Influence du style d’autorité paternelle sur le comportement auto-agressif chez des adolescents libanais âgés de 14 à 16 ans.
Influence of the style of the father’s authority on the auto-aggressive behavior of lebanese teenagers between 14 and 16 years old.
N. Zlaket, E. Rahme
Département de Psychologie, Faculté de Philosophie et des Sciences Humaines, Université Saint-Esprit de Kaslik, USEK, Jounieh, Liban
Email N. Zlaket : nadinezalaket@usek.edu.lb
Email E. Rahme : frerelie@hotmail.com
Les Auteurs
Nadine ZLAKET est docteur en Psychologie clinique.
Professeur – chercheur, elle est chef du département de Psychologie à la faculté de Philosophie et des Sciences Humaines de l’Université Saint Esprit de Kaslik (USEK) – Liban depuis 2013 et directrice du laboratoire PSYCHÉ du département de Psychologie (USEK). Ses recherches portent essentiellement sur l’adolescence.
Auteur de l’ouvrage « Pour une adolescence saine »
(couverture présentée ci-dessous).
P. Elias RAHME est doctorant en psychologie clinique
P. Elias RAHME est doctorant en Psychologie Clinique: Prêtre capucin, psychologue et psychothérapeute, il est de nationalité libanaise et vit à Beyrouth. Il a obtenu sa licence en Théologie à l’Université Antonianum en Italie et à l’Université Saint Esprit de Kaslik (USEK) au Liban. Il a fait une formation en musique et a eu son master en Psychologie clinique à l’USEK. Il poursuit ses études en doctorat en Psychologie Clinique à l’USEK et sa formation en psychothérapie d’inspiration analytique à Beyrouth. Il travaille depuis des années dans le domaine de la direction scolaire, il est enseignant de cours de bioéthique pour les classes terminales, aumônier, accompagnateur et psychologue intervenant auprès des ordres religieux.
Résumé
L’étude ci-présente traite le sujet de l’influence du style d’autorité du père libanais sur le comportement auto-agressif de son fils adolescent ; le père libanais étant le centre de sa famille, il est l’indispensable et le référent. Il représente la loi et la règle. Pour cela, son impact sur les membres de la famille est notable. Dans cette perspective, notre étude souligne qu’au Liban, l’exercice de l’autorité du père a une influence sur le comportement auto-agressif de son adolescent aux niveaux : physique, verbal et sexuel.
Abstract
This study covers the issue of the influence of the style of the Lebanese father’s authority on the auto-aggressive behavior of his teenager. In other words, the Lebanese father remains the center of his family; he is the essential one and the referent. He represents the law and the rule. For that, his impact on the family members is notable. In this study, we notice that in Lebanon, the exercise of the authority of the father has an influence on the auto-aggressive behavior of his teenager on the physical, verbal and sexual levels.
Mots clés: adolescent ; autorité ; père ; comportement auto-agressif ; autorité paternelle ; agressivité ; Liban.
Keywords : teenager ; authority ; father ; auto-agressive behavior ; father’s authority ; agressivity, Lebanon.
En passant dans les rues de Beyrouth, nous entendons des propos et nous observons des comportements agressifs qui sont de plus en plus fréquents. Nous dévisageons des jeunes adolescents libanais qui agressent autrui ou qui s’auto-agressent. Nous remarquons que le comportement agressif s’exprime en allant de l’auto-agressivité jusqu’à l’hétéro-agressivité. Pourtant, la réaction du peuple libanais reste limitée. Certains n’interviennent pas parce qu’ils ont peur d’être agressés par l’agresseur tandis que d’autres sont devenus si familiarisés avec ce genre de conduite qu’ils ont fini par l’accepter. Ces attitudes nous poussent à poser les questions suivantes : qui est cet autre dont quelques-uns ont peur ? Pourquoi certains libanais acceptent-ils l’agression ? Est-ce qu’il s’agit d’une représentation du père que des personnes ont peur d’affronter ?
Dans le monde arabe et d’après notre culture orientale, l’image du père garde toujours une importance significative et son autorité reste repérée dans la dynamique familiale. Preuve en est, Agnès Rotivel cite que le père libanais représente l’autorité [1]. En d’autres mots, il continue à influencer tous les membres de la famille.
Corollairement, nous relions le comportement agressif chez le jeune adolescent libanais au style d’autorité de son père. Nous nous intéressons à la tranche d’âge de l’adolescence étant donné que l’adolescent se trouve tiraillé : d’un côté, il veut se détacher de son père et d’un autre côté, il est encore dépendant de lui.
Quant à l’autorité paternelle, observons sa définition indiquant qu’elle est une relation d’influence de celui qui la possède sur celui qui la subit. En d’autres mots, elle est l’exercice d’une dominance dans une relation qui se traduit en plusieurs facettes : autocratique, démocratique et permissif [2]. Ainsi, nous pouvons déduire que le style d’autorité paternelle joue un rôle prépondérant dans la vie de l’adolescent.
D’un autre côté, le concept du comportement agressif est, d’une part « une conduite physique ou verbale qui vise, consciemment ou non, à nuire, à détruire, à humilier ou à contraindre une personne » [3]. Dans le même ordre d’idées, Laplanche et Pontalis décrivent l’agressivité comme « la tendance ou ensemble des tendances qui s’actualisent dans des conduites réelles ou fantasmatiques, celles-ci visant à nuire à autrui, le détruire, le contraindre, l’humilier » [4]. D’autre part, Bergeret souligne que le comportement agressif se présente en une forme tournée vers soi [5]. Dans l’étude ci-présente, nous nous limitons au volet auto-agressif.
Plusieurs perspectives nous permettent de situer notre question qui porte sur les différents styles d’autorité paternelle et leur relation au comportement auto-agressif chez l’adolescent.
Conformément à la typologie du sociologue Max Weber, l’autorité se classe en trois grandes formes : l’autorité charismatique censée provenir de Dieu à travers laquelle le « leader » persuade les sujets qui lui accordent obéissance et soumission, l’autorité traditionnelle fondée sur la conviction d’un pouvoir exercé au passé qui doit être maintenu [6] et l’autorité rationnelle-légale fondée sur la rationalité au cadre de laquelle le plus compétent gouverne parce qu’il fait bien son travail [7].
D’après la perspective psycho- développementale selon Baumrind, il s’agit de quatre différents schémas de styles parentaux : les parents indulgents, appelés également permissifs ou non-directifs, sont plus réceptifs qu’ils ne sont exigeants ; les parents autoritaires sont très exigeants et directifs, mais ne sont pas réceptifs ; les parents non engagés sont peu réceptifs et peu exigeants et les parents usant d’autorité sont à la fois exigeants et réceptifs, ils surveillent et transmettent des normes claires [8]. Dans la même lignée, Maccoby et Martin ont ajouté en 1983, un autre style appelé « style désengagé » [9]. En fait, Richard Cloutier décrit les styles d’autorité parentale en nommant le style désengagé : le style autocratique est centré sur lui-même et a un contrôle prégnant sur son fils ; le style désengagé n’est pas sensible aux besoins de l’adolescent qu’il préfère laisser à lui-même, sans aucune forme de supervision ; le style permissif accorde beaucoup d’attention aux besoins de son adolescent, sans beaucoup affirmer son autorité parentale et le style démocratique est actif et le parent est ouvert aux besoins de son fils [10].
Pour la raison que le style du parent permissif « peut être de type tolérant ou désengagé » [11], nous joignons les deux styles, permissif et désengagé, sous le nom du style permissif, selon Glen Holl Elder, cité par Henri Lehalle. Pour lui, les types de contrôle parental sont trois : le style autocratique décide de ce que l’adolescent doit faire, le style démocratique permet à l’adolescent de participer à l’élaboration de ses décisions et le style permissif laisse l’adolescent tout décider [12].
Après avoir exposé les différentes perspectives du style d’autorité paternelle, voici celles concernant le comportement auto-agressif chez l’adolescent.
La perspective biologique montre que nous disposons d’un équipement neuro-hormonal pour le comportement agressif hérité de la longue lignée de nos ancêtres [13]. Dans un autre registre, selon la perspective psychosociale, Taylor pense qu’autrui incite le sujet à émettre des comportements agressifs. John Dollard, Léonard Doob et Neal Miller mettent en relief l’existence d’un comportement agressif chez l’adolescent présupposant l’existence de la frustration qui mène à quelque forme d’agression [14]. De plus, Leonard Berkowitz signale que les facteurs déclencheurs du comportement d’agression, à l’âge de l’adolescence, seraient liés à des facteurs environnementaux : personnes présentes, situation dans laquelle le sujet se trouve et objets présents [15].
Dans la perspective psycho-humaniste, selon Rogers, le comportement agressif à l’adolescence résulte de réactions négatives à des frustrations imposées par d’autres [16]. Pour Maslow, lorsque les besoins sont en carence de réponse, ils peuvent engendrer l’agressivité [17].
Les deux perspectives psycho-sociale et psycho-humaniste pointent seulement sur l’autre ou sur les besoins non assouvis qui entraînent le sujet à se comporter agressivement. C’est pourquoi, la perspective sociocognitive porte l’attention sur la personne qui se comporte agressivement tout en soulignant son implication et son rôle. Ainsi, pour Bandura et Walter, le phénomène de l’agressivité chez l’adolescent est un renforcement de l’apprentissage vicariant de comportements agressifs observés à la maison [18]. Quant à Dodge et Murphy, ce n’est pas le comportement réel du provocateur qui détermine si l’adolescent passe aux comportements agressifs, c’est plutôt la perception que l’adolescent a du comportement ou de l’intention du provocateur [19].
Or, la perspective psycho-dynamique met l’accent sur la dynamique inconsciente de l’individu, « où interviennent entre autres les forces intérieures, les conflits et l’énergie instinctuelle exprimée par les pulsions » [20]. À l’exemple de Freud, les manifestations agressives envers autrui ou envers soi trouvent leur explication dans la pulsion de mort [21]. Nathalie Zaltzman souligne que, bien qu’il soit possible de voir à l’œuvre les pulsions libidinales ou les pulsions de vie dans chaque comportement agressif, la pulsion de mort serait en fait engagée dans ces actes [22]. Dans la même voie, l’explication des comportements agressifs par les pulsions d’autoconservation s’apparente à la notion de l’agressivité fondamentale élaborée par Bergeret. Le fait que certaines conduites agressives puissent trouver leur explication dans les pulsions d’autoconservation n’exclut pas nécessairement l’existence de la pulsion de mort. Le comportement agressif, d’après Bergeret, vise à nuire à l’objet [23]. Selon Mélanie Klein, les pulsions libidinales et agressives sont présentes dès la naissance. Pourtant, les pulsions agressives sont particulièrement fortes au début de la vie et se traduisent par des fantasmes inconscients de destruction de l’objet. Pour une meilleure compréhension des pulsions agressives, Klein a élaboré deux positions référant à des modalités de relations d’objet : la position paranoïde-schizoïde et la position dépressive. La résolution de la phase dépressive permet une meilleure intégration des pulsions agressives et libidinales et, par conséquent, une diminution des comportements agressifs [24]. Alfred Adler a remanié la théorie classique de Freud concernant les pulsions. Il a introduit la notion de pulsion agressive comme pulsion fondamentale, au service de la vie, à côté de la pulsion sexuelle et en intrication avec elle [25]. Winnicott rapporte que la plupart des mères sont en mesure de réagir lorsque leur enfant est agressif ou malade. Il est possible que certains enfants utilisent ces attitudes pour susciter une réaction chez leur mère et que ces comportements deviennent progressivement partie intégrante de leur identité [26].
L’objectif de notre recherche est de chercher un lien entre le comportement auto-agressif et le style d’autorité paternelle. Notre hypothèse de travail est la suivante : les adolescents garçons libanais, âgés de 14 à 16 ans, ayant un père autocratique, montrent plus de comportements auto-agressifs que ceux qui ont un père permissif et ceux-ci plus que ceux ayant un père démocratique.
Méthodologie de l’étude
Méthode
La méthode adoptée dans notre travail est corrélationnelle. En effet, il ne s’agit pas de chercher la cause, mais l’existence d’une corrélation entre les divers styles d’autorité paternelle (autocratique, démocratique et permissif) et le comportement auto-agressif (physique, verbal et sexuel) chez des adolescents libanais. En d’autres termes, il s’agit de se demander dans quelle mesure l’apparition de l’un des styles d’autorité s’accompagne de l’apparition d’un comportement auto-agressif.
Participants
L’étude incluait 161 participants adolescents libanais âgés de 15 ans, de la classe de seconde (ou S1 d’après la nomenclature du programme scolaire libanais). Ils sont du même sexe (garçons), de la même tranche d’âge (14-16 ans), quasiment du même niveau socio-économique (classe moyenne), vivant dans une même région urbaine (Beyrouth) et ayant le même niveau d’étude (écoliers). De plus, la majorité est de religion chrétienne alors que la minorité est de religion musulmane (11), avec quelques adolescents druzes (4). Nous maintiendrons ces variables secondes ou parasites au même niveau constant dans les échantillons afin de contrôler et de neutraliser leurs effets potentiels. De plus, nous ne comptons pas les adolescents ayant un père absent ou décédé parce qu’il s’agit exclusivement de jeunes dont les pères sont au foyer.
Instrument d’évaluation
Questionnaire
Dans le contexte de notre étude, le questionnaire a été retenu comme instrument de mesure qui permet la collecte méthodique d’informations concernant les différents styles d’autorité paternelle et le comportement auto-agressif.
Questionnaire sur l’autorité paternelle
Le questionnaire sur l’autorité [27], est formé de trois questions dont Q1 et Q2 sont générales tandis que Q3 illustre le rôle et l’attitude du père et de la mère dans leur relation avec leur fils adolescent. Bien que la fonction de la mère ne réponde pas à notre problématique, nous avons maintenu cette modulation pour ne pas influencer les réponses des élèves. Ainsi, nous avons fait un tri, lors du dépouillement, et gardé les situations cadrant uniquement le rôle et l’attitude du père dans sa relation avec son fils.
Questionnaire sur le comportement agressif
D’autre part, nous avons configuré le questionnaire sur le comportement agressif, inspiré du questionnaire intitulé : « The Aggression Questionnaire » [28]. Il comprend 18 items mesurant le comportement agressif dans ses deux volets : auto- et hétéro-agressif. Pourtant, nous allons nous intéresser aux items regardant le comportement auto-agressif qui englobe 9 items et regroupe :
– Trois items sur le comportement auto-agressif physique : Q2, Q8 et Q 10 ;
– Trois items sur le comportement auto-agressif verbal : Q6, Q12 et Q 17 ;
– Trois items sur le comportement auto-agressif sexuel : Q5, Q13 et Q14.
Analyse
L’analyse consiste à comparer les résultats obtenus du questionnaire sur le comportement auto-agressif, entre les adolescents ayant un père autocratique, ceux ayant un père démocratique et ceux ayant un père permissif. La comparaison des variables s’est faite à l’aide du test de Khi- deux. Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel SPSS 16.
Résultats
Les résultats statistiques et l’analyse quantitative et qualitative des scores obtenus sont :
Influence du style d’autorité paternelle sur le comportement auto-agressif physique
Q2 : Quand je suis vexé par quelqu’un, je me gifle ou je me frappe
Les résultats montrent que 100% des jeunes ayant un père autocratique se giflent ou se frappent très souvent quand ils sont vexés par quelqu’un. Le test d’indépendance de Khi-deux effectué (P<0,01) le confirme.
Q8 : Quand quelqu’un m’irrite, je me blesse pour me reposer
Les données statistiques indiquent que 82% des adolescents ayant un père autocratique se blessent très souvent pour se reposer. Le test d’indépendance de Khi-deux effectué (P<0,01) le confirme.
Q10 : Je me griffe fortement pour décharger la tension qui est en moi
84% des jeunes ayant un père autocratique passent, très souvent, à l’acte de se griffer fortement pour décharger la tension en eux. Le test d’indépendance de Khi-deux effectué (P<0,01) le confirme.
Influence du style d’autorité paternelle sur le comportement auto-agressif verbal
Q6 : Je m’insulte quand je me trouve dans une situation d’embarras
100% des adolescents ayant un père autocratique s’insultent très souvent. Ces résultats sont confirmés par le test d’indépendance de Khi-deux opéré (P<0,01).
Q12 : Quand je suis en rage contre quelqu’un, je me dédaigne
100% des jeunes ayant un père autocratique passent, très souvent, à cet acte. Ces données statistiques sont confirmés par le test d’indépendance de Khi-deux fait (P<0,01).
Q17 : Je m’injurie, quand je me sens gêné par autrui
100% des adolescents ayant un père autocratique s’injurient très souvent. Ceci a été confirmé par le test d’indépendance de Khi-deux effectué (P<0,01).
Influence du style d’autorité paternelle sur le comportement auto-agressif sexuel
Q5 : Pour reprendre mon calme, je regarde des films et des revues pornographiques
100% des jeunes de pères autocratiques regardent, très souvent, ce genre de film. Le test d’indépendance de Khi-deux effectué (P<0,01) le confirme.
Q13 : Pour apaiser mon agressivité, je me gratte des parties intimes plusieurs fois
100% des jeunes ayant un père autocratique se grattent très souvent leurs parties intimes. Le test d’indépendance de Khi-deux effectué (P<0,01) le confirme.
Q14 : Quand je suis emporté, je caresse des différentes parties de mon corps
87.5 % des adolescents ayant un père autocratique se caressent très souvent. Le test d’indépendance de Khi-deux effectué (P<0,01) le confirme.
Pour examiner si les adolescents ayant un père autocratique montrent plus de comportement auto-agressif physique, verbal et sexuel que ceux ayant un père permissif et ceux-ci plus que ceux ayant un père démocratique, nous avons créé trois nouvelles variables :
« SAPCAAP » (signifie : Style d’Autorité Paternelle et Comportement Auto-Agressif Physique) qui est la somme des trois items du comportement auto-agressif physique : Q2, Q8 et Q10.
« SAPCAAV » (signifie : Style d’Autorité Paternelle et Comportement Auto-Agressif Verbal) qui est la somme des trois items du comportement auto-agressif verbal : Q6, Q12 et Q17.
« SAPCAAS » (signifie : Style d’Autorité Paternelle et Comportement Auto-Agressif Sexuel) qui est la somme des trois items du comportement auto-agressif sexuel : Q5, Q13 et Q14.
Ensuite, nous avons calculé la moyenne de ces scores chez les adolescents de chacun des trois types de style d’autorité paternelle. Puis, nous avons comparé les moyennes entre les trois groupes avec l’analyse des variances à un facteur (ANOVA) entre les trois groupes pour voir s’il y a une différence significative entre, au moins, deux des trois groupes. Cette analyse des variances indique que la différence est significative, entre, au moins, deux des trois groupes (P<0,01). Après quoi, puisque nous n’avons pas eu la même valeur des moyennes pour les trois différents groupes, nous avons fait le test de comparaison de deux moyennes de Student.
Dans le score « SAPCAAP », d’après nos résultats, la comparaison des moyennes entre le premier groupe, pères autocratiques (8.6607) et le troisième groupe, pères permissifs (6.4286) montre que la différence est significative (P<0,01). De même, la comparaison des moyennes entre le troisième groupe, pères permissifs (6.4286) et le deuxième groupe, pères démocratiques (3.0714) signale que la valeur de leur différence est aussi significative (P<0,01).
Dans le score « SAPCAAV », d’après nos résultats, la comparaison des moyennes entre le premier groupe, pères autocratiques (9.0000) et le troisième groupe, pères permissifs (6.6667) nous montre que la différence est significative (P<0,01). De même, la comparaison des moyennes entre le troisième groupe, pères permissifs (6.6667) et le deuxième groupe, pères démocratiques (4.1071) nous signale que la valeur de leur différence est significative (P<0,01).
Dans le score « SAPCAAS », d’ après nos résultats, la comparaison des moyennes entre le premier groupe, pères autocratiques (8.8750) et le troisième groupe, pères permissifs (7.1429) nous montre que la différence est significative (P<0,01). De même, la comparaison des moyennes entre le troisième groupe, pères permissifs (7.1429) et le deuxième groupe, pères démocratiques (4.1667) nous signale que la valeur de leur différence est significative (P<0,01).
Ainsi, nous déduisons que les jeunes adolescents libanais de notre échantillon, âgés entre 14 et 16 ans et ayant un père autocratique, s’auto-agressent physiquement, verbalement et sexuellement plus que les jeunes ayant un père permissif et ceux-ci plus que ceux ayant un père démocratique.
Discussion
En effet, d’après les résultats de notre étude, le modèle du père autocratique s’avère être le plus ardu et le plus difficile. Il est caractérisé par l’absence de la participation. De plus, sa rigidité avec son fils constitue un lien agressif entre eux. Dans la même lignée, il s’agit dans le comportement auto-agressif, selon Walsh, des conduites « intentionnelles, auto-effectuées, à faible atteinte vitale corporelle, d’une nature socialement inacceptable et réalisées afin de réduire une détresse psychologique » [29].
Ensuite, le modèle du père permissif se révèle le plus ouvert dans sa relation avec son fils au cours de l’adolescence. Il répond au fils de façon non punitive, plutôt consentante, même face à des exigences peu raisonnables [30]. Puis, le père démocratique se montre le plus équilibré dans sa relation avec son adolescent. Il reste le plus positif pendant l’adolescence. En fait, avoir de l’autorité et être affectif serait l’apogée de la relation saine entre l’adolescent et son père. Le fils grandit et devient à son tour un père démocratique. Ainsi, nous déduisons que le père démocratique soutient et aide à libérer les émotions et l’agressivité de son enfant et est perçu comme un absorbeur des émotions négatives chez le jeune libanais.
Conclusion
Bandura souligne que l’être humain ne vient pas au monde agressif mais qu’il le devient par apprentissage. Pourtant, cette position ne s’accorde pas avec celle de Freud qui définit l’enfant comme un pervers polymorphe dont sa perversité se traduit dans des comportements agressifs [31]. Nous ne nions ni l’un ni l’autre des deux courants cités ci-dessus. En effet, nous observons qu’il y a toujours, durant l’adolescence, un combat pour l’affirmation de soi et une opposition aux parents. Pourtant, cela ne signifie pas nécessairement que les adolescents sont agressifs ou méchants par nature. A contrario, ils se sentent tiraillés entre l’innocence de l’enfance et l’attrait du monde adulte. De plus, ils sont déboussolés, désorientés et perdus par les différents changements physiologique et psychologique qu’ils subissent. De même, ils cherchent à marquer des points et à affronter leurs parents dans une tentative d’affirmation, par tous les moyens, y compris agressifs, pour montrer qu’ils sont autonomes et responsables. Toutefois, les parents devraient réagir en fournissant à leur adolescent des facteurs de résilience face au passage à l’acte [29]. Ainsi, il y aurait plus d’harmonie et de cohérence dans la vie de l’adolescent, avec soi-même et avec les autres.
En somme, l’adolescent libanais âgé de 14 à 16 ans cherche, d’après notre échantillon, une intervention paternelle démocratique pour comprendre, avec affection, l’importance des règles et du respect, avant d’accéder à l’âge adulte. Avec cette attitude, nous évitons de développer chez lui le comportement auto-agressif. Ainsi, en l’encadrant, nous formons le père libanais équilibré, le père de demain.
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Pas de conflit d’intérêt.
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