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BELLE-MÈRE OU MARÂTRE

Quel rôle pour la femme du père

(présentation de livre)
Par Michel Moral 
Psychologue, Psychothérapeute, Paris, France
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SOMMAIRE

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Inutile de revenir aux mythes de Médée, Cendrillon ou Blanche Neige : la famille recomposée est un phénomène des plus actuel, que favorisent la montée du divorce. Quel rôle prend alors la « marâtre » et quelle est sa situation ? Comment peut-elle se sentir heureuse dans sa nouvelle famille ? Comment évoluent ses relations avec son ancienne famille, avec ses beaux-enfants, avec le nouvel homme qu'elle a choisi ? Comment concevoir le partage du rôle maternel avec l'ancienne mère ?

La coparentalité se révèle bien souvent complexe et délicate à gérer... et la belle aventure « d'épouser » un homme qui a déjà des enfants peut vite se transformer en cauchemar. Fort du témoignage de 65 marâtres, ce livre donne des pistes pour éviter les situations conflictuelles ou douloureuses et trouver l'équilibre au sein des familles recomposées.
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Michel Moral
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UN PASSAGE DU LIVRE 

Tâches ménagères ou fonctions maternelles

Nous avons vu que nombre de belles-mères se vivent comme une « bonne », une « bonniche » ou une « baby sitter ». Elles évoquent bien d’autres dénominations peu gratifiantes, signifiant qu’elles se sentent utilisées à des tâches qu’elles ne devraient normalement pas assumer. 

D’autres au contraire ont vraiment envie de tenir un rôle plus actif dans la famille et se sentent ou se veulent essentiellement copine ou éducatrice. Enfin, un certain nombre a l’ambition d’être mère, d’assumer ce rôle de mère.

Cette ambition se heurte à différents obstacles. Le premier est le regard négatif de la société qui réprouve la prétention de l’une à usurper la position légitime de l’autre. Le second est que la relation mère-enfant est une relation à deux et qu’il ne suffit pas d’aimer et materner les petits comme une mère pour que le lien s’établisse automatiquement. Bien sûr, avec les tout-petits, les choses sont plus simples car ils sont en demande et les deux désirs se rencontrent. Il est courant que la belle-mère soit appelée « maman » par les enfants de quatre ans ou moins. Avec des adolescents, l’affaire est moins claire car à cet âge où le problème est de s’autonomiser, montrer de l’attachement est parfois difficile et la réponse à l’attitude maternante de la belle-mère risque d’être une forme d’agressivité blessante. 

Une autre difficulté réside dans l’emploi de mots chargés de sens sans toujours nous rendre compte que l’usage que nous en faisons est inadapté. Ainsi par exemple, si l’enfant est petit il faut bien sûr le nourrir, le laver et le distraire. Cela confère-t-il l’estampille de « mère » ? Non, car des employées de maison faisaient cela voici quelques décennies et jamais personne n’a pensé qu’elles étaient des « mères de substitution ». Il faudrait donc au préalable s’entendre sur ce qu’est exactement une mère et ce que recouvre cette ambition de certaines belles-mères. 

Une différence entre l’employée et la mère ou la belle-mère est que la première a une mission que nous pourrions qualifier de cadrée : elle travaille de telle heure à telle heure, reçoit un salaire, les limites de ses interventions sont normalement consignées dans un contrat, ce qui délimite ses responsabilités et la protège. La mère, aussi bien que la belle-mère n’a pas davantage de mission et de responsabilités bien précisées, tout est implicite et non-dit. Mais, alors que la mère bénéficie de l’approbation tacite de la société et d’une reconnaissance gratifiante de la part de l’entourage, la belle-mère est corvéable à merci. Or, rares sont ceux ou celles qui reconnaissent qu’il s’agit là d’une fonction mobilisant du temps, de l’attention, et qui place parfois la personne dans une position ambiguë. 

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Olivia est une belle-mère dynamique. Son métier l’amène à faire de nombreux voyages. Elle n’a jamais manqué un avion de sa vie, et pourtant elle en prend souvent. Un jour, elle prévoit de partir vers 8 heures pour prendre un vol pour Malte. Le père a une grippe qui le plonge au fond du lit et se pose le problème de l’école pour les deux petites belles-filles. Olivia considère qu’elle avait pris une large marge de sécurité et commande un taxi à 8 h 30 devant l’école. Les choses ne se passent pas comme prévu : le taxi a un accident et ne peut la prendre. Comme c’est l’heure de pointe, la compagnie ne peut en fournir un immédiatement. Elle décide de prendre le métro mais celui-ci est bloqué quelques minutes en raison du malaise d’un voyageur. Olivia manque son avion de quelques minutes, ce qui la contrarie beaucoup car les vols pour Malte sont rares et elle perd beaucoup à ne pas être présente à une importante réunion d’affaires. «J’aurais dû lui dire (au père) de trouver une baby-sitter pour s’occuper des gamines. Mais j’ai bêtement pris le parti de penser que, si j’étais leur mère, j’aurais pris ce risque pour être avec elles. On ne m’y reprendra plus.»

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La marâtre est-elle chez elle ?

Une question importante dans la nouvelle famille est celle de la représentation symbolique du lieu de vie. Celui-ci est parfois sa propriété, ou bien c’est un lieu nouveau décidé en commun, ou bien il s’agit d’un logement provenant de l’ancienne vie du père. Dans les deux premiers cas, les difficultés symboliques ne peuvent provenir que de la répartition des charges financières. Par contre, dans le troisième s’ouvre un monde de frustrations pour la belle-mère : est-elle ou non chez elle dans un logement qui a été habité par la mère ? Quelquefois, ce lieu est la propriété commune du père et de la mère, ou, pire, c’est une maison de famille provenant de la lignée maternelle et que celle-ci loue au nouveau couple. 

Le fait pour la belle-mère d’être « chez elle », ce qui est une position attribuée par le père ou qu’elle doit conquérir, lui permet d’instituer ses règles ou au moins celles qui lui permettent de ne pas être rabaissée au rang d’employée de maison. L’observation de familles avec belle-mère montre que la configuration la plus difficile est celle où les beaux-enfants ont entre sept et dix ans. 

Michel Moral, Psychologue, Paris, France
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