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Des vampires aux pervers narcissiques.  

Docteur Erick Dietrich - Paris, France
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Toujours des mots pour créer des modes : 
vampires, pervers narcissiques. 

 

Erick Dietrich

Nous voyons émerger de plus en plus d’articles sur le « vampirisme », sans oublier ceux qui traitent de « cannibalisme ». Tous deux sont directement issus de la phase orale tant dans l’organisation de la libido que dans l’investissement sexuel de la zone orale. Le cannibalisme fait peur… et des propos comme « Il est adorable à croquer » (phrase d’une mère à son bébé) ou « Cette femme est appétissante » (est-ce dans le lit ou sur la table que l’homme va la consommer et comment ?) provoquent la terreur par ce qu’ils évoquent. L’interdit du cannibalisme est très important, le cannibalisme renvoie en effet à toute l’horreur de la rage orale qui détruit l’objet, le dévore. Comme dans l’interdit de l’inceste, n’oublions pas que Freud a réinterprété le mythe fondateur où Cronos le père dévore ses enfants à l’exception de Zeus, dans Totem et Tabou Freud inversera le mythe grec en faisant dévorer le père par les fils, comme dans l’inceste Freud oubliera que tout a commencé par une tentative d’infanticide et une mère qui savait que celui qui avait tué le père était son fils et coucherait avec ! Les références au vampirisme sont moins nombreuses, il s’agit pourtant d’un phénomène très important car d’origine orale, et transformé par la phase anale ou sadique-anale, le vampirisme est plus présent, plus utilisé et surtout il ne détruit pas l’objet car le vampire a besoin de se nourrir, le vampire a besoin de l’énergie et des affects de la personne qu’il vampirise. Le cannibalisme est une pulsion enfouie représentant l’un des tabous les plus forts avec la prohibition de l’inceste. Le cannibalisme est très présent sur le plan imaginaire (mythes, contes, légendes, formes esthétiques).

Le vampire symbolise la lutte manichéenne entre le bien et le mal, entre un monde et l’autre, preuve des restes des défenses schizoïdes de la phase orale. Il faut arrêter de penser psychanalyse et de mettre le vampirisme dans les désirs infantiles envers ce qui est interdit ou mort ou d’attribuer le vampirisme aux contenus inconscients refoulés comme le fait de venir hanter ses proches. Le vampirisme existe bien dans les formes décrites par celles et ceux qui ont écrit sur ce thème. À la différence du cannibalisme, le sadisme du stade anal y est très présent, le vampirisme a toujours un rapport à la sexualité. En s’éloignant des interprétations diverses sur le vampirisme (succion, mère, symboles phalliques), le vampire est très souvent en lien, dans l’approche clinique, avec les pactes et les secrets de famille, notamment les viols, les abus sexuels et l’inceste.

Pour comprendre le cannibalisme qui est plus régressif et plus rageur dans l’oralité et le vampirisme qui tout en émergeant de la phase orale s’est ré-agencé à travers la phase anale, il convient de revenir sur l’oralité. La période archaïque qui comprend les stades oral et anal s’étend de la naissance à la fin de la première partie du stade anal (2 ans environ). Le stade oral désigne la période durant laquelle les besoins de l’enfant sont comblés par voie orale. Elle intervient en général jusqu’à l’âge de deux ans, mais ses conséquences peuvent vous accompagner tout au long de votre vie (exemple dans le vampirisme). 

Quel oral êtes-vous ?

- Si votre mère a répondu trop vite à vos besoins : (mère anxieuse, surprotectrice), vous n’avez même pas eu le temps d’exprimer votre besoin. Adulte, vous avez du mal à avoir des désirs.

- Si votre mère a répondu trop tardivement, voire pas du tout à vos besoins : quand vous ressentiez le manque (générateur d’angoisse), vous avez crié, et si la réponse ne venait pas, vous avez ragé. La rage est un sentiment violent et destructeur, sans espoir, qui se met en place face à l’impuissance à obtenir la satisfaction de ses désirs. Fatigué et épuisé, vous rentrez ensuite dans le marasme. Dans ce troisième cas, cela donne des adultes sous-énergétisés, très fatigués, et porteurs du sentiment qu’ils n’y arriveront jamais. 

- Si vos besoins sont satisfaits tardivement, sans aller jusqu’à la rage : vous êtes de type oral. Votre tempérament passif, très dépendant de l’autre, avide, est difficile à satisfaire car ce n’est jamais assez ou assez bien. Vous avez des difficultés de contact et ne supportez pas les frustrations. Vos conduites comportementales sont orientées vers la surconsommation et la toxicomanie. 

À cet égard, nous vous mettons en garde contre des idées reçues, les toxicomanes ne sont pas forcément ceux que vous croyez. Héroïnomanes, cocaïnomanes et fumeurs de haschisch, sont en effet les premiers à être montrés du doigt ! Toujours est-il que les plus grands toxicos en nombre et en consommation sont :

  • les fumeurs (ils alimentent l’industrie du tabac et l’État grâce aux taxes) ;

  • les alcooliques (ils font vivre l’artisanat, l’industrie et l’État grâce aux taxes) ; 

  • les drogués aux médicaments (ils profitent à l’industrie médico-pharmaceutique) ;

  • les nouveaux drogués de la consommation, les surendettés (ils soutiennent la société de consommation) ; 

  • les drogués du sexe (la nymphomane et l’obsédé) et/ou les drogués de l’amour ;

  • les kleptomanes, les mythomanes…

  • Nous trouvons aussi, issus de cette période : la jalousie, la possessivité, le vampirisme, le cannibalisme.

Si vous mélangez cette “quête orale” insatisfaite à la recherche de l’autre idéal, vous comprendrez que vous resterez toujours insatisfait. Vous cachez toujours votre état dépressif, voire mélancolique, dont vous êtes pleinement conscient. Vous compensez à travers la nourriture, l'alcool, le tabac ou tout autre substitut – y compris sexuel en prenant des amants ou des maîtresses – capable de vous donner un plaisir au niveau oral. Très sensible à la trahison, votre jalousie est liée à votre peur de perdre l’objet d’amour, ainsi le fantasme “que l’autre est toujours en partance” se met en place. Ce fantasme, source d’angoisse et d’anxiété, revient de façon constante et entraîne des attitudes compensatrices et le vampirisme sera pour vous un excellent moyen de vous nourrir de l’autre.

Votre insatiabilité vous permet, tout en “parasitant” l'Autre pour se gaver, de le faire culpabiliser dans une relation qui s’inscrit dans la revendication. Pris entre le désir que l'on s'occupe de vous, et le rejet de l'Autre, vous refusez ce qui peut vous être apporté, mettant ainsi l'Autre dans l'impuissance. Les traits oraux sont caractérisés par une difficulté fondamentale de contact. 

- Quand vos besoins sont satisfaits après la rage : vos comportements adultes de revendications orales peuvent s'associer à une agressivité rageuse (conséquence des frustrations et des traumatismes que l’on retrouve plus chez les rageurs destructeurs ou dans le cannibalisme). L'oralité oriente votre caractère vers la possessivité maladive liée à la peur d'abandon. Oral déplacé, vous avez appris à mordre, à vous servir de vos dents, avant même d’avoir découvert le plaisir lié à cette fonction. Vous n’êtes pas conscient de posséder cet aspect dépressif contre lequel vous luttez régulièrement à travers des attitudes acharnées. Très narcissique et obstiné, vous serrez souvent vos mâchoires. Vous mettez en place des comportements de “fuite en avant”. 

Ainsi, pour résumer ce que nous avons pu voir sur Internet, et surtout Facebook, ces derniers temps. Dans toute rencontre ou échange entre humains, existent des échangent d’énergies (peur, colère, rage, tristesse, joie) et d’affects plus complexes. Les vampires ont besoin de votre énergie ou de vos affects, pas spécialement les positifs comme la joie ou le plaisir, les négatifs leurs conviennent très bien, bien plus forts et plus faciles à déclencher. Les vampires et d’autres pathologies vont déclencher en vous des sensations diffuses d’angoisse, des troubles somatiques (nausées, vomissements, céphalées…), des sentiments de rejet ou de dégoût… Ayez confiance dans ce que vous ressentez. Comme les pervers, les paranos, les oraux…, les vampires s’attaquent à celles et ceux qu’ils sentent faibles ou prêts à leur donner ce dont ils ont besoin. Je reprends donc ce que j’ai vu dans différents articles car les classifications sont très intéressantes, mais il faut se méfier de ne pas faire comme avec les bourreaux/victimes, les harceleurs, les pervers narcissiques… et de les rentrer dans des catalogues qui risqueraient d’être trop simplistes, voire même de les aider. De fait, certains vampires utilisent les stratégies des pervers manipulateurs, ce qui montre bien que ces pathologies ont eu accès à la deuxième phase du stade anal (manipulation et contrôle) et à la période de la triangulation œdipienne. La psychosomatoanalyse comme la médecine psychosomatique expliquent bien comment une personne peut vider sa « proie » de toute son énergie, tant sur le plan psychologique, que sur le plan somatique (avec apparition de maladies). Sur le plan clinique, nous savons que certaines victimes peuvent en mourir ; attention, là aussi il s’agit de bien comprendre qui est la victime, la position de victime pouvant cacher une position vampire et/ou perverse. 

VAMPIRE D’ÉNERGIE : le plaintif 
• Il se plaint sans cesse. Il joue le rôle de la victime. 
• Le monde est toujours contre lui, et il est responsable de ses malheurs.
• Si vous lui offrez une solution, il réplique invariablement : « Oui… mais ».
• Il vous relate sans scrupule les détails de ses mésaventures et répète sans arrêt les mêmes
jérémiades. Tout est noir, et il/elle a besoin de le faire savoir.

VAMPIRE D’ÉNERGIE : l’accusateur ou l’intimidateur 
• Il est celui qui a toujours un commentaire défavorable à émettre sur tout. 
• Il vous culpabilise insidieusement de ne pas faire les choses comme il faut. 
• Il réprimande sans cesse et va même jusqu’aux insultes en râlant avec colère, opprimant, menaçant, imposant, frappant.
• Il utilise les accusations pour vous épuiser, ne laissant aucune place à la discussion, il utilise la peur.

VAMPIRE D’ÉNERGIE : l’acteur 
• Le moindre petit incident se mue en production théâtrale. 
• Il a toujours un drame à vous faire partager : le chaos le dynamise. 
• Pour lui, issu de la loi du tout ou rien de la psychose, tout se passe dans de la dépression où la vie est à mourir, à l’extraversion maniaque, où tout devient extrême.
• Il vous questionne tout le temps, vous met en cause, en jouant, il utilise l’humour caustique et une curiosité malsaine pour trouver la faille et mieux vous rabaisser ou vous critiquer.

VAMPIRE D’ÉNERGIE : Le blasé jouant l’insensible 
• Il se renferme sur lui-même, laissant l’autre s’épuiser à le questionner et se demander ce qui ne va pas, voire à se sentir coupable.
• Il s’enfonce dans des formes dépressives pour vous pousser à investir votre énergie à le sauver. 

Nombreuses sont les pathologies qui sont susceptibles de nous affecter, généralement dans notre environnement proche, nous pouvons aussi en rencontrer par hasard lors de rencontres inattendues. Que ces personnes agissent consciemment ou inconsciemment, elles sont certes en souffrance, mais ce n’est pas une raison pour vous sacrifier, vous offrir en pâture ou essayer de les sauver !
Alors parlons des pervers narcissiques, un mot qui ne veut pas dire grand-chose, parlons de la relation perverse qu’il peut exister entre deux personnes. La perversion dans la relation à l’autre. Tant que la censure et la morale opprimeront la sexualité, nos désirs ne seront pas libres. Ils resteront soit mimétiques (je désire ce que l’autre désire), soit transgressifs (je désire ce qui est interdit).
Les symptômes, les plaintes, les maladies, les comportements dans la relation à l’autre s’inscrivent dans un mode relationnel manipulatoire, voire pervers. Ils permettent par leur présence de formuler un désir ou un reproche. Le fait que la personne en souffre ne doit pas vous empêcher de décrypter la relation dans sa dynamique perverse ou hystérique. 

Nous sommes dans une société qui gratifie tout ce qui entre dans le registre de “ce qui va mal”. Cette théorie du “trop de plaisir fait mal” ne satisfait que certains courants moralisateurs. En pratique, il est sans doute plus efficace, au lieu de se perdre dans des débats sans fin, d’aider les gens à pouvoir vivre les instants de bonheur. Cela nécessite de chercher des outils capables de lutter contre ce qui empêche d’accéder au bonheur (l’éducation, la morale, les interdits et les tabous). Cette démarche reste encore peu empruntée, puisque cela reviendrait à reconnaître au psy une fonction d'éducation, de prévention, de protection, et surtout d’honnêteté vis-à-vis de la personne dans tout ce qu'elle a de plus important, à savoir sa dignité, sa liberté et la primauté du respect de la nature humaine. On préfère donc, face à tout symptôme, élaborer des techniques ou substances chimiques pour forcer à faire fonctionner ce qui ne marche pas ou plus. Une manière de régler en apparence le problème, une illusion. Notre société est-elle vraiment prête à donner aux thérapeutes les moyens de combattre ce qui bloque le plaisir et le désir ? 

Les conflits dans la relation à l’autre servent des enjeux de pouvoir. Ils deviennent des vecteurs utilisés par les pulsions d’emprise, les besoins de dominer, posséder ou contrôler et les liens pervers de type compétent/incompétent, bourreau/victime, sado/maso, sauveur/sauvé. Certains couples rechercheraient, voire déclencheraient de manière préméditée les situations conflictuelles pour trouver des occasions à leurs jeux. 

Depuis quelques années, les professionnels qui suivent la mode commencent à parler de harcèlement, de bourreaux, d’agresseurs et surtout de violences conjugales, domestiques, en entreprise et institutionnelles. Au début, beaucoup se sont inquiétés de ce que cela risquait de remettre en cause. Ils n’avaient pas tort. Aujourd’hui, il suffit de voir le nombre de thérapeutes, médecins et professionnels de la santé, critiqués pour avoir osé, dans certains cas, dénoncer des pervers. Le système se déresponsabilise. Les coupables deviennent les victimes et les responsables, des boucs émissaires. Pour se rassurer, on divise également le monde en deux : les bourreaux et les victimes, l’homme et la femme, la gauche et la droite, les Blancs et les Noirs, les hétéros et les homos, les parents et les enfants, et… le bien et le mal. Le socialement correct et la morale interdisent la parole, le désir et le plaisir. Les interdits nous mènent à dire « Je suis dans mon bon droit parce que je souffre » plutôt que « Je me révolte car je veux obtenir ce que je veux ». L’utilisation de la victimisation sert à exprimer la haine, la vengeance et la violence. La victimisation est une forme acceptable et facilement manipulable par les tiers acteurs. Le couple, l’entreprise sont donc un théâtre dans lequel chaque protagoniste tente d’exister à travers la souffrance que lui impose l’autre. 

Les acting pervers sont les outils utilisés dans les situations conflictuelles pour prendre le pouvoir. Il existe plusieurs moyens pour y parvenir : 

  • la violence directe ou indirecte, verbale ou physique, les abus de pouvoir, les plaintes ;

  • les stratèges de dévalorisants, la disqualification, la discréditation, la dérision, le mépris, le dégoût ;

  • le rejet affectif, l’isolement, le mutisme, le jugement négatif ;

  • les exigences excessives, les réactions défensives, pousser l’autre à la faute, le paradoxe et surtout les doubles liens.

Ces jeux pervers entraînent de graves perturbations psychologiques mais aussi de nombreux troubles psychosomatiques : grippes et rhumes fréquents, infections urinaires, mycoses, migraines ou troubles gastro-intestinaux.

Les jugements négatifs sur le mode de pensée ou le comportement de l’autre, le reproche permanent ou les plaintes successives sont des systèmes utilisés pour mettre l’autre en défaut. Le reproche ou l’ironie implique que celui qui l’émet s’inscrive dans un acting pervers. 

L’utilisation des acting dévalorisants, allant jusqu’à l’irrespect, est pratique courante. Cette manipulation est encore plus aisée car elle permet de se cacher derrière une phrase d’allure anodine, voire même qui se voudrait d’apparence sympathique, mais qui reste très violente. Le pervers envoie en général sa phrase avec une certaine moquerie qui utilise le paradoxe. Le pervers sait que le destinataire ressentira cette agressivité. Il se mettra en colère et la guerre pourra alors commencer. Le responsable ? Bien évidemment, celui qui réagit. 

Les acting pervers placent l’autre dans une position dépressive ou défensive. Dans la première hypothèse, cela lui permet de se justifier, de nier ou de contre-attaquer. La position défensive utilise la violence verbale, les plaintes, la disqualification, la discréditation, le mépris, le dégoût, le mutisme, le jugement négatif et la fuite. En général, ce moyen ne procure jamais le résultat escompté car il exprime un reproche. Le message de l'autre n'est pas considéré. Souvent, dans ce type de conflits, la personne se sent agressée. Elle veut que l’autre se rétracte ou s’excuse et elle s’enferre encore plus dans une situation conflictuelle. La sidération est une réaction fréquente pour la personne qui se sent visée. Elle se fige corporellement, est incapable de sortir un mot. Dans les cas les plus graves, elle se met également à faire n’importe quoi pour échapper au flot d’émotion qui l’envahit et qui a été provoqué par les acting pervers. Cette attitude est plus protectrice que défensive, mais elle est illusoire. Elle est accompagnée de réactions physiques telles que l'accélération du rythme cardiaque (pouvant passer de 80 à 165 battements à la minute), des changements hormonaux (comme la sécrétion d'adrénaline qui prépare l'organisme à une réaction de lutte ou de fuite) et l'augmentation de la pression sanguine, et par ailleurs, elle peut se manifester par différents symptômes d'anxiété, comme la respiration oppressée, la tension musculaire, la transpiration, etc. Bref, l'organisme répond à une menace. Le système cardiovasculaire des hommes est plus réactif au stress que celui des femmes. Leur rythme cardiaque s’accélère brusquement et prend plus de temps pour revenir à la normale. Leur pression sanguine s'élève davantage. Comme ils sont plus affectés à ce niveau que les femmes, il n'est pas surprenant qu'ils cherchent davantage à éviter les conflits et qu'ils soient plus enclins au mutisme. 

Devenir la victime n’est jamais lié au hasard. Le pervers la choisit en fonction de son statut social, de certaines caractéristiques physiques et surtout psychologiques. Il l’utilise comme un objet. Elle devient un bouc émissaire responsable de tout. La victime évite au pervers de se remettre en cause. Pour la psychanalyse, elle est soit masochiste, soit soumise. Le pervers, toujours très malin, la confronte à ses failles et aux traumas oubliés de son enfance. Il sait parfaitement bien catalyser les sentiments d’autodépréciation, d’autodestruction et de culpabilité de ses proies qui ne sont pas véritablement dépressives, hystériques, masochistes. Le pervers utilise les traits de leur personnalité. 

La victime idéale est de toute évidence celle qui a une propension naturelle à culpabiliser. Ainsi, les mélancoliques (qui se sacrifient du fait de leurs culpabilités permanentes) et les dépressives (qui s’offrent par amour et par manque) sont des proies faciles. Durant la phase d’emprise, on observe chez les victimes un certain désistement (acceptation de la soumission), confusion (les victimes sont anesthésiées), une apparition du doute et du stress. La peur et l’isolement finissent par les mettre à distance du monde. Elles deviennent totalement dépendantes des pervers. Toute personne harcelée a deux types de réactions : la dépression ou l’agression. Il est nécessaire de l’aider à sortir de cette alternative irrationnelle. 

Dans notre société, quand ces choses-là doivent être évoquées, on pratique couramment la langue de bois. Beaucoup de professionnels préfèrent ainsi utiliser pour désigner ce genre de rapports les termes de bourreau/victime ou harceleur/victime plutôt que de continuer à le qualifier de sado/maso. Il est vrai que « bourreau » et « victime » sont des dénominations bien moins dérangeantes qui renvoient moins les deux acteurs à la perversion et impliquent que la victime n’est pas considérée comme perverse. Avec bourreau/victime le schéma paraît plus facile, puisque le bourreau c’est “le méchant” de l’histoire et la victime “la gentille”. Comme nous avons vu que cette distinction est plutôt hypocrite, nous utiliserons aussi bien le terme de “sadique”, “harceleur” ou “agresseur” pour parler de bourreau et “maso” ou “soumise” pour qualifier la victime. 

Dans le harcèlement (familial, de couple, en entreprise, institutionnel) il faut être vigilant car le sadique s’inscrit souvent dans un projet à long terme. Il se détache en apparence de sa proie pour obtenir ce qu’il veut par la suite. 

Pour certains auteurs comme Stoller, le maso choisit son sadique et c’est le sadique qui devient dépendant du scénario que le maso met en place. La réflexion paraît intéressante. Car, comment les sadiques, bourreaux ou harceleurs pourraient exister sans l’acceptation tacite de cette relation par les masos, soumis ou victimes ? Ainsi, pour aider réellement les victimes, il ne faut pas tomber dans l’empathie avec elles. N’oubliez pas que ce système leur permet, derrière la souffrance, de se sentir exister. En devenant coupables et responsables de tout, elles acquièrent beaucoup plus de puissance que leurs bourreaux. Un lien qui pousse même certaines victimes à se battre pour amener les personnes de leur entourage (proches, famille, amis, juge, avocat, police…) à exercer ce rôle de bourreau. En termes psy, on dira que c’est la compulsion de répétition du lien sado-maso.

Victime, comment s’en sortir ?

Pour la victime, elle doit :

1/ Identifier correctement la situation pour la comprendre et l’analyser.
2/ Prendre conscience qu’elle joue un rôle dans la relation perverse.
3/ S’avouer les bénéfices secondaires qui découlent de cette situation perverse.
4/ Faire le deuil de la relation. Sortir du leurre que l’autre peut encore changer et que la relation perverse peut s’arrêter. 

Le bourreau ne présente pas toujours de pathologie névrotique. Le névrosé a en effet un système de culpabilisation très important qui l'empêche de transgresser. On trouve en revanche chez le bourreau une faille psychotique plus ou moins importante. Elle permet de comprendre l'immaturité. Des traits paranoïdes sont souvent retrouvés, ainsi que des blessures narcissiques. Si la tendance paranoïde est très prononcée, le bourreau a tendance à se sentir persécuté par la victime. La victime devient l'agresseur de son bourreau, ce qui entraîne des comportements réactionnels rageurs et de vengeance à son égard. 

Plus le bourreau est immature, moins il est capable de se représenter la victime en tant que personne. Elle devient objet de sa pulsion. Si le bourreau est mégalomaniaque, il discerne que la victime refuse d’être objet. Il le sait, mais ne tient pas compte de ce refus car son immaturité l’empêche d’accepter sa frustration. Quand il n’est pas trop immature, il utilise la séduction et la manipulation pour attribuer la faute à la victime. 
L'immaturité psychoaffective des bourreaux est toujours très présente sur le plan comportemental et psychologique. Pour comprendre leur situation, il faut découvrir les liens invisibles mis en place dans cette relation de harcèlement. Une connaissance minutieuse de la vie sexuelle et des fantasmes sexuels du bourreau et de la victime permet de les décoder. À partir de là, le thérapeute doit faire le lien entre les fantasmes et le passé du sujet. En un sens, on pourrait finir par dire : « Dis-moi tes fantasmes, je te dirai qui tu es ». 

En fonction de son degré de maturité et de sa construction perverse, le bourreau agit de différentes façons : 

1/ Les bourreaux restés fixés à la première phase de stade sadique anal contrôlent la victime grâce à l'agression physique, la destruction et la menace.
2/ Les bourreaux restés fixés à la deuxième phase du stade sadique anal utilisent la séduction, la manipulation et diverses formes plus ou moins élaborées de menaces ou de pressions psychologiques.

Comment réagit le bourreau quand il est dévoilé :

1/ Soit il reconnaît totalement ses actes. 
2/ Soit il avoue partiellement avec plus ou moins de déni ou de déresponsabilisation. 
3/ Soit il l’admet indirectement. Par exemple, « Si l'autre le dit, c'est que cela doit être vrai ». 
4/ Soit il utilise la dénégation banalisante, du style « Ce n'est pas moi... », suivie d'une argumentation plus ou moins réagencée. 
5/ Soit il se lance dans un discours de type “pervers” ou “paranoïde” pour ne pas reconnaître la faute, voire pour l'attribuer à autrui.

En reconnaissant sa faute, l’agresseur se responsabilise. Il assume ses actes et peut ainsi accepter “la punition judiciaire”. Une sanction qui est aussi indispensable que la mise en place “d'une aide” ou “d'un suivi thérapeutique”. 

Victime et bourreau, au travers de leur relation, se retrouvent projetés dans des relations violentes et/ou sado/maso développées à leur insu sur les modèles des scénarios relationnels hérités de l’enfance. L’un comme l’autre cherchent à se protéger de la violence et des abus mais ne font en définitive, alors qu’ils cherchent à s’en prémunir, que de s’y précipiter de façon compulsive et répétitive. 

Les choix amoureux et/ou relationnels, certains modèles comportementaux et certaines conduites “à risque” de la victime vont la précipiter dans une spirale victimaire. Dans cette forme de lien, il faut savoir analyser distinctement le modus operandi de chacun, comprendre que la victimisation répétitive est l’expression d’un symptôme résultant de la non prise en charge de comportements de victimisation antérieure et non comme l’expression d’une structure de type masochique.

Lors du choix de partenaire, la victime est déjà choisie pour ses possibilités de passage à l’acte, alors que le bourreau est choisi dans sa propension à devenir violent (physiquement ou psychiquement) dans l’après-coup de la rencontre.

Le parcours thérapeutique nécessitera des étapes précises comme la redéfinition des positions, fonctions et enjeux des acteurs, l’analyse de l’escalade menant aux passages à l’acte transgressifs, la conscientisation de quête de toute-puissance et enfin le long travail de renoncement à cette toute-puissance pour pouvoir accéder à une simple puissance libératrice et différenciée d’une impuissance inhibitrice. Pour y parvenir, les victimes auront besoin de se faire “un procès intérieur” dans le cadre du processus thérapeutique, procès au cours duquel elles pourront jouer le rôle de l’agresseur, de la victime, du témoin, du juge, de l’enquêteur, de l’avocat, du juré… et aussi aborder leur propre responsabilité par rapport à l’événement. Ce travail intrapsychique est nécessaire et précède le travail de deuil. 

Les plus gros enjeux de ce travail psychique sont d’aider la victime à prendre conscience de son niveau de responsabilité dans l’événement qui s’est produit, donc dans le “comment ne pas se sentir coupable” mais aussi de l’aider à se mettre à distance de l’événement sans se perdre dans un “comme si ça n’avait jamais existé”. Ainsi, la thérapie va offrir un lieu d’analyse et de résolution des conflits, mais aussi un cadre qui aura une fonction contenante et une fonction structurante. Si ce type de travail est connu dans l’approche des traumatismes infantiles, il l’est moins dans les traumatismes du présent. L’espace thérapeutique va permettre de donner une nouvelle signification aux symptômes. Il s’agit in fine de permettre à l’individu de s’attribuer une place, celle de victime, pour pouvoir l’analyser et s’en dégager ; victime de l’Autre dans ses comportements violents actés, mais aussi victime d’elle-même dans ses schémas prédéterminés évoqués plus haut. C’est son prix à payer, alors que l’événement n’est pas de son fait, pour pouvoir continuer à vivre et à profiter de la vie, sous peine de quoi, la victime se meurt ou au mieux ne fait que survivre à l’événement.

Dans ces rapports de bourreaux/victimes, le thérapeute doit aider la victime à prendre conscience de son rôle dans ce mode relationnel pervers et à comprendre qu’elle n’a pas repéré à temps ses limites et n’a pas su les faire respecter. En analysant cela, le conjoint pourra alors se séparer de son bourreau. Sans cette démarche, il restera prisonnier de sa relation.


Docteur Erick Dietrich - Paris, France
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