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Prévention du Burnout

Par André Gareau, Conférencier, Auteur et Psychothérapeute
Boisbriand, Québec, Canada
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Prévention du Burnout

Alors que se termine le Forum International sur la Santé en Milieu de Travail tenu dans le cadre de la 11e conférence Montréal, on ne peut qu’espérer que certaines présentations auront mis en lumière l’urgence de valoriser socialement une politique de prévention du burnout afin mettre un terme aux trop nombreuses tergiversations en la matière.

D’entrée de jeu, on conviendra que le stress est de plus en plus présent dans nos vies et qu’il débouche trop souvent sur des problèmes graves comme le burnout et/ou le désarroi personnel et professionnel, le premier étant directement lié à la définition de tâche (surcharge de travail) alors que le second est plus conjoncturel et résulte davantage de tensions découlant soit de la culture corporative ou de l’ambiance du milieu, fusse-t-il professionnel ou autre.

Mais dans un cas comme dans l’autre, les personnes affligées s’en trouvent sérieusement affectées, avec tous les inconvénients qui s’en suivent. Il y a en premier lieu l’individu qui est ébranlé et s’en trouve sérieusement hypothéqué, tant au niveau de l’estime de soi que de sa forme physique. Forcé de prendre du repos, il mettra souvent plusieurs mois à s’en remettre ( une vitalité qui aurait pu être utilisée à meilleur profit si on avait su prévenir et ainsi éviter qu’il n’en arrive à ce point). 
Le second inconvénient, non négligeable celui-là non plus, concerne les pertes encourues par l’employeur.

Absentéisme au travail et ses coûts

Les impacts négatifs du stress et du burnout représentent des enjeux majeurs pour les entreprises car ils sont lourds de conséquences, ne serait-ce qu’au niveau des coûts de l’absentéisme qui en résulte.
Une étude menée par le groupe conseil AON révèle que leurs coûts directs sont de 6% de la masse salariale alors que les coûts indirects occasionnés par la perte de productivité, l’embauche et la supervision du personnel de remplacement, les heures supplémentaires et autres incommodités font gonfler la facture à près de 20 % de la masse salariale de l’entreprise. Et tout cela sans compter les impairs possibles au niveau de la communication avec la clientèle.

Pour se faire une idée de l’étendue du problème, notons que le temps de travail moyen perdu à cause du stress chez nos voisins du sud a augmenté de 36% depuis 1995. Sur 550 millions de journées de travail perdues chaque année chez eux, 54% proviendraient des impacts du stress.

Quant à nous, alors que 39% des Canadiens considéraient en 1997 leur milieu de travail comme étant une source majeure de stress, la proportion de ceux qui disaient la même chose était passée à 50% en 2001. Et alors qu’en 1985, les demandes d’invalidité avec diagnostic d’anxiété représentaient 11% de toutes les demandes, elles s’élevaient déjà 29% en 1998. Qui oseraient prétendre que les choses se sont amélioré ces dernières années ?

Globalement, les coûts sociaux attribuables aux problèmes qu’on regroupe présentement sous le vocable de « santé mentale au travail » seraient de plus de $20 milliards/an au Canada alors qu’on les évalue à près de $4 milliards/an pour le Québec à lui seul.

Cela vaudrait donc la peine d’y voir ! Et pourtant, les entreprises hésitent à faire de la prévention. Pourquoi ? La réponse est relativement simple. L’expérience démontre que dès qu’on parle d’urgence de faire de la prévention en matière de burnout, on rencontre énormément de résistances et ce, tant de la part des individus que des entreprises. 

Le syndrome « pas dans ma cour »

Même si tout le monde reconnaît les méfaits du burnout, la majorité des gens disent ne pas se sentir personnellement à risques. En fait, on admet que le problème existe, mais.. pour les autres et non pas pour soi. D’ailleurs, 95% des gens qui ont fait un burnout affirment après coup qu’ils n’avaient jamais cru que cela puisse leur arriver à eux. 

Comment expliquer ce genre de réaction ? 

D’une part, bon nombre de performants se disent qu’à partir du moment où ils acceptent d’examiner leur rythme de vie, ils devront se rendre à l’évidence et considérer les impacts possibles de leur niveau de stress sur leur système nerveux et l’ensemble de leur organisme. Pour plusieurs, ils savent fort bien que cela viendrait confirmer ce que leur médecin leur répète depuis déjà longtemps mais... on se doute bien de la suite de ce genre de monologue ! 

D’autre part, bien des gens hésitent à adopter des mesures préventives de peur que cela soit interprété par leur entourage comme un aveu de faiblesse, ce qui pourrait nuire à leur cheminement de carrière. Bien que ce raisonnement puisse paraître quelque peu alarmiste, on doit convenir qu’il reflète une certaine réalité corporative car dans bien des milieux, ceux qui parlent toujours en termes de 110% sont très valorisés. 

D’ailleurs les entreprises ne sont pas très chaudes à l’idée d’implanter des programmes de prévention de burnout elles non plus, ne serait-ce que parce qu’elles tiennent à inspirer confiance à l’externe en projetant l’image d’une équipe forte et dynamique. À l’interne, dans bien des cas, on croit préférable d’éviter de réveiller le chat qui dort, d’où les réserves à admettre de tels besoins.

D’autant plus qu’avec leurs PAE (programme d’aide aux employés) conçus pour soutenir et aider les gens qui vivent des difficultés comme un burnout, plusieurs sociétés considèrent bien s’acquitter de leurs devoirs en ce sens qu’elles ne laissent pas leurs soldats blessés au devoir gémir sur le champs de bataille ; on tient à préciser qu’on s’occupe d’eux en leur fournissant les soins appropriés.

Malheureusement, quand quelqu’un en est rendu à ce point, c’est qu’il est trop tard, le mal est fait ; il aurait fallu intervenir avant, par de la prévention. De toute évidence, la culture corporative n’a pas encore intégré le principe qu’il « vaut mieux prévenir que guérir» en matière de burnout.

On doit toutefois convenir à sa décharge que les valeurs véhiculées dans nos sociétés modernes sont loin de les inciter à agir en ce sens.

Éléments de la problématique

Tout d’abord, il y a présentement un modèle de gestion très à la mode qui veut qu’on s’emploie à offrir les services qui répondent aux besoins exprimés par la clientèle. Or, puisqu’on sait que les gens font tout en leur possible pour éviter ou à tout le moins repousser au maximum toute demande de consultation face à leur crainte de faire un burnout, il est évident qu’on ne pourra jamais juger de la nécessité d’implanter un tel programme de prévention à partir de ce critère d’évaluation. 

Non seulement les gens cherchent-ils à garder le secret face à leur problème mais plusieurs voudront aussi camoufler leurs démarches pour s’en sortir (j’ai déjà reçu en consultation des gens qui préféraient assumer seuls leur traitement plutôt que de présenter des reçus d’honoraires bien qu’ils avaient droit à un remboursement par leur plan d’assurance au bureau, par crainte que cela se sache).

Autre volet de la problématique, le statut précaire du burnout comme entité clinique. D’une part, il n’est pas reconnu comme une « maladie assurable » mais on y réfère présentement comme une problématique de Santé Mentale (avec les dépressions, etc.), ce qui n’est rien pour inciter les gens à s’y identifier. Et comme d ’autre part ses paramètres sont mal circonscrits, il est compréhensible que les entreprises usent de réserve face à ce qui pourrait s’avérer une boite de Pandore. Bref, une certaine prudence s’impose, mais pas au point d’en nier l’importance ni de minimiser le sérieux de la situation. 

Des résistances surmontables

Comme on le constate, il y a plusieurs niveaux de résistance ici et là, ce qui n’est rien de nouveau. Est-il besoin de rappeler que dans les années ’50, aucun employeur aurait accepté d’investir dans un programme d’aide pour des problèmes d’alcoolisme chez son personnel (même pas chez les cadres). On alléguait qu’il s’agissait là de problèmes personnels dans lesquels l’employeur ne devait pas s’immiscer.

Or aujourd’hui, non seulement tenons-nous un discours absolument contraire mais on l’a même élargi à l’ensemble des problèmes de toxicomanie, y compris le tabagisme. Qui plus est, chose impensable il n’y a pas si longtemps, non seulement les entreprises fournissent-elles un support aux gens qui veulent arrêter de fumer mais on ne se gêne pas pour inciter les gens à délaisser la cigarette.
pour une culture de prévention du burnout. 

Comment se fait-il que ce genre d’interventionnisme jadis abhorré ne nous répugne plus ? Et surtout, comment en est-on venu à ce que le milieu corporatif s’y implique d’une manière aussi dynamique ? 
Il est évident que rien de tout cela n’eut été possible sans un important changement des mentalités au profit de valeurs telles que la santé et l’importance de notre qualité de vie.

Or, ces transformations ne nous sont pas tombées du ciel pas plus qu’elles ont surgies comme par magie de notre inconscient collectif ! Après de multiples débats sur la place publique, il faut voir qu’on a collectivement fait certains choix de société qui nous honorent et on a ensuite préparé le terrain à leur implantation.

Notons toutefois que rien de tout cela n’eut été possible sans l’affirmation expresse d’une volonté politique, non seulement de mettre de l’avant de telles valeurs, mais surtout d’en favoriser la concrétisation en incitant tous les milieux à y participer. C’est ce qui s’est traduit par la mise en place des campagnes de prévention que l’on connaît maintenant. 

C’est donc en valorisant socialement la prévention qu’on est parvenu à induire ce changement des mentalités de la même façon qu’on y était parvenu à propos d’autres problématiques. 
Le défi actuel, c’est le même ! Il faut faire en sorte que dans l’esprit des gens, il devienne «in » de se doter de moyens pour faire contrepoids au stress et se prémunir du burnout sans craindre d’être perçu comme un individu moins performant.

À partir du moment où on aura consensus là-dessus, il y a fort à parier que les entreprises se sentiront pressées d’emboîter le pas dans un tel processus tout comme elles l’ont fait à d’autres égards.
Cela devrait les amener à peaufiner leurs stratégies de prévention du burnout, démontrant par le fait même combien ils considèrent que le capital humain est la richesse première de leur entreprise.

André Gareau
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