L'AMANT
DU SILENCE
Raoul Garnier
BIOGRAPHIE, AUTOBIOGRAPHIE, TÉMOIGNAGE, RÉCIT PSYCHOLOGIE, SOCIOLOGIE, TRAVAIL SOCIAL,
EUROPE
C'est l'histoire d'une passion houleuse et dramatique écrite par deux
amants, cinquante-ans après leur rencontre.
Celle
de Jean-Raoul et d'Isis, de dix ans son aîné, marié mais qui lui
restera fidèle jusqu'à sa mort dans leur liaison.
ISBN : 978-2-336-00204-0 • septembre 2012 • 224 pages
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Présentation par
"A", Docteur en psychologie
Libres associations
En guise de postface à L’Amant du silence
L’Amant du silence n’est pas une autobiographie mais une « auto-fiction », selon le terme si justement choisi par son préfacier, F. Tézenas Dumontcel. C’est ce qui autorise l’exercice de psychanalyse de la littérature que l’on pourra lire dans les lignes qui suivent et dont il importe de resituer les limites : il ne s’applique pas à la personne réelle de Raoul Garnier dont l’intimité restera ainsi préservée, mais bien au récit imaginaire qu’il a créé.
Le premier éclairage à apporter concerne le nom d’Isis. L’auteur confirme qu’il l’a choisi pour le narrateur de l’histoire en fonction de sa sonorité évoquant un passé intime partagé avec lui, sans volonté de référence à la déesse d’Égypte. Quelques correspondances remarquables pourraient toutefois venir enrichir notre compréhension de ce texte complexe à la fois dans sa structure et dans la matière humaine qu’il explore. Certes, Isis est une déesse et le personnage d’Isis est clairement masculin, malgré sa bisexualité. Cependant, il est possible de comparer l’action de la déesse, qui par son amour redonne vie à son époux et frère Osiris, à celle du notable normand qui mobilise « Éros au secours de Thanatos » dans sa rencontre avec un Jean-Raoul vieillissant et désespéré, puis qui le fait vivre par-delà la mort en publiant ses écrits posthumes, le ressuscitant pour ainsi dire. Comment encore ne pas faire le parallèle entre la déesse qui se lance dans une recherche vouée à l’échec du phallus perdu de son mari, et l’Isis de cette auto-fiction, qui tente en vain de ranimer le désir de son amant ? Enfin, Isis et Osiris sont sœur et frère, donc à la fois semblables et différents, ce qui nous conduits maintenant à aborder le second thème, celui du même et de l’autre dans L’Amant du silence.
Deux pôles d’attraction contradictoires sont présents dans ce livre : la fascination pour le semblable et l’appel de l’altérité. Considérons d’abord l’attrait pour le même en prêtant attention au titre : il pourrait désigner aussi bien Jean-Raoul qui laisse Isis sans nouvelles pendant de longues années, qu’Isis lui-même, l’amant fidèle en silence, comme si chacun était le miroir de son aimé. La phrase par laquelle Jean-Raoul s’annonce lorsqu’il reprend contact au téléphone avec son premier amant : « Isis, c’est moi », pourrait d’ailleurs également s’entendre au sens de : « Isis est à mon image. » De même encore, Jean-Raoul s’exclame : « Je suis vous ! » lorsque, jeune stagiaire en milieu hospitalier, il endosse la blouse au nom de son formateur Isis. Comment ne pas reconnaître également cette parenté fondamentale entre les deux hommes, quand les mots de l’un semblent exprimer le ressenti de l’autre : ainsi d’Isis, dont la plainte sur « la solitude affective, si difficile à supporter » fait tant écho à celle que Jean-Raoul pourrait aussi exprimer ? Et pourtant, le goût de l’autre apparaît en contrepoint constant, tout au long du livre, spécialement chez Jean-Raoul au travers de la fascination pour le Sahara, le Niger ou pour ce troisième personnage important, Djil le Nord-africain.
Enfin, je proposerai une dernière interprétation selon laquelle, si Le Choix du fils est le livre qui s’adresse à la mère, L’Amant du silence est celui qui s’adresse au père. Grand Absent de cette histoire, il ne cesse pourtant d’y transparaître sous diverses formes, à commencer par celle de Jean-Luc, l’amant qui lui-même se caractérise par son absence, moitié idéale et lumineuse de Jean-Raoul. Il y a aussi Hans, le père de substitution entrevu dans la prime enfance et aussitôt disparu : avec sa promesse de retour faite à l’enfant et jamais tenue, ne met-il pas en place dans sa version passive le schème inversé de l’attente que Jean-Raoul devenu adulte imposera activement à Isis ? Isis est d’ailleurs lui-même une figure de père en ce qu’il se situe pour Jean-Raoul à une place d’exception et d’être unique, c’est pourquoi il incarne sans doute le mieux le Nom d’hier qui a surpassé tous les autres. Ne pourrait-on dire, enfin, que cette attente du père absent trouve son dépassement dans le désir de paternité, si souvent exprimé par Jean-Raoul, et sa sublimation dans l’écriture qui finit par tenir une place centrale dans sa vie ?
Mais les trois aspects que j’ai souhaité ici mettre en valeur ne sauraient épuiser les multiples facettes de cette aventure humaine hors normes, et qui ne laissera sûrement aucun lecteur indifférent. Que ces quelques pistes de lecture leur soit une invitation au voyage intérieur !
"A"
Psychologue clinicienne
Docteur en psychologie Autre
ouvrage du même auteur :
Le
choix du fils
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