L’Art d’Aimer : Erich Fromm (1900-1980), Psychanalyste

Fromm (Erich), psychanalyste américain d’origine allemande, né à Francfort-sur-le-main (1900-1980). Il prône l’adaptation de la psychanalyse à la dynamique sociale à partir d’une lecture humaniste de Marx (La peur de la liberté, 1941; Société aliénée, société saine, 1955). Erich Fromm a obtenu son doctorat en philosophie de l’université de Heidelberg à vingt-deux ans alors qu’il étudiait avec Jaspers. Il fut l’un des chefs de file du mouvement néo-freudien américain. Fromm considérait la révolution de l’amour comme l’unique alternative à la destruction de l’humanité.

Auteur de:

  • La peur de la liberté (1941)
  • Société aliénée, société saine (1955)
  • L’art d’aimer (1956)
  • L’homme pour lui-même (1947)
  • Le langage oublié (1951)
  • Aimer la vie (Recueil de causeries radiophoniques, 1983)

 » L’art d’aimer «  
Ce livre est sans doute le plus beau cadeau que nous a laissé Fromm. Dans cet ouvrage remarquable, Fromm traite de l’amour à la fois comme le comprend l’homme de la rue et le savant. L’homme devant le sentiment de solitude qu’il éprouve, ne dispose que d’un seul moyen pour s’insérer dans le monde: l’amour. Celui qui existe entre parents et enfants, entre hommes et femmes, frères et sœurs, amis et amies, et même créateur et créatures… Face à une civilisation où chacun ne vaut qu’en fonction de ses facultés de production, où les échanges entre les individus ne se limitent le plus souvent qu’à des rapports d’équité ou de troc, l’amour représente l’ultime possibilité, pour l’être humain, de se réaliser dans son autonomie. (Texte de présentation du livre, Édition EPI)

Quelques extraits

p11: “L’amour n’est pas un sentiment à la portée de n’importe qui: il dépend de notre degré de maturité. (…)”

p16: “Les gens pensent qu’il est simple d’aimer, mais qu’il est difficile de découvrir le bon objet à aimer ou qui les aimera.”

p17: “Toute notre culture se fonde sur un appétit d’achat, sur l’idée d’un échange mutuellement profitable. (…)  «Attrayant» signifie d’habitude un joli paquet de qualités qui jouissent de popularité et sont recherchées sur le marché de la personnalité. (…) Ainsi deux personnes tombent-elles amoureuses lorsqu’elles ont le sentiment d’avoir découvert le meilleur objet disponible sur le marché, compte-tenu des limitations de leur propre valeur d’échange.”

p18: “Dans une culture où prévaut l’orientation commerciale et dans laquelle le succès matériel constitue la valeur éminente, il n’y a guère de quoi s’étonner que les relations amoureuses suivent le même modèle d’échange que celui qui gouverne le marché des affaires et du travail. (…)”

p 18: “Si deux personnes qui sont étrangères, comme nous le sommes tous, laissent soudainement s’abattre le mur qui les séparait, et se sentent proches, se sentent une, ce moment d’unicité est une des expériences les plus vivifiantes et les plus émouvantes de la vie. Il est d’autant plus merveilleux et miraculeux pour les personnes qui ont vécu séparées, isolées, sans amour. Ce miracle de soudaine intimité est souvent facilité s’il s’associe à, ou est suscité par l’attraction et la consommation sexuelle.
Cependant, de par sa nature même, ce type damour n’est pas durable. Les deux personnes s’accoutument l’une à l’autre, leur intimité perd de plus en plus son caractère miraculeux, jusqu’à ce que leur antagonisme, leurs déceptions, leur ennui mutuel, tuent ce qui a pu subsister de l’émoi initial. Mais voila, au début elles ne se doutent de rien: elles prennent en effet l’intensité de l’engouement, cet état d’être «fou» l’un de l’autre, pour une preuve de l’intensité de leur amour, alors que cela ne fait que révéler le degré de leur solitude antérieure.”

“Il n’y a guère d’activité, d’entreprise, dans laquelle on s’engage avec des espoirs et attentes aussi démesurés, et qui pourtant échoue aussi régulièrement que l’amour.”

p 19: “(…) il semble qu’il n’y ait qu’une seule façon efficace de surmonter l’échec de l’amour – c’est d’examiner les raisons de cet échec et d’étudier la signification de l’amour.”

p 20: “(…) le succès, le prestige, l’argent, le pouvoir – nous consacrons la presque totalité de notre énergie à apprendre comment atteindre ces objectifs, et nous n’en réservons quasi pas à apprendre l’art d’aimer.”

p 24: “L’homme est doué de raison; il est vie consciente d’elle-même; il a conscience de lui-même, de son semblable, de son passé, et des possibilités de son avenir. Cette conscience de lui-même comme entité séparée, la conscience de la brièveté de sa propre vie, du fait qu’il a été engendré sans sa volonté et qu’il meurt contre sa volonté, qu’il mourra avant ceux qu’il aime ou eux avant lui, la conscience de sa solitude et de sa séparation, de son impuissance devant les forces de la nature et de la société, tout ceci fait de son existence séparée, désunie, une prison insupportable.”

p 23: “L’homme ne peut avancer qu’en développant sa raison, en trouvant une harmonie nouvelle (…)”

p 25: “Le besoin le plus profond de l’homme est de surmonter sa séparation, de fuir la prison de sa solitude. (…)”

p 29: (…) l’union au groupe constitue la façon prévalente de surmonter la séparation. (…) Si je ressemble à quiconque, si je n’ai ni sentiments, ni pensées qui m’en distinguent, si je me conforme aux coutumes, usages vestimentaires et idées, au pattern du groupe, je suis sauvé; sauvé de l’expérience effrayante de la solitude.”

p 105: “Une foule grandissante de gens perdent leur autonomie et tombent sous la dépendance de ceux qui dirigent les grands empires économiques. De la concentration des capitaux résulte un autre trait saillant du capitalisme moderne: la forme particulière que revêt l’organisation du travail. Dans les entreprises fortement centralisées, la division absolue du travail a pour effet d’anéantir l’individualité du travailleur, d’en faire le rouage d’une machine.

Le capitalisme moderne a besoin d’hommes qui coopèrent uniment et en grand nombre, qui veulent consommer toujours davantage, et dont les goûts sont standardisés, facilement modelables et prévisibles. D’hommes qui, tout en ayant le sentiment de rester libres et autonomes, de n’être soumis à aucune autorité, règle ou contrainte intérieure, acceptent cependant d’être commandés, d’exécuter ce que l’on attend d’eux, de s’insérer sans frictions dans la machine sociale. D’hommes que l’on peut diriger sans violence, conduire sans chefs, mouvoir sans but, sinon celui de tenir sa place, d’être en mouvement, de fonctionner, de continuer d’avancer.”

p 151: “Tant les penseurs radicaux que l’individu moyen sont des automates sans amour.”

p 30: “La plupart des gens ne sont même pas conscients de leur besoin de conformisme. Ils vivent avec l’illusion qu’ils suivent leurs propres idées et penchants, qu’ils sont individualistes, que les opinions auxquelles ils sont arrivés représentent l’aboutissement de leur propre réflexion – et que, si leurs idées rejoignent celles de la majorité, c’est en quelque sorte une coïncidence. Le consensus de tous sert de preuve à la justesse de «leurs» idées. (…) Le slogan publicitaire « c’est différent » révèle ce besoin pathétique de différence, alors qu’en réalité c’est à peine s’il en subsiste quelqu’une. (…)”

p 25: “L’homme, – de tout âge et de toute culture – se trouve confronté à la solution d’un seul et même problème: comment surmonter la séparation, comment accomplir l’union, comment transcender sa propre vie individuelle et trouver l’unicité?”

p 35: “Ce qui importe, c’est que nous sachions de quelle sorte d’union nous nous entretenons lorsque nous parlons de l’amour.”

p 39: “(…) l’amour est une action, la pratique d’un pouvoir humain qui ne peut s’exercer que dans la liberté et jamais sous l’effet d’une contrainte.”

p 121: “(…) Une autre forme d’amour névrotique se caractérise par le recours à des mécanismes projectifs dans le but d’éviter ses propres problèmes, toute l’attention se concentrant sur les imperfections et les faiblesses de la personne «aimée».”

p 39: “L’amour est une activité, non un affect passif; il est un «prendre part à», et non un «se laisser prendre». (…) l’amour consiste essentiellement à donner, non à recevoir. (…) Le malentendu le plus courant est de croire que donner, c’est abandonner quelque chose, se priver de, renoncer. (…) Les gens à orientation non-productive ressentent le don comme un appauvrissement.”

p 40: “Certains, il est vrai, érigent le don en vertu, mais en le concevant comme un sacrifice. (…) Pour un caractère productif, le don revêt une signification entièrement différente. (…) Donner est source de plus de joie que recevoir, non parce qu’il s’agit d’une privation, mais parce que dans le don s’exprime ma vitalité.”

p 41: “Que donne un être à un autre?
Il donne de lui-même, de ce qu’il a de plus précieux, il donne de sa vie. (…) il donne de ce qui est vivant en lui; il donne de sa joie, de son intérêt, de sa compréhension, de son savoir, de son humeur, de sa tristesse – bref, de tout ce qui exprime et manifeste ce qui vit en lui. En donnant ainsi de sa vie, il enrichit l’autre, il en rehausse le sens de la vitalité en même temps qu’il rehausse le sien propre. Il ne donne pas dans l’intention de recevoir, car le don constitue comme tel une joie exquise.”

p 141: “La pratique de l’art d’aimer exige la pratique de la foi. La foi exige du courage, la capacité de prendre des risques, tout en se tenant prêt à accepter souffrances et désillusions.”

p 152: “Dans le système actuel, ceux qui sont capables d’amour sont forcément des exceptions.”

p 153: (Dans nos sociétés actuelles) “Toutes les activités sont subordonnées à des objectifs économiques, les moyens sont devenus des fins; (…) Pour que l’homme soit en mesure d’aimer, il faut qu’il réintègre la place suprême qui lui revient. (…) Non, parler de l’amour, ce n’est pas «prêcher», car c’est parler d’un besoin ultime et réél en chaque être humain. (…) La foi dans la possibilité de l’amour (…)

En savoir plus sur Erich Fromm …
http://fr.wikipedia.org/wiki/Erich_Fromm


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