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psychothérapie

La psychothérapie en France (DOSSIER)
Mise à jour: Novembre 2004

Partie 1 - Histoire et approches
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Partie 2 - Les psychothérapeutes
Partie 3 - La Fédération Française de Psychothérapie (FFdP)
Partie 4 - Organisation membres de la FFdP et Bibliographie
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par Serge Ginger, Secrétaire général de la Fédération Française de Psychothérapie (FFdP)
avec la collaboration du Dr Michel Meignant, Président de la FFdP.

Contribution à l’ouvrage « Globalized Psychotherapy », sous la direction du Pr. Alfred Pritz, Secrétaire général de l’European l’Association for Psychotherapy (EAP) et Président du World Council for Psychotherapy (WCP)

Serge Ginger est psychologue clinicien et psychothérapeute didacticien en Gestalt-thérapie. Il est le fondateur de l'École Parisienne de Gestalt (EPG), le président de la Fédération internationale des Organismes de Formation à la Gestalt (FORGE) et l'auteur de plusieurs best-sellers sur la Gestalt, traduits en 10 langues. [ Références: GINGER S. et A. (1987). La Gestalt, une thérapie du contact. Hommes et groupes, Paris. 7e édition : 2003, 550 pages. (la nouvelle édition, de 2003 comporte une 15aine de pages supplémentaires); GINGER S. (1995). La Gestalt, l’art du contact. Guide de poche Marabout, Paris. 7e édition : 2004, 290 pages. (les éditions belges Marabout ont été rachetées par Hachette, Paris).] 

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Partie 1 - Histoire et approches
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Rapide survol historique

On peut remarquer que plusieurs des précurseurs de la psychothérapie ont exercé en France et en Autriche, l’axe Paris-Vienne semblant particulièrement propice au développement de cette approche, dès le XVIIIe siècle !
Franz Anton Messmer (1734-1815), né en Allemagne, entreprend des études de théologie, puis de médecine. Il écrit sa thèse de médecine sur « L’influence des planètes sur les maladies humaines ». Il rencontre par la suite le Père Hell, jésuite et professeur d’astrologie, qui guéris-sait les malades à l’aide de fers aimantés. Messmer lui emprunte cette technique et expérimente ses fameux baquets de chêne qui lui permettent de traiter 30 malades à la fois. Dans ces baquets d’eau, trempait du verre pilé et de la limaille de fer ; des tiges métalliques mobiles sortaient du couvercle et chacun des malades en tenait une extrémité, le tout au son d’un pianiste qui jouait des airs de Mozart… Les patients étaient encordés entre eux et le médecin magnétiseur, vêtu d’un habit de soie lilas, circulait avec sa baguette de sorcier et les fixait à tour de rôle, droit dans les yeux… Les malades étaient saisis de convulsions hystériques et la salle de traitement avait reçu le surnom « d’Enfer à Convulsions ». Un baquet isolé et gratuit était réservé aux pauvres , et — comme on peut s'y attendre — ses résultats étaient nettement moins satisfaisants !
Il fut bientôt exclu de la Faculté de Médecine de Vienne pour « pratiques charlatanesques » et s’enfuit à Paris — où il a développé les méthodes décrites ci-dessus. Mais, à partir de 1784, le Roi de France ordonne une expertise et de célèbres savants (parmi lesquels Lavoisier, le Dr Guillotin, l’astronome Bailly et B. Franklin) concluent, de même, de manière très négative, précisant que « l’imagination sans magnétisme produit des convulsions, tandis que le magnétisme sans l’imagination ne produit rien ». Après cette nouvelle condamnation, Messmer se réfugie en Allemagne, mais sans davantage de succès, puis à Londres — d’où il revient mourir, ignoré de tous, dans son pays de naissance, l’Allemagne. 
Pourquoi donc m’être attardé sur son histoire ? Parce qu’on peut voir là les premières ébauches de l’hypnose, reprise, par la suite, par Puységur, Liébault (1823-1904), Bernheim (École de Nancy), Charcot (1825-1893) et Janet (1859-1947). 
On sait que Freud (1856-1939) fut profondément influencé par les quatre mois de stage qu’il effectua auprès de ces derniers en 1885-86.
Entre temps, Jules Cloquet (1839) et Paul Broca (1859) pratiquent des opérations chirurgical-les sous anesthésie hypnotique et, en 1882, Charcot réhabilite l’hypnose, à l’hôpital psychiatrique de la Salpêtrière. On sait aujourd’hui que son service abritait à la fois des épileptiques et des hystériques et que ces derniers étaient toujours endormis par ses élèves ou assistants et ainsi, suggestionnés à son insu et « dressés » à reproduire des crises inspirées de l’épilepsie !
En 1889 fut organisé le premier Congrès international de l’hypnotisme.
On trouve ainsi chez Messmer une première approche de l’hystérie et de la suggestion, le constat de l’effet placebo et de l’influence du psychisme sur la neurophysiologie, ainsi qu’une tentative de psychothérapie de groupe.
En fin de compte, c’est donc en France qu’eurent lieu les principales expérimentations initia-les de ce qui allait progressivement devenir la psychothérapie du XXe siècle, avec notamment : Messmer, Bernheim, Charcot, Janet et Freud.

La psychanalyse

On peut considérer que la plupart des psychothérapies contemporaines sont issues de la psychanalyse (même si certaines s’en sont nettement écartées), la plupart, à l’exception de quelques-unes — non négligeables — comme les approches cognitivo-comportementales, le psy-chodrame morenien, les thérapies familiales systémiques, la PNL, etc.
La psychanalyse date maintenant d’un siècle et il va de soi qu’elle a considérablement évolué, en fonction des mentalités d’une part, et des recherches scientifiques d’autre part — notamment en neurosciences, en génétique et en psychopharmacologie.
C’est en avril 1886 que Freud ouvrit son premier cabinet, à Vienne, au retour d’un stage de quatre mois dans les services des professeurs Bernheim et Charcot, en France. 
Il n’avait pas encore 30 ans. 
C’est en français qu’il avait écrit ses quatre premiers articles, entre 1893 et 1896 (sur les paralysies hystériques, les obsessions et phobies, l’hérédité et l’étiologie des névroses). Mais ces articles n’eurent à l’époque, strictement aucun écho et il fallut attendre 11 ans pour le premier article sur la psychanalyse en langue française (écrit d’ailleurs par un Suisse de l’École de Zurich), et 18 ans (1911) pour que Freud évoque avec joie « le premier Français qui ait adhéré ouvertement à la psychanalyse » (le Dr. Morichau-Beauchant, de Poitiers). 
Et ce n’est qu’en 1921 que Freud suggère à Eugénie Sokolnicka d’être « la première représentante de la psychanalyse en France », soit trente ans après la naissance de la psychanalyse. 
C’est en 1926 que se constitue la Société Parisienne de Psychanalyse (SPP), avec l’aide de la Princesse Marie Bonaparte.
 
À cette époque, il n’y avait en France que deux psychanalystes, tous deux formés à l’étranger (Sokolnicka et Lœwenstein). A la mort de Freud, en 1939, ils étaient 24 Français, mais ce nombre est retombé à 11 psychanalystes seulement, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, en 1945. 

Depuis, l’essor a été considérable en France, puisqu’on y compte aujourd’hui environ 1 000 psychanalystes officiels rattachés à l'International Psychoanalytical Association (IPA) et en-viron 5 000 psychanalystes non « orthodoxes », répartis dans plus d'une vingtaine de sociétés rivales, plus ou moins structurées, la plupart d'inspiration lacanienne. 
Dans Ma vie et la Psychanalyse, Freud lui-même écrit, en 1924 : « Pendant plus d’une décennie après ma séparation d’avec Breuer, je n’eus pas un seul disciple. Je restais absolument isolé : à Vienne, on m’évitait ; à l’étranger, on m’ignorait».

Ainsi, le 1er Congrès international de Psychanalyse, en avril 1908 à Salzbourg, ne rassemblait que 42 participants : 26 Autrichiens, 5 Allemands, 6 Suisses, 2 Hongrois, 2 Anglais et 1 Amé-ricain. Donc, aucun représentant de pays latins, ni slaves, ni scandinaves.
Quant aux premières œuvres essentielles de Freud : Les Études sur l’hystérie et L’interprétation des rêves, ils n’eurent aucun succès, et les 600 exemplaires de ce dernier ouvrage mirent… 8 ans à être épuisées !
Il est amusant de noter que la France — qui a mis 30 ans à se laisser « convertir » — est de-venue aujourd’hui (avec l’Argentine) le pays du monde où la psychanalyse est la plus développée, voire même « impérialiste » — notamment dans les universités, bien que les premiers signes de son déclin se fassent sentir depuis quelques années.
La majorité des organismes de psychanalyse en France demeurent fidèles au divan traditionnel et les diverses variantes du mouvement dit « psychodynamique » y trouvent relativement peu d’écho. Soucieux de conserver la pureté originelle de leur approche, la plupart des sociétés de psychanalyse française se tiennent à l’écart des organismes de psychothérapie — qu’ils considèrent avec une certaine condescendance, opposant même le plus souvent psychanalyse et psychothérapie .
Ce bref chapitre ne permet pas de détailler l’action des principaux psychanalystes français qui ont joué un rôle important dans la mise en place de cette discipline — marquée par une suc-cession de conflits et de scissions, parfois spectaculaires. Je me contenterai donc d’en énumé-rer quelques-uns, parmi les plus connus : Angelo Hesnard, Marie Bonaparte, René Laforgue, René Allendy, Sacha Nacht, Daniel Lagache, Françoise Dolto, Jacques Lacan, Maud Manno-ni, Serge Lebovici, Didier Anzieu, René Kaës, Serge Leclaire, Jacques Sedat, André Green, Elisabeth Roudinesco, etc. Chacun d’eux a mis l’accent sur tel ou tel aspect de la psychana-lyse : ainsi, par exemple, Nacht cherchait à guérir ; Lacan cherchait à créer et innover ; Laga-che cherchait à expliquer…
De même, chaque société s’est singularisée : la Société Parisienne de Psychanalyse (SPP), la plus importante, est surtout constitué de médecins et pratique une psychanalyse traditionnelle ; la Société Française de Psychanalyse (SFP) rassemble plutôt des enseignants universitaires et des écrivains ; les groupes lacaniens se sont multipliés et se sont livrés à l’innovation et à la contestation : ainsi, dès 1954, Jacques Lacan se faisait exclure pour avoir introduit ses fameuses séances ultra-courtes (quelques minutes, au lieu de 45 minutes). L’École de la Cause Freudienne (ECF), sous l’impulsion de Jacques-Alain Miller, gendre de Lacan, a mul-tiplié les publications et conquis aujourd’hui un impact non seulement technique mais aussi sociopolitique.

Les courants psychanalytiques post-freudiens ou dissidents

Il faut citer ici quelques-uns des créateurs de courants importants qui se sont constitués pour partie en réaction ou dissidence par rapport à l’orthodoxie freudienne. Leurs œuvres novatrices pourraient aussi être rangées parmi les thérapies existentielles et humanistes, parce qu’elles les ont profondément influencées ou qu’elles en furent les précurseurs (Adler, Jung, K. Horney, From, Diel, etc.).
J’évoquerai notamment, en France, la Société Française de Psychologie Adlérienne, la Socié-té Française de Psychologie Analytique (créée en 1969, sous l’impulsion de Roland Cahen, Élie Humbert et Pierre Solié), branche de l’Association internationale de psychanalyse jungienne de Zürich et l’Association de la Psychologie de la Motivation, animée aujourd’hui par Armen Tarpinian et se consacrant à ce que Paul Diel appelait « la psychique ».

Les « nouvelles thérapies humanistes existentielles »

En France, après un fort développement pendant une vingtaine d’années (1960-1980), la psychanalyse semble en déclin progressif face à l’apparition des approches cognitivo-comportementales, des thérapies familiales et des diverses variantes du mouvement dit « humaniste » ou existentiel, regroupant : Gestalt-thérapie (Perls), analyse transactionnelle (Berne), thérapie centrée sur la personne (Rogers), psychodrame (Moreno), psychosynthèse (Assagioli), PNL (Grinder et Bandler), nouvelle hypnose (Erickson), analyse psycho-organique (Boyesen), Sophia-analyse (Mercurio) et thérapies psychocorporelles. 
Depuis quelques années, les approches transpersonnelles (Grof) gagnent du terrain, tandis que la végétothérapie (Reich), l’analyse bioénergétique (Lowen) et la thérapie primale (Ja-nov) passent au second plan.

Le Psychodrame 

Moreno avait créé à Vienne le théâtre impromptu en 1921 : il y faisait participer les spectateurs, dans une sorte de théâtre en rond, sans décors. Deux ans plus tard, une participante : Barbara, se trouve transformée par le rôle qu’elle jouait. C’est la première ébauche du théâtre thérapeutique. Dès 1925, Moreno s’installe aux USA, à Beacon — où il fonde son premier théâtre thérapeutique en 1936.
Le psychodrame d’enfants est importé en France en 1946, au Centre Claude Bernard (J. Fa-vez-Boutonnier, Mauco, Berge, Lebovici, M. Monod)
En 1955, se constitue le Groupe français d’Études de Sociométrie, Dynamique des Groupes et Psychodrame, sous la direction d’Anne Ancelin-Schützenberger, avec J. Favez-Boutonnier, Sivadon, Ouzilou, S. et A. Ginger, etc. La France organise le premier Congrès mondial de Psychodrame, à Paris en 1964, avec la participation de Jacob-Levy Moreno et de sa femme Zerka. Il y avait même leur fils d’une dizaine d’années, Jonhatan, qui prenait un rôle dans presque toutes les séquences !
Mais aujourd’hui, le psychodrame morenien traditionnel a presque disparu en France, sous la concurrence du psychodrame psychanalytique. (Lebovici, Diatkine, E. Kestemberg, Anzieu, G. et P. Lemoine).
Le psychodrame souffre d’un handicap sérieux : il est difficilement praticable en séances individuelles (sauf dans sa variante de monodrame) et donc, il est surtout utilisé dans des institutions d’enfants ou de malades mentaux, ou encore dans des groupes de développement personnel, plutôt qu’en thérapie.

L’Approche Centrée sur la Personne (ACP) 

Le livre de base de Rogers On becoming a Person date de 1942, mais ce n’est qu’en 1966 que Carl Rogers s’est rendu pour la première fois en Europe : en France (séminaire de Dourdan), puis en Belgique et aux Pays-Bas.
À cette époque, le concept de « non-directivité » était le plus attractif et le plus connu. Il alimenta par la suite le courant contestataire de mai 68. Mais ce concept a porté tort à l’œuvre de Rogers, la non-directivité étant souvent assimilée à un laisser-faire laxiste. Ainsi Rogers abandonna-t-il ce terme pour parler « d’Approche Centrée sur la Personne» (ACP). 
Le domaine de recherche de Carl Rogers était la psychothérapie. Ses conceptions ont été d’emblée considérées comme une « révolution » par rapport aux concepts psychanalytiques freudiens et le demeurent. 
Dans un premier temps, les idées de Rogers ont été diffusées en France notamment dans le champ éducatif, sous l’influence d’André de Perretti. 
A l’heure actuelle, les concepts spécifiquement thérapeutiques de la pensée rogerienne bénéficient d’un renouveau d’intérêt. L’Association Française de Psychothérapie dans l’Approche Centrée sur la Personne (AFPACP), sous la présidence d’Élisabeth Krémer, réunit aujourd’hui une centaine de psychothérapeutes. La formation est dispensée par quatre instituts et dure 4 ans. Les coordinateurs pour la France sont Bérenice Dartevelle (Paris), Elisabeth Krémer et Patrick Kauffmann (Annecy).
L’impact de l’ACP est également devenu important dans les pays anglo-saxons (Allemagne, Grande-Bretagne, Autriche, Suisse alémanique). 

La Gestalt-thérapie (GT) 

Conçue par Fritz Perls dès 1942, et théorisée neuf ans plus tard (en 1951), la Gestalt n’a pris son essor véritable qu’à l’occasion du mouvement international de libération et de créativité de mai 68. Elle se réfère à un courant anarchiste, soulignant l’originalité irréductible de cha-que être humain, sa responsabilité en tant qu’être unique et unifié, hors norme mais intégré. 
La Gestalt propose une approche holistique des cinq dimensions principales de l’être : les dimensions physique, affective, intellectuelle, sociale et spirituelle, ou — si l’on préfère — le corps, le cœur, la tête, les autres et le monde (Ginger, 1987). Elle se pratique aussi bien en groupe qu’en séances individuelles. Les praticiens français contemporains suivent avec intérêt les recherches en neurosciences et les diverses approches de psychopathologie dynamique.
La Gestalt s’est développée rapidement en Europe occidentale, à partit du début des années 70 : en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, puis en France. Elle est pratiquée aujourd’hui dans 26 pays d’Europe — où l’on compte plus d’une douzaine de revues scientifiques régulières et une activité de recherche devenue plus créative qu’aux États-Unis.
Aujourd’hui en France, existent une dizaine d’instituts de formation, répartis dans les princi-pales villes (Paris, Bordeaux, Grenoble, Nantes, Limoges, Rennes, Lille, etc.) regroupés dans deux associations nationales : la Société Française de Gestalt (SFG, 1981) qui publie la Re-vue Gestalt (27 numéros de 200 pages en moyenne, parus à ce jour) et le Collège Français de Gestalt-thérapie (1996) qui publie la Revue Cahiers de Gestalt Thérapie (16 nos de 200 pages en moyenne, parus à ce jour). L’École Parisienne de Gestalt (EPG) avec ses différentes an-tennes régionales, créée par Serge et Anne Ginger et actuellement dirigée par Gonzague Mas-quelier, a formé à elle seule, environ 80 % des Gestaltistes français.
La formation complète dure de 4 à 6 ans, selon les instituts, et plus de mille psychothérapeutes qualifiés exercent actuellement en France.

L’Analyse transactionnelle (AT) 

Eric Berne a réussi à vulgariser la psychanalyse en la rendant accessible au commun des mortels, à travers un vocabulaire vivant et humoristique, issu des « jeux » et transactions de la vie quotidienne. Des Jeux et des Hommes (1964) a remporté rapidement un succès mérité et plu-sieurs notions ont conquis le grand public : l’Enfant rebelle, le Parent normatif, le scénario de vie, les injonctions parentales, « gagnant/gagnant », tandis que d’autres se sont répandues chez les thérapeutes de disciplines voisines : le contrat, le triangle dramatique de Karpman, la redécision, le reparentage, etc.
Le mouvement d’AT s’est d’emblée structuré de manière très organisée et assez hiérarchisé — ce qui lui a valu parfois des critiques, mais lui a permis de s’implanter avec solidité et de pénétrer des secteurs nouveaux, tels que les institutions et les entreprises.
Dans sa version psychothérapeutique, l’AT souligne l’importance d’un contrat clair, d’une approche associant les dimensions cognitive, émotionnelle, comportementale et groupale, valorisant les résultats visibles, sans négliger pour autant la dimension du transfert.
L’AT est pratiquée aujourd’hui dans 23 pays d’Europe et l’Association européenne (EATA) compte près de 6 000 membres. La certification est strictement codifiée et centralisée au niveau international, garantissant ainsi une compétence comparable des thérapeutes formés dans les divers instituts. Il en existe plusieurs dans diverses régions de France, mais l’examen de sortie est toujours effectué au niveau européen après des études de 6 à 7 ans, en moyenne, et comprend des épreuves écrites théoriques et une épreuve orale avec démonstration. La coordinatrice européenne est actuellement une française : Isabelle Crespelle — qui milite, par ailleurs, très activement au sein de l’EAP.

La Psychosynthèse 

Roberto Assagioli avait rencontré Jung, à Zurich ; dès 1909. Il fut le premier psychanalyste italien, mais il resta fidèle à Jung lors de la séparation de ce dernier avec Freud. Il créa sa propre approche, la psychosynthèse, en 1926 et ce fut sans doute la première psychothérapie intégrative en Occident, incluant le corps, les émotions, l’intellect et la dimension spirituelle, tout en utilisant la musique, le dessin, la visualisation, mais aussi la catharsis.
Aujourd’hui, cette approche demeure assez active en Grande-Bretagne (où coexistent trois instituts de formation), en Irlande, aux Pays-Bas, en Suisse, en Suède et en Autriche, mais surtout en Italie, son pays d’origine — où plusieurs instituts l’enseignent, y compris à l’université. L’Association européenne (EFPP) rassemble huit instituts.
Dans certains pays, la psychosynthèse est associée à la Gestalt-thérapie (Pays-Bas, Belgique, Norvège), développant une approche holistique — qui ne néglige ni le corps ni la spiritualité.
En France, fonctionnent deux instituts de formation, coordonnés par Tan Nguyen, et le nombre de spécialistes sérieusement formés représente aujourd’hui plusieurs dizaines.

La Psychothérapie Neuro-Linguistique (ou PNL thérapeutique)

La PNL a été élaborée par Grinder et Bandler, en Californie, dans les années 70, notamment à partir de l’observation de thérapeutes de renom : Fritz Perls (Gestalt-thérapie), Virginia Satir (thérapie familiale), Milton Erickson (hypnothérapie). Elle est centrée sur l’analyse méticuleuse des modèles de fonctionnement de chacun et sur l’apprentissage de méthodes efficaces de communication et de changement (et non sur l’analyse de pathologies — comme plusieurs autres thérapies). 
La formation de Praticien ou de Master est assez brève (environ 150 heures) et concerne de ce fait, environ 2 000 personnes chaque année, en France. La formation d’Enseignant implique un an de pratique, suivi de 2 années supplémentaires de formation.
La PNL thérapeutique a été mise en place plus récemment (en 1999) et se montre plus exigeante, impliquant une thérapie personnelle, une formation de 2 000 heures sur 4 années (en PNL et dans une approche complémentaire) ainsi qu’une supervision. L’accompagnement thérapeutique se fait généralement en séances individuelles, de durée et de fréquence variables. Une Association européenne de Psychothérapie Neuro-Linguistique (EANLPt) vient d’être créée, avec des associations nationales dans la plupart des pays de l’Ouest.
En France, il existe aujourd’hui 4 instituts préparant à l’aspect thérapeutique de la PNL (sur 27 instituts de formation à la PNL en général) et ils ont formé environ 20 psychothérapeutes de niveau CEP. La coordination française est confiée actuellement à Julie Davis et Catherine Tamiser.

La Sophia-analyse

Créée par Antonio Mercurio, la Sophia-analyse est issue de la psychanalyse et intègre la dimension existentielle, philosophique et anthropologique. Elle se réfère notamment aux concepts issus de l’École anglaise (M. Klein et Winnicott) et exploite volontiers le travail en groupe ainsi que l’aspect créatif et artistique.
Elle s’est surtout développée en Italie (avec 9 instituts de formation) ainsi qu’en Belgique (avec spécialisation en thérapie de couple). L’ensemble des instituts européens ont créé la Sophia University of Rome (SUR) qui organise régulièrement des colloques internationaux.
L’Institut de Sophia-analyse de Paris a été fondé en 1986. Il est dirigé par Hervé Etienne.
Le nombre de thérapeutes qualifiés en exercice est encore peu élevé.

L’Analyse Psycho-Organique (APO)

L’APO a été développée par Paul Boyesen à la fin des années 70, à partir de la Psychologie Biodynamique. Elle associe une approche psychanalytique et une approche psychocorporelle : en APO, une pensée n’a pas seulement un contenu mais aussi un contenant : le corps. Le mot passe par une image et touche le corps ; inversement, à partir de « l’inconscient cellulaire », se forment une image et un mot.
Cette approche est présente en France, Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg, Suisse, ainsi qu’en Russie et Lettonie. L’Association européenne (EAPOA), créée en 1986 et recon-nue par l’EAP, regroupe 500 psychothérapeutes appartenant à plusieurs associations nationales. 
L’institut de formation le plus important se trouve en France et compte plusieurs dizaines de spécialistes. Chaque association nationale publie une revue et des livres. Les principaux responsables français en sont : Paul Boyesen, Éric Champ, Jacqueline Besson, Chantal Vaglio, Anne Fraisse.
La revue française (ADIRE) a publié déjà 18 volumes et 7 manuels d’enseignement.

Les approches psychocorporelles

Plusieurs des thérapies déjà citées intègrent une dimension de travail non verbale, impliquant une attention particulière aux réactions corporelles : Gestalt-thérapie, psychodrame, analyse-psycho-organique, etc. Cette dimension devient centrale dans plusieurs approches, telles que la végétothérapie, l’analyse bio-énergétique, la somatothérapie (Richard Meyer, Jérôme Chid-harom, Wassilis Zaruchas), l’intégration posturale (Jack Painter), la thérapie psychocorporelle et relationnelle (ATPR), développée actuellement en France par Claude Vaux et Eliane Jung ou encore la sophrologie analytique (Alain Donnars).

L’hypnose ericksonienne

L’hypnose ericksonienne a progressivement détrôné l’hypnose traditionnelle en France. Elle implique une autohypnose, avec modification du niveau de conscience. 
L’hypnose ericksonienne est pratiquée notamment dans la gestion de la douleur, dans les syndromes de stress post-traumatique, les troubles psychosomatiques. 
En France, elle est enseignée aujourd’hui dans une demi-douzaine d’instituts et souvent réser-vée aux seuls médecins. Les principaux enseignants français sont : Jacques Antoine Malarewicz, Jean Godin (décédé), Thierry Melchior et François Roustang.
Ces instituts n’ont pas désiré adhérer, pour le moment, à la Fédération Française de Psycho-thérapie et fonctionnent donc dans une certaine indépendance.

La thérapie familiale systémique

L’approche systémique est enseignée en France dans plusieurs écoles différentes, présentant chacune ses spécificités. 
Les références théoriques sont diverses : Nathan Ackerman, Virginia Satir et Carl Whitaker, Gregory Bateson, Paul Watzlawick, Jay Haley, Salvador Minuchin, Mara Selvini, et en France, notamment : Robert Neuburger, Jean-Claude Benoît, Marie-Christine Manuel et Mony Elkaïm — qui coordonne une partie des enseignements, après avoir longtemps présidé l’Association européenne (EFTA).
La plupart des instituts et associations de thérapie familiale n’ont pas désiré adhérer, pour le moment, à la Fédération Française de Psychothérapie et fonctionnent donc dans une certaine indépendance.

Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)

Les TCC sont basées sur une approche essentiellement expérimentale et pragmatique, laissant une large place à des études de validation. Elles se pratiquent en séances individuelles, en groupe ou au sein d’institutions. Elles sont basées sur les théories de l’apprentissage, du conditionnement (Pavlov et Skinner) et l’étude des croyances. Elles s’appuient sur des procédures standardisées et sur un contrat progressif et clair, permettant une évaluation permanente du travail. Les traitement sont en général de courte durée (10 à 20 séances, en moins de six mois).
Les TCC sont très répandues dans les pays anglo-saxons et scandinaves, mais ont eu relativement moins d’impact en France, en dehors de quelques services hospitaliers, traitant notamment des phobies et des troubles obsessionnels (TOC). Il existe à ce jour en France quelques centaines de spécialistes, en majorité psychiatres — dont les plus connus sont Jean Cottereau et Christophe André.
Les thérapies cognitivo-comportementales sont enseignées dans plusieurs services universitaires et exercées en grande partie par des médecins — sans que soit exigée pour eux une théra-pie personnelle préalable.

L'EMDR (intégration Neuro-Émotionnelle par les Mouvements Oculaires)

La thérapie EMDR est une nouvelle méthode de psychothérapie qui utilise la stimulation sensorielle et neurologique des deux cotés du corps, soit par le mouvement des yeux soit par des stimuli auditifs ou cutanés, pour induire une résolution rapide des symptômes liés à des événements du passé. 
L’EMDR a été créée par Francine Shapiro, à la fin des années 80. Elle a été récemment popularisée en France par David Servan-Schreiber. Son efficacité rapide a été largement contrôlée pour le traitement du PTSD (ou ESPT : État de Stress Post-Traumatique). 
L'EMDR repose sur la capacité d’autoguérison propre à chacun, l’importance de l’histoire personnelle, des croyances, des émotions et du lien corps-esprit. Elle intègre un protocole comportemental précis, une approche psychodynamique et humaniste. 

La sexologie

La sexologie, en France, ne constitue pas, à proprement parler une méthode spécifique.
Dès sa fondation, en 1974, la Société Française de Sexologie Clinique (SFSC) a opté pour une approche éclectique, sous la direction de Charles Gellman, Gérard Vallès, Michel Meignant, Georges Teboul, etc.
Ainsi, se sont développées parallèlement des formations et spécialisations d’inspiration psychanalytique (Gérard Vallès, Georges Teboul), enrichies par la sexoanalyse (Claude Crépault, de Montréal), ainsi que des approches d’inspiration cognitivo-comportementale faisant suite aux travaux de Masters et Johnson (Mireille Bonierbale, Robert et Claire Gellman), d’inspiration gestaltiste (sexo-Gestalt, avec Charles Gellman, Martine Masson, Chantal Higy-Lang), hypnothérapeutique ou systémique.
Depuis quelque temps, on distingue souvent les « sexologues » médecins et les « sexothérapeutes », englobant des spécialistes psychothérapeutes non médecins (psychologues, conseillers conjugaux, travailleurs sociaux, infirmiers, sages-femmes, etc.) 
La formation est assurée dans plusieurs universités (Bobigny, Toulouse, Nantes, Paris VII) ainsi que par des associations privées (SFSC, Gestalt Institut de Neuilly, etc.). 
Parmi les enseignants et responsables, citons encore : Jacques Waynberg, Marc Ganem, Nicole Arnaud-Beauchamps, Pierre Benghozi.
La plupart intègrent des interventions biomédicales ou endocrinologiques, des thérapies comportementales et une analyse des problèmes psychologiques profonds intra et inter psychiques et des problèmes relationnels des couples. Afin de souligner la place importante de la dimension émotionnelle et relationnelle en Sexologie humaniste analytique, Michel Meignant a proposé le terme « d’amourologie ».
Une variante particulière de sexothérapie est représentée par le travail de couples, notamment par la Gestalt-thérapie (Anne et Serge Ginger, Charles Gellman, Martine Masson). 

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Plusieurs approches européennes ne se sont guère développées en France, comme, par exemple : la biosynthèse, la logothérapie, la psychothérapie positive, la psychothérapie communicative, l’approche catathymique, etc.

Après ce rapide survol des principales approches françaises, jetons un coup d’œil sur la situa-tion d’ensemble.

La situation générale actuelle de la psychothérapie en France

Les professions concernées… et leurs rivalités

La pratique de la Psychothérapie est en cours de réglementation légale en France (loi du 9 août 2004 — dont les décrets d'application ne sont pas encore parus). Elle est pratiquée par des psychothérapeutes, des psychiatres, des psychologues et des psychanalystes.
Les psychothérapeutes sont regroupés en majorité au sein de la Fédération Française de Psychothérapie (FFdP) qui représente officiellement en France l’European Association for Psychotherapy (EAP) et le World Council for Psychotherapy (WCP). Certains sont également fédérés au sein de l'Association fédérative française des organismes de psychothérapie (Af-fop).
Les psychiatres sont représentés par l’Ordre des médecins, le Syndicat Français des Psychiatres et l’Association Française de Psychiatrie.
Les psychologues sont représentés par l’Association Nationale des Organismes de Psychologues (ANOP) et le Syndicat National des Psychologues (SNP).
Les psychanalystes sont représentés actuellement par plus d’une vingtaine d’associations et sociétés rivales, et souvent en conflit. A l’initiative de Serge Leclaire, puis de Jacques Sedat (APUI) et enfin de Jean Cournut, une coordination nationale a été tentée (groupe de contact), mais sans grand succès jusqu’à présent…Le nombre total d'analystes français est estimé à 5000 environ.

L’AFNOR (Association Française de Normalisation) a essayé — sous l’impulsion du SNPPsy puis de la FFdP — d’envisager une normalisation de la formation à la psychothérapie en définissant des normes communes minimales, mais elle n’a pu obtenir le consensus des différentes parties (psychiatres, psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes).
En effet les psychiatres prétendent que tout acte clinique psychiatrique a une dimension psychothérapeutique et que la pratique de la psychothérapie doit être strictement réservée aux seuls psychiatres (bac + 11) et aux psychologues titulaires du DESS de psychopathologie clinique (bac + 5 ), ces derniers étant placés en position d’auxiliaires psychiatriques subordonnés aux psychiatres — lesquels s’autoproclament « psychothérapeutes », sans aucun processus de vérification de leur thérapie personnelle, de leur formation spécifique et de leur supervision.
Cette position impérialiste des psychiatres indispose les psychologues et les psychothérapeutes — qui revendiquent légitimement le droit d’exercer la psychothérapie d’une manière auto-nome et indépendante, après une longue formation spécifique de haut niveau.
Le Conseil d’État a estimé que l’exercice de la psychothérapie ne pouvait être réservée aux seuls médecins et que sa pratique pouvait être ouverte à tout spécialiste formé à cet effet et ayant signé un engagement déontologique. La psychothérapie ne se limite pas au traitement des malades mentaux mais concerne une large tranche de population souffrant de problèmes émotionnels et sociaux. Elle intervient, par exemple, dans les séparations familiales, l’immigration, la violence, le chômage, la toxicomanie, etc.
Depuis plus de 20 ans déjà, les psychothérapeutes français — sous l’égide du PSY'G (1966) et du SNPPsy (1981) — avaient proclamé la nécessité de respecter les principes qui ont été re-pris, en 1990, dans la Déclaration de Strasbourg de l’EAP, à savoir l’indépendance et la spécificité de la psychothérapie ainsi que le libre choix du psychothérapeute et de la méthode d’intervention (Déclaration de Paris, sur le Droit à la Psychothérapie, 1998).
Récemment, dans le cadre de leur association professionnelle européenne (EFPPA), les psychologues ont reconnu que leur formation universitaire (DESS) ne suffisait pas pour exercer la psychothérapie et qu’il leur était nécessaire d’ajouter à leurs 5 ou 6 années d’études, une formation supplémentaire spécifique d’au moins trois ans.

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