Définition et genèse des troubles narcissiques

Romaine FINZI

COMPRENDRE ET SOIGNER
LES BLESSURES NARCISSIQUES

I – Le narcissisme, quelques définitions

En 1914, dans son travail intitulé « Pour introduire le Narcissisme », Freud a explicité la notion de narcissisme primaire. On ne peut la comprendre qu’en se référant à l’hypothèse de l’union totale du nouveau né avec sa mère. Celle-ci l’empêche de sentir ses besoins, qu’il serait totalement impuissant à satisfaire. Il y a indifférenciation entre le Moi et le non Moi qui amène l’enfant à investir toutes ses énergies sur lui même. C’est dans ces conditions qu’il va pouvoir développer son narcissisme primaire. Il me semble possible de rapprocher cette situation de la naissance du Self, telle que Winnicott l’a décrite : une sorte de conscience de la continuité de l’expérience vécue sur le plan somatique et psychique.

Si le concept de narcissisme primaire est compris comme « un état précoce où l’enfant investit toute sa libido sur lui-même »,1 le narcissisme secondaire serait l’intériorisation de la relation avec la mère. Il représenterait l’amour de la mère introjecté par l’enfant, qui, une fois séparé d’elle, s’aimera tel qu’elle l’a aimé, c’est à dire qu’il ne pourra s’aimer que comme il aura été aimé. La libido est retirée à l’objet pour être retournée sur le Moi.

Le narcissisme est souvent appréhendé dans une conception péjorative d’égocentrisme, d’amour de soi, d’investissement de soi au détriment de l’investissement d’objet qui, lui, apparaît comme idéal. Il est d’ailleurs le plus souvent considéré dans une approche psychopathologique. Les manifestations de la personnalité narcissique dans le DSM 4 sont, à mon sens, très connotées moralement et je les trouve dérangeantes car elles ignorent la souffrance sous jacente des troubles narcissiques :

• Sens grandiose de sa propre importance ou de son caractère exceptionnel…
• Préoccupation pour des fantaisies de succès, de pouvoir, de beauté, d’amour idéal
• Pense être « spécial » et unique
• Besoin excessif d’être admiré
• Pense que tout lui est dû, s’attend sans raison à bénéficier d’un traitement particulièrement favorable et à ce que ses désirs soient satisfaits
• Exploite l’autre dans les relations interpersonnelles, l’utilise pour parvenir à ses fins
• Manque d’empathie, n’est pas disposé à reconnaître ou à partager les sentiments et les besoins d’autrui
• Envie souvent les autres et croit que les autres l’envient
• Fait preuve d’attitudes et de comportements arrogants et hautains.

DSM 4 décrit surtout le narcissique de type grandiose mais laisse de côté des présentations plus nuancées de ce trouble, des personnalités aux prises avec des sentiments d’infériorité, d’hypersensibilité, souffrant d’une vulnérabilité narcissique diffuse, qui ont été blessées précocement dans leur estime de soi et que l’on retrouve si souvent dans nos cabinets de psychothérapie.

II – Genèse des troubles narcissiques

La personnalité de l’enfant se développe dans la relation à l’autre, en particulier à la mère. C’est au coeur de cette relation, dans sa dynamique propre, que certains auteurs ont rencontré des éléments de compréhension de cette problématique : « Parce qu’il a perdu le paradis intra-utérin selon B. Grumberger, qu’il n’a pu vivre ses propres sentiments et rencontrer son vrai soi selon A. Miller. Pour M. Mahler, il a été empêché dans le processus de séparation individuation par pénalisation de la séparation et récompense de la régression. Bergeret parle de faiblesse du Moi et d’immaturité, le sentiment de vide est difficile à combler, la relation d’objet est de type anaclitique, l’autre fonctionne comme un auxiliaire du Moi et aide à tenir à distance la position dépressive. Neuman comprend le développement des troubles narcissiques comme une formation réactionnelle à l’abandon de l’enfant par sa mère, que l’abandon soit réel ou que l’enfant soit émotionnellement abandonné par une mère qui ne supporte pas que celui-ci se sépare d’elle et s’épanouisse sans elle » (D. Lismonde, 1991).

Kohut parle de « la mère sourde » prise elle même dans sa dépression et incapable de se réjouir de son enfant. Dans tous les cas, le parent détient la maîtrise de la relation et en construit le cadre. On est dans une relation dominant/dominé, un climat relationnel où il n’y a pas de place pour deux êtres différenciés.

L’enfant a une étonnante aptitude à sentir les besoins de sa mère et à y répondre. Pour ne pas risquer de perdre son amour, il va refouler ses émotions et ses sentiments. Ses besoins à lui ne pourront pas être intégrés. L’adaptation aux besoins parentaux conduit au développement de ce que Winnicott appelle le faux self. L’enfant est sommé d’être conforme, et de se conduire de manière à ne montrer que ce qu’on attend de lui. Son vrai self ne peut pas se développer ni se différencier, d’où un sentiment de vide. Il ne peut construire son sentiment de sécurité intérieure, ni se fier à ses propres ressentis, ne connaît pas ses vrais besoins, et finit par être comme étranger à lui même. Toute sa vie, il va rester tributaire de la confirmation des autres.

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Romaine FINZI, Psychothérapeute, Paris.
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