Le ciel au fond des poubelles (roman)

couvert-ciel-poubelleLe ciel au fond des poubelles

NOUVEAU ROMAN
de Denise Noël

(à paraître en janvier 2019)
SOMMAIRE

Avril 2015, surprise inespérée pour Solange Langevin découragée par les refus répétés de son livre pour enfants : Marie de Nazareth la convoque par courriel au restaurant ‘Le Dragon Vert’ pour lui faire une proposition rocambolesque. Cette rouspéteuse de broue désabusée en quête de gloire et cette chamane de rue, slameuse au grand cœur, seront plongées dans une aventure décoiffante. Pour réaliser leurs vœux les plus chers, elles devront traverser trois portillons, faire face à des obstacles, des échecs, des conflits de taille, et se transformer mutuellement à travers un projet d’écriture commun et une histoire d’amour qui les opposera.

Comme le concluent les Poètes Sans Fils, les guides invisibles de Marie, dans cette saga écologique des relations et de la création, ‘Tout est fait exprès pour l’amour!’

EXTRAIT

Le ciel au fond des poubelles
1. Un courriel de l’au-delà pour une humaine qui vole bas

Pour la centième fois je me demandais : pourquoi cet autre refus, qu’est-ce qui ne marche pas? Un goût amer dans la bouche, je traînais au lit depuis une heure en étirant mes idées noires dans la pénombre bleutée par mes rideaux turquoise. Soudain, j’ai entendu le bip qui annonçait l’arrivée d’un courriel. Ouf! Juste à point pour me sauver de ces mantes religieuses qui me grignotaient le bonheur.

Je suis sortie du lit de peine et de misère, j’ai enfilé mes babouches en minou rose pendant que mon dos raqué criait au secours et je me suis précipitée dans ma cuisine ensoleillée pour me faire un café. Au passage, la pile de vaisselle sale qui s’accumulait pêle-mêle dans l’évier depuis trois jours, m’a fait les gros yeux. J’ai ensuite attrapé mon portable qui traînait sur le tapis blanc fatigué du salon à côté d’une bouteille de syrah vide, et j’ai mis le cap sur ma grande véranda bordant l’avant et le côté jardin de ma maison. L’air doux de fin avril, chargé des parfums de la terre qui revit, m’a tout de suite fait du bien.

À peine assise dehors dans ma grosse chaise berçante, j’ai ouvert mon courriel sans prendre le temps de me régaler du chant des oiseaux matinaux.

Chère Solange,
J’veux pas vous faire tomber en bas de votre chaise alors pouvez-vous déposer vos foufounes (quel mot québécois succulent!) quelque part de douillet s.v.p.? C’est fait? Alors m’offrirez-vous la joie de répondre à mes points d’interrogation pour pas qu’on s’emberlificote sur votre vraie personne à la ligne de départ? Quelle robe chérissait votre maman? Le fou de votre village, votre mémoire a toujours son nom en réserve? Quel affreux pépin était arrivé en coup de vent à la famille de votre épicier en 1959?
Un merci infini de vos réponses, j’ai un vœu spécial à vous exprimer, laissez-le pas tomber dans votre sourde oreille je vous prie.
Marie de Nazareth, une revenante jamais partie.

Une Marie de Nazareth qui parle de foufounes et qui a une demande à me faire?! D’où sortait-elle celle-là? Qui cherchait à me jouer un tour dans ce drôle de langage? Bernadette ma meilleure amie d’enfance tentant de me surprendre après des années de silence, mon frère Paulo qui prenait toujours plaisir à se moquer de ma ferveur religieuse d’enfant? Mais non, personne dans mes connaissances n’avait du temps à perdre à ce point et je ne me voyais pas leur écrire pour le savoir. J’ai ensuite pensé à un canular. C’est connu, les réseaux du Web sont infestés de malades et de farceurs. J’ai aussitôt jeté ce pourriel à la poubelle. Je me suis levée pour m’étirer comme un chat et j’ai respiré à pleins poumons les yeux plantés dans le ciel d’un bleu vif qui annonçait une belle journée. Puis j’ai pris mon courage à deux mains et suis entrée faire la vaisselle en écoutant en boucle ‘Sors-moi de moi’ de Daniel Bélanger. J’en avais grand besoin!

Une fois la vaisselle expédiée, je suis allée arracher les mauvaises herbes de mon jardin. Quand mes mains sont occupées à pétrir la chair pulpeuse de la terre noire, mes préoccupations font de l’air. Ça m’apaise. Cette fois, peine perdue. Le dernier refus de mon manuscrit pour enfants, Les Zacajous, et le courriel de cette Marie revenue de nulle part me trottaient sans arrêt dans la tête. Je ruminais, me haïssais, me sermonnais, pestais, sacrais contre la terre entière… et les éditeurs. Je me perdais en conjectures et, comme si ça pouvait me rendre la vie plus douce, je finissais par me tomber sur la tomate de ne pas jouir du moment présent.

Écœurée, j’ai tout lâché. Je suis revenue sur la véranda et j’ai repris le ‘Dolce agonia’ de Nancy Houston que j’avais laissé par terre, à côté de ma chaise berçante. Comme si j’avais un déficit d’attention, je relisais plusieurs fois les mêmes passages sans m’en souvenir. Quand j’ai regardé l’heure, il était midi. Je n’avais pas le cœur à cuisiner. Ne me restait plus qu’à aller fouiner dans le frigo qui, après dix ans de loyaux services, bourdonnait presque autant qu’une ruche. J’ai attrapé les pâtes au pesto de la veille agglutinées dans l’assiette comme des naufragés sur un radeau et les ai englouties sans les réchauffer. Après, j’ai voulu aller faire une sieste pour me réfugier dans les bras de Morphée… qui m’ont rejetée eux aussi.

C’était plus fort que moi, je n’arrivais pas à oublier ce fichu courriel. Qui m’avait envoyé un tel mot dans cette langue fleurie? Certainement pas la Vierge Marie! Mais qui que ce soit, la phrase « j’ai un vœu spécial à vous exprimer » n’arrêtait pas de clignoter dans mon esprit comme un néon défectueux. Au bout d’une demi-heure, mon corps épousant le tourbillon de mes pensées, je n’avais réussi qu’à m’entortiller comme un saucisson dans mes draps. Je me suis relevée pour pianoter sur mon clavier. J’allais renvoyer la balle à cette extraterrestre et la démasquer : chère Marie pleine de grâces, pour m’assurer que vous êtes bénie entre toutes les femmes, pouvez-vous me dire le nom de l’école que je fréquentais en 1959, de quelles couleurs étaient nos chaises de cuisine, pour quel garçon mon petit cœur avait commencé à battre, et dites-moi donc Jésus est-il parti marcher sur la lune ou faire une croisière dans les étoiles?

photo-denise-noel-2016Pour lire la suite vous pouvez aller à :
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Denise Noël
Intervenante en création et en relations humaines

Ex-Directrice du Centre de Focusing de Montréal
Montréal, Canada

Membre de Psycho-Ressources
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