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Avant-projet de Décret d’application de la loi du 13 août 2004 :
« Un peu de raison dans «la folie» ambiante.. » 

(Opinion)

Par Françoise Zannier
Psychologue, Psychothérapeute, Paris, France

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Avant-projet de Décret d’application de la loi du 13 août 2004 :
« Un peu de raison dans «la folie» ambiante.. »

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On ne peut que se réjouir de cet avant-projet de Décret d’application de la loi du 13 Août 2004, qui vient d’être présenté le 10 Janvier par la Direction Générale de la Santé, à une vingtaine d’organisations représentant des psychologues, des psychiatres, des psychanalystes et des psychothérapeutes.

En résumé, il aura fallu l’intervention courageuse du gouvernement dans une polémique ravageuse qui durait depuis des années, pour qu’enfin les psychanalystes et autres psychothérapeutes relationnels, notamment, se voient confrontés à l’obligation prochaine de se former dans d’autres approches de la psychopathologie que la leur.

La formation envisagée vise en effet à permettre aux futurs psychothérapeutes d'acquérir "une connaissance de la diversité des théories se rapportant à la psychopathologie et une connaissance des quatre principales approches de psychothérapie validées scientifiquement (analytique, systémique, cognitivo-comportementaliste, intégrative)".

En d’autres termes, c’est un véritable soulagement d’apprendre que les psys cités vont enfin avoir l’occasion de mieux savoir de quoi ils parlent quand ils s’en prennent aux autres écoles (celle des TCC en particulier) et aux autres modèles de formation, qu’ils ne cessent de dénigrer, et le plus souvent en toute méconnaissance de cause.

Rappelons ici que les écoles de psychothérapie cognitive et systémique notamment, n'exigent pas de leurs élèves d'avoir suivi une psychothérapie ou une psychanalyse personnelle, ce qui est trop souvent ignoré ou occulté. Ainsi, l’énorme tapage fait autour de la soi-disant "incontournable" analyse ou psychothérapie personnelle, est le fait des autres organisations de psys et de leurs épigones, qui se gardent bien de faire état de cette importante divergence…

Ainsi, nous ne voyons dans cet avant-projet, rien de moins que la fin annoncée des sectarismes auquel il s’attaque ouvertement, et dont l’un des principaux piliers n’est autre que cette analyse ou cette psychothérapie personnelle, qui seule conférerait une légitimité à exercer des fonctions psychothérapeutiques, selon ces mêmes organisations [1].

Car en y réfléchissant, l’exigence absolue de cette sorte de travail personnel apparaît comme étant très probablement le principal rempart de l’organisation en « chapelles » des professions évoquées.
En effet, dès lors qu’exigence d’analyse personnelle il y a, qui est posée comme condition primordiale (et plus encore selon des règles très strictes qui proscrivent toute auto-analyse et tout changement personnel relevant d’une autre procédure), la question se pose d’une manière on ne peut plus urgente et acerbe de savoir « chez qui » (qui est « le meilleur » ?) et « dans quelle école » (quelle est la meilleure ?), il convient de se faire analyser et de se former ... 

Or il faut bien avouer que tout cela est "un peu fort de café" pour des débutants qui ne connaissent rien ou vraiment pas grand chose du contexte très vaste dans lequel ils se trouvent introduits, et qui par là même, sont à la merci des phénomènes d' influence personnelle qui jalonnent leur chemin.
Ainsi, cette situation explique la personnalisation outrancière des pratiques en question (via les microcosmes que sont les écoles), personnalisation on ne peut plus propice aux multiples variantes d’un discours du Maître, qu’il s’agirait en fait de remplacer par le discours du Savoir, c’est à dire par un discours beaucoup plus impersonnel et objectif, celui-là… beaucoup plus multiple aussi… dommage pour les précédents !

Quoi qu’il en soit, dans les nouvelles conditions qui se profilent, il paraît à peu près certain que le dogme en question finira par céder, pour se transformer en la simple « option » qu’il aurait toujours du être, car il ne saurait y avoir de véritable choix épistémologique, faut-il le préciser, dans l’ignorance quasi-absolue et délibérément entretenue, de l‘ensemble des choix possibles.
Autrement dit, ce n’est pas que "les pouvoirs publics prennent parti dans un débat épistémologique" (Roland Gori, Siueerpp), mais plutôt qu’ils entendent donner à chaque futur psychothérapeute les moyens d’effectuer enfin un choix en connaissance de cause. C’est pourquoi nous ne pouvons que saluer cette initiative.

Car en effet, il paraît pour le moins scandaleux qu’au nom d’une tradition, d’une idéologie, d’un modèle scientifique, appelons cela comme on voudra… certains psys (veuillez excuser le ton quelque peu irrévérencieux) prétendent encore en 2006, détenir le monopole de la définition de ce que doit être « la seule vraie» ou «la seule bonne» formation en psychothérapie, et s’entêtent indéfiniment à le soutenir envers et contre toute autre évidence, ce qui confine au déni de réalité, sectarisme oblige …


[1] « Ces nouveaux praticiens n'auront pas même fait d'analyse personnelle, ce qui constitue pour nous la garantie minimale pour le patient pris en charge… » Michel Meignant, Fédération française de psychothérapie.

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