LE POINT DE CAPITON
Ce travail est produit d’un cartel Montpelliérain dont le thème, le séminaire « Les psychoses » venait, en ce qui me concerne, après une réflexion de deux années dans le cadre d’un autre cartel dont le Plus-Un était Monsieur Marc LEVY sur le sujet "Les psychoses" où bien sûr il s'agissait de lire, aussi, le même séminaire.
Les deux lectures au sein des deux cartels ont bien sûr eu pour effet de mettre la question au travail, question déjà abordée dans le cadre d'un stage du champ freudien, à savoir, “ le diagnostic est-il vraiment utile dans la direction de la cure ? ”
Peu importe le diagnostic ?
Au contraire, « le diagnostic importe , peu importe le diagnostic ».
Je vous renvoie à la citation de Monsieur Pierre MARTIN.
Si le diagnostic n'est pas d’urgence « Le devoir de l'analyste est de faire preuve de certitude dans l'action ». -Propos sur la causalité psychique.
C'est une question qui se veut éthique, qui ne se veut donc pas épistémologique. Il ne s'agit pas de répondre dans une subjectivation, (je dis au passage, que le contrôle de l'analyse ou de l'analyste plutôt peut permettre de subjectiver et d'éviter de répondre dans le contre-transfert ou le contre subjectif).
On interroge, dans les entretiens préliminaires la structure non de la personnalité mais du sujet, dans une clinique du désir et de l’objet : structure de la lalangue et capacité à être dans le discours ;
En ce qui concerne ce cartel, nous nous sommes arrêtés au point de capiton. Nous n'étions pas, dans ce que l'on peut appeler une crise, mais, se manifestait un désenchantement.
Une scansion, vécue peut être prématurée c’est à dire une réunion abrégée en témoigna. En quoi ce point de capiton faisait-il point d’arrêt ?
LACAN disait que les psychotiques sont des incroyants. “ Etre psychotique c'est ne rien vouloir savoir du coin où il s'agit de la vérité ’’. On peut trouver dans le séminaire sur les psychoses des clés diagnostiques qui peuvent faire abord du patient.
Les quatre clefs proposées sont
- Le point de certitude
- L’équivoque signifiante
- L’absence d’implication subjective
- L’inertie dialectique
R.S.I. : la croyance se définit entre imaginaire et symbolique, l’ignorance entre réel et symbolique, la haine entre imaginaire et réel. Dans la cure la question finalement est d’essayer d’entendre ce qu’il advient du sujet au moment où il se confronte à être le grand A barré dans le graphe c’est-à-dire, au trou dans l’autre.
« Qu’il arrive le plus tard possible », disait François LEGUIL à cette expérience, qu’il fasse le plus long chemin possible, de longs chemins, dans la cure, (c’est ainsi que je l’entends) le long du chemin de la perte des identifications. Cela transparaît mieux dans la cure des névrosés ;
Les Ecrits , page 824, donc dans subversion du sujet et dialectique du désir : LACAN précise qu’il faut avoir le fil qui permet de poser le fantasme comme désir de l’autre ; on en trouve dit-il, alors « les deux termes comme éclatés l’un chez l’obsessionnel pour autant qu’il nie le désir de l’autre en formant son fantasme à accentuer l’impossible de l’évanouissement du sujet, l’autre chez l’hystérique pour autant que le désir ne s’y maintient que de l’insatisfaction qu’on y apporte en s’y dérobant comme objet.
( …)Besoin fondamental chez l’obsessionnel de se porter caution de l’autre, et chez l’hystérique, du côté de l’intrigue sans foi ».
Mon attente de ce travail de cartel était d’arriver à déplier le carré magique, soit le schéma que l’on trouve dans la question préliminaire le schéma « mimi », petit m, petit i, grand m, grand i.
Nous nous sommes arrêtés au point de capiton et avons abordé le graphe à peine :
ouvre-bouteille ou hameçon, pour ne pas y perdre notre latin, nous avons cherché du côté de la clinique dont nos pratiques à chacun ; nos exemples, bien sûr ne pouvaient pas se superposer.
Nous avons fait dans l’ensemble l’effort d’écrire peut être chaque fois, quelque chose avant, quelque chose pendant, ou quelque chose après : cela me paraissait nécessaire ( ?), que ne cesse pas de s’écrire, quelque chose. D’un travail de transfert du côté de la nécessité et du petit a : passer à un transfert de travail du côté de S1 donc du contingent, le contingent cesse de ne pas s'écrire- en étant passé par l'étape du $ …Que tombe un S2, un plus de savoir .
Dans la séance de clôture des journées d'études des cartels de l'École Freudienne LACAN répond à la question de Solange FALADE, sur la question du cartel et de la fonction du plus une personne. LACAN après avoir fait référence à RUSSEL à propos de la mathématique où il démontre que les mathématiciens, s'ils ne savent pas si ce qu'ils disent est vrai ni de quoi ils parlent, ils savent par contre très bien de qui ils parlent, dit LACAN ; sur le thème du cartel, il fait une digression sur le nœud boroméen qui lui rappelle ou qui a rappelé plutôt à quelqu'un, le trinitas, le trisquel breton ;
les trois petits traits qui se croisent à la façon dont on fait des faisceaux avec des fusils, et ça tient. Ce qui lui permet de dire « qu'est-ce qui fait notre religion ? » , il parle de l'analyse, s'il s'agit d'une religion. Il ne veut pas être pris en flagrant délit de déisme, il parle d'une religion du désir, je cite : "ça me semble être lié non seulement à une notion de trous, de trous d'où beaucoup de choses viennent à tourbillonner de façon à s'y engloutir. Ce trou, le faire multiple, je veux dire par-là le faire conjonction au moins ”.
« Je ne vois pas comment nous pourrions supporter notre technique qui se réfère essentiellement à quelque chose qui est triple et qui suggère un triple trou, donc c'est ensuite l'exposé de la relation du trou dans le corps du côté de l'imaginaire, résidence du langage, du symbolique, ainsi donc du symbolique nécessaire à penser ce qui est autour du corps _ dans l'analyse _ a été pensé comme lié à divers trous : l'oral, l'anal, les divers orifices et leurs fonction dans le corps permettent dit-il de désigner que le terme trou ce n'est pas une simple équivoque, que de le transporter du symbolique à l'imaginaire. »
P. Martin , dans sa Lecture du Graphe , p.34, dit : « le refoulement d’une question, celle du sujet C’est à dire la question du CE, qui d’un Signifiant pour un autre Signifiant fait Trou dans le réel. Un trou ? Celui de la fin ? De notre fin ? ou… De notre commencement ? Les trois, figurez vous. Le Trou, en soi, il est là tout le temps : il est la raison du Temps ».
A la fin du séminaire III sur le point de capiton : Le point de capiton, c'est un point de capiton, c'est ainsi qu'il peut dans l'œuvre de LACAN être compris, c'est-à-dire, que jamais il ne revient dessus. Il y a des choses qui tiennent, plus ou moins solidement ; je veux dire que LACAN dans ses séminaires revient sur des choses, des avancées, des points qui peuvent paraître doctrinaux, qu'il peut remettre en question, qu'il met au travail, en tout cas. Simplement, on peut trouver des contradictions, on peut faire un travail autour de ce qui a été dit, puis ce qui a été écrit, puis ce qui a été retranscrit, transcrit, sténotypé, ronéotypé ; il y a des choses qui semblent tenir plus, je dirai à cœur, ou fermement de façon nouée assez, pour qu'elles puissent être mises en question, les questionner, mais sans les remettre en question, dont le point de capiton.
Il me semble que ce n'est pas quelque chose qu'on puisse interpréter au sens déchiffrer, de différentes façons qui s'équivoqueraient ou qui s'équivaudraient. Il en a besoin, je veux dire LACAN en a besoin dans son démontage de la structure de la psychose ; or dans notre cartel, nous avons achoppé là. C'est-à-dire que nous avons eu deux rencontres successives sur le même thème. Pour laisser, on va dire, un reste à travailler, mais enfin c'est là que nous avons le plus interrogé et la clinique et le séminaire. Et c'est pourtant un concept qui paraissait en soi, assez simple ; on a tous l'image du matelassier de la porte capitonnée, de tout ce qui peut permettre simplement le nouage, nouage du signifié, du signifiant.
Les nouages du signifié et du signifiant dans le séminaire des psychoses LACAN nous l'explique en prenant l'exemple de la tragédie de RACINE : ATHALIE,
« Oui Je… », puis le suspens…. qui dans la réplique d'HABNER, Officier de la Reine ATHALIE, marque combien même à chercher tous les sens possibles, nous restons dans l'expectative du sens à donner à la phrase.
Nous espérons la clôture, le point, le terme, nous l'anticipons, quelque chose va ensuite venir, prospectivement, il va dire, "oui, je viens dans son temple", LACAN poursuivant sur le ton interrogatif "Arrêter le grand-père, par exemple". ‘’Oui Je viens dans son temple, adorer
l'Éternel’’, dans la progression diachronique de la phrase, soit le déroulement de la parole dans le temps, le terme qui succède rétroactivement jusqu'au dernier mot, jusqu'au fin mot, venir pour adorer
l'Éternel n'a pas le même effet que de venir pour arrêter quelqu'un, il y a là action rétroactive sur les termes qui précèdent. Ce point de capiton, nous dit Lacan « trouvez-en la fonction diachronique dans la phrase, pour autant qu'elle ne boucle sa signification qu'avec son dernier terme, chacun des termes étant anticipé dans la construction des autres, inversement scellant leur sens par son effet rétroactif ». Cela, c'est dans Subversion du sujet P.805. Cette image du point de capiton, amène les deux dimensions nouvelles qui participent à l'effet de signification et qui « arrêtent le glissement autrement indéfini de la signification. » Tout acte de parole dans son aspect prospectif qui anticipe sur la fin de la phrase, dès l'émission du premier mot sur la chaîne signifiante s – s', annonce l'intentionnalité du discours dans le discours. Elle ne peut se dire que dans les coupures offertes. Le sens n'est délivré qu'à la rétroaction sur les termes qui précèdent. Cf le séminaire 5 : les formations de l'inconscient – page 15. L'action nachtraglicht du signifiant, c'est la dimension d'après coup dont le point de capiton est la cellule élémentaire vectorialisée sur le segment Δ $.
Pour SAUSSURE, c'est ce qui permet la mise en rapport des signifiants et des signifiés : d’où la conception de l'accrochage de ces deux flux – page 304 – du séminaire III.
« Le nombre minimum de points d'attaches fondamentaux entre le signifiant et le signifié nécessaires à ce qu'un être humain soit dit normal, qui lorsqu'ils ne sont pas établis ou qu'ils lâchent font le psychotique » au point d’en faire peut être le compte (du nombre de points qui arrimeraient la réalité ).
Monsieur MENARD, en AVIGNON « les fins de l'analyse » rappelait qu’il ne saurait y avoir de mot de la fin.
Notre cartel s'est achevé sur ce point.
Nous citions dans le bulletin N° 3 de l’ACF Voie Domitienne en pensant à Hans, le petit enfant qui chantait dans le noir, Hésiode qui dans la THEOGONIE conte la ruse qui permit au monde de survivre : Gaïa au vaste sein, soutien inébranlable de tous les êtres, la Terre, engendra Ouranos, le ciel, et d’elle et d’Ouranos naquirent des créatures dont la dernière Chronos….
Pensée synchronique ou diachronique : la distinction n'est pas si tranchée, dans les Essais pour une histoire structurelle du phonétisme français ou chez des linguistes partisans de la grammaire générative…
Revenons à Gaïa..
Chronos arma sa main d'une serpe aux dents acérées, l'instruisit du piège quand le grand ciel vînt à la nuit pour enserrer la terre tout avide d'amour, et de sa cachette étendit la main gauche et de la droite, armé de l'immense serpe mutila les testicules de son père, les jeta loin derrière lui, geste qui ne fut pas stérile. La terre recueillit le sang coulant des chairs mutilées de ce sang au fil des ans elle engendra les redoutables Érinyes, les Furies.
Dans ces mythes, rappelle Lacarrière, tout se passe comme si après l'apparition des Dieux, l'univers ne pouvait continuer son cours que par une mutilation pratiquée sur le père, parricide ou castration répandant sur la terre le sang du ciel.
Que Freud donne en exemple de lapsus dans "Psychopathologie de la vie quotidienne", il fait erreur dans l'interprétation des rêves : Il mentionne la castration de Chronos par Zeus, alors en fait, c'est Chronos qui châtie Ouranos.
Pour citer encore LEGUIL,dans la névrose et la psychose, si on les met en contrepoint : la mise en question de la fonction paternelle du côté de la névrose «pourquoi il y croyait, serait du côté de la psychose impossible d'y croire ».
Si le névrosé manœuvre l'autre dans le schéma $ A, c'est pour obtenir une information sur l'être qui le calmerait du manque à être,
à avoir été plus un, à deux reprises, pour la première fois dans un cartel avec M. Mme MENARD et les autres, en naïf, j'admettais, un poste de la circulation de la parole. L'agent qui fait que ça circule ;
Un temps plus tard, je pensais répondre à une demande d'assurer une fonction tournante qui aurait permis de produire un travail propre à chacun, et chacun s'y rapporterait.
La fonction m’a paru être la même mais non identique : y être aussi, à titre, d’un et coetera :le cartel, comme adresse où s’exposent les modalités particulières des lieux de résistance, (quand les lieux communs s’arriment, en langue de bois ) ; ne pas vouloir savoir non plus doit y être entendu et accepté.
Alain Souède, Médecin Psychiatre, Psychanalyste
Nîmes, France
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