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5. Le coaching de dirigeant et le feu du pouvoir À l’inverse du manager intermédiaire, le dirigeant a toute latitude pour décider. Ce peut être le leader d’une petite équipe de stratèges au sein d’une immense multinationale, le président-directeur général d’une PME de 35 personnes dans le Vercors, ou le directeur d’une unité opérationnelle de 3 000 personnes dans une grande entreprise ; c’est, dans tous les cas, une personne qui a tout pouvoir pour définir ses objectifs, ses moyens et sa stratégie. Exemple: Le pouvoir permet de contrôler l’environnement et plus particulièrement l’autre à travers cet environnement, notamment au travers de lois et de règlements. De façon ultime, le pouvoir permet de s’emparer des représentations d’autrui et même parfois de ses pensées. En outre, les liens entre pouvoir et savoir sont très étroits, puisque les comportements des subordonnés sont profondément modifiés lorsqu’ils sont observés par le détenteur du pouvoir. « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument », dit l’adage (Lord Acton)… Indubitablement, le pouvoir change la personne. Les recherches montrent que les modifications sont de nature aussi bien physiologiques (production de neuromédiateurs ayant un effet tonique et un effet euphorisant, lesquels créent une accoutumance) que cognitives (construction d’une pseudoréalité conforme au désir : image de soi déformée, attributions causales égocentriques, sentiment de perte de contact avec le réel). Des distorsions affectives peuvent en outre apparaître lorsque la réalité entre en conflit avec les valeurs de la personne. Tout comme celui qui est au volant dans une voiture, le dirigeant est rarement malade : il semble au contraire inépuisable. Par ailleurs, il se sent bien, laisser tomber sa décision comme une pierre lui procure à chaque fois un profond sentiment de bien-être. Alors qu’il n’attirait pas l’attention avant d’être dirigeant, il remarque que ses propos provoquent maintenant des commentaires positifs. Il est donc devenu intéressant, du moins le croit-il. Ses décisions changent la vie de beaucoup d’autres personnes, qui parfois en souffrent : il en ressent une vague culpabilité, qu’il chasse en considérant que le malheur de ces quelques-uns est nécessaire pour la survie du groupe qu’il dirige. Il y a bien quelque chose qui ne va pas, mais, de toute façon, il est loin de tout cela. Et puis, les conseillers du cabinet et le comité de direction disent tous que tout va bien et qu’il est aimé de ses employés, alors pourquoi chercher plus loin ? Les rapports de la personne au pouvoir qu’elle exerce ou qu’elle subit sont ancrés dans la petite enfance, au cours de laquelle se forme un système de croyance (concept issu de la programmation neuro-linguistique, ou PNL), un paysage affectif (psychanalyse), des stratégies comportementales – révolte, soumission, coopération –, des schémas (cognitivisme) qui perdureront. Dans le cas du dirigeant, les schèmes de domination seront renforcés par les comportements de soumission parfois exagérés des subordonnés. Exemple: Outre une vie imprégnée de pouvoir jusqu’à saturation, le dirigeant possède toujours un sens aigu de l’humain. En se hissant au sommet, il dû faire le deuil de la compétence technique et celui de sa familiarité avec un domaine d’activité au profit d’une nouvelle aptitude, celle de diriger, qui comporte une très forte orientation vers la relation humaine. Choisir les bonnes personnes, puis trouver avec elles le bon mode de travail, tel est l’essentiel de son métier. Il doit en outre faire le deuil de l’action immédiate au profit d’une attitude plus réfléchie et orientée vers une vision à long terme prenant en compte la complexité de son propre appareil productif face à celle de l’environnement. De plus, le dirigeant bénéficie d’un pouvoir que le coach, dans sa position de coach, ne dispose pas, ou ne dispose plus. Cette situation soulève des problèmes d’ordre éthique, déontologique et méthodologique. Les supervisions montrent que le pouvoir du dirigeant peut provoquer de l’envie ou une admiration excessive chez le coach ; ces réactions contretransférentielles très caractéristiques sont toutefois moins marquées chez les coachs qui ont eux-mêmes été dirigeants. En contact avec le dirigeant, le coach doit se demander si le pouvoir que détient le coaché doit changer son approche, quels effets ce pouvoir a sur lui-même et sur le coaché, enfin quel pouvoir lui-même a sur le coaché. Si la question de l’expérience du pouvoir par le coach de dirigeant est importante, c’est que ce pouvoir est l’essence même de la fonction de dirigeant, et, faute de cette expérience, le coach court le risque d’être incapable d’entrer dans le monde du coaché. Mais fort de cette expérience, le coach doit être clair avec ce que représente pour lui cette « drogue » : en est-il libéré, ou vit-il dans le regret ? Enfin, il faut prendre en compte le fait que le dirigeant ne représente pas seulement lui-même, mais pour partie l’entité qu’il dirige. Tous ses subordonnés servent aussi cette entité dont il doit endosser les objectifs, la culture et les défauts. 6. Coaching et international La définition du coaching à travers le monde n’est pas uniforme, et dépend pour une grande part de la culture. En France, on parle volontiers d’« accompagnement du changement » et le manager intermédiaire est le client le plus typique, en particulier lors d’une prise de poste, d’une restructuration ou de l’engagement dans une situation difficile. Le surinvestissement du pouvoir, consistant à accorder au supérieur hiérarchique plus de droits que de devoirs, très marqué dans la culture française (Moral, 2004), influence considérablement le profil de la demande. Dans l’environnement international, les enjeux ne sont pas la souffrance ni les querelles de pouvoir, mais plutôt l’accélération de la nécessité de s’adapter rapidement ; il s’agit donc d’« apprendre à apprendre à changer ». Pour les entreprises, le principal problème est donc de sans cesse adapter la culture interne aux contraintes rencontrées. Ces transformations sont difficiles, car elles touchent l’ensemble des ressources humaines ; si la formation de masse permet de transmettre une partie du message, l’essentiel ne peut passer que par le coaching à un niveau aussi bien individuel que collectif. Exemple: Dans cet exemple, il existe entre les deux organisations une volonté de « faire ensemble » ; toutefois, tant du point de vue global qu’individuel, des résistances interdisent la nécessaire libération de la capacité à agir de façon complètement différente. C’est au niveau des équipes, pas seulement le comité de direction mais toutes celles de la société X, que se situe le verrou qu’il faut faire sauter en produisant de nouveaux repères pour l’action. Dans ce cas, le travail de coaching, plutôt orienté vers les équipes au démarrage, peut déboucher sur des actions individuelles. |
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Par
Michel Moral, Psychologue, Paris, France |
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