pas nos besoins, nous méconnaissons nos ressentis, envies et désirs ou parce que ceux-ci peuvent reposer sur des réalités erronées et être confondus avec la réalité (J’ai peur des hommes car ils sont violents). Ou parce que notre cadre de référence repose en partie sur des croyances, illusions ou projections non vérifiées. 
Nous nous soumettons donc à des choix qui pouvaient être judicieux à un moment donné de notre existence mais qui ne le sont plus maintenant. En ce sens, il s’agit donc à nouveau d’incursions du passé dans le présent. 

C'est ainsi qu'on se lance dans une orientation qui nous parait valable ou qu’on a pas choisie et qu'on fait parfois de mauvais choix en choisissant le partenaire de notre vie. 
Inconsciemment beaucoup d’hommes cherchent une poupée Barbie, une bombe sexuelle, une intellectuelle, une tendre partenaire, une hommasse, une fantôme ou cherchent à cohabiter avec une femme qui ressemble à maman. Sans le savoir, beaucoup de femmes cherchent le prince charmant, l’être sensible, le séducteur, le protecteur, l’ivrogne, le persécuteur, ou veulent vivre avec un homme qui ressemble à papa. Ils et elles recherchent en fait un(e) partenaire qui leur rappellera des situations du passé, que ce soit personnages ou situations conjugales.
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Pour être fidèle à nos parents, nous nous comportons comme eux ou, au contraire, nous nous astreignons de vivre à l’opposé de ce qu’ils nous ont appris.
Nous éduquons souvent nos enfants à la manière dont nous avons été élevés ou à l'inverse de l’éducation que nous avons reçue de façon qu'ils n'héritent pas des souffrances dont nous avons souffert. Notez que dans ces choix, l’individualité de nos enfants n'apparaît pas, l’éducation n’est pas personnalisée car tout dépend de nous et de nos parents. 

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On répète souvent de façon directe ou détournée la vie familiale qui nous a été donnée à voir ou le passé qu’on voudrait corriger : dans ces cas là, on ne vit que pour soi, jamais dans le présent, et c’est le meilleur moyen de le gâcher.

On excelle à reproduire ou à retransmettre ce qui nous a fait le plus souffrir,
Et cette retransmission, c’est à nos êtres les plus chers qu’on la livre…


Beaucoup d’hommes travaillent comme des fous dans la vie... pour égaler papa ou enfin satisfaire l’injonction qu’il nous a transmise. D’autres cherchent à ne vivre que des joies, des jeux et du bonheur pour ne par faire comme maman qui toute sa vie a souffert. Ou, au contraire certaines femmes vivront comme elle car « C'est la condition féminine et les hommes sont des salauds »... Beaucoup de problèmes avec l'autorité relèvent des problèmes avec celui ou celle qui représentait l'autorité à la maison.... 

Oui, pour éviter de faire des faux choix qui ne mènent que sur des chemins sinueux ou sur des impasses dans notre vie, je pense vraiment qu'il faudrait un petit accompagnement avant de choisir une orientation professionnelle, avant se mettre en couple, avant d'élever les enfants, de prendre en charge nos petits enfants ou même de partir en retraite. 
Je voudrais que les jeunes y viennent avant la quarantaine, avant le constat des dégâts. 
Pas uniquement pour se reconstruire après un divorce, des problèmes d’enfants, une dépression, un sentiment d’abandon et de ruine ou des somatisations invalidantes avec le sentiment d’avoir raté sa vie. 

Inutile d’attendre d’être malade pour aller mieux ! La Gestalt-Thérapie peut assurer cet accompagnement en toute sécurité, c’est une partie de ce qu’elle peut nous proposer.

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Par Eric Brabant
Gestalt Thérapeute et Formateur
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