Rien ne va plus, faites vos choix !
Ça fait des années, mais je m’en souviens comme si c’était hier!
J’ai rendez-vous avec un homme pour la première fois. Je suis lavée, crémée, parfumée. Je me sens comme poupon sexé doublé d’une puce sauteuse!
Pour avoir l’air dégagée, (comme s’il pouvait déjà me voir de son auto!), je fais semblant de lire La Souveraineté du Vide de Bobin, en écoutant Miles Davis dans mon salon. Cool la fille !
25 minutes après l’heure du rendez-vous, il n’a toujours pas appuyé ses doigts virils sur ma sonnette. Je me sens de moins en moins appétissante et me trouve ridicule avec mon désir.
Les secondes s’allongent, j’ajoute des briques à mon mur de Berlin et mes élans perdent leur pétillant comme un animal blessé perd son sang.
35 minutes de retard ! Un nœud dans la poitrine, je me sens à l’article de la mort à petit feu.
Je suis devenu un objet non réclamé aux objets perdus, une ado pleine de boutons qui fait tapisserie sur la piste de danse (le pire, c’est que je n’ai jamais fait d’acné).
Je dois faire un choix si je ne veux pas passer la soirée dans les tranchées boueuses de la rancœur ou derrière les barreaux de mes « ne pas » :
Noooon, je ne vais pas sentir ma déception et ma frustration, encore moins les montrer, il ne le mérite pas ! De toute façon, ça ne devrait pas m’atteindre comme ça, je ne veux pas avoir besoin tant que ça!
Je suis tiraillée. Une part de moi me vante les mérites de la fermeture à double tour (tu ne vas pas donner à ce malotru le plaisir de voir l’effet qu’il a sur toi quand même!).
L’autre, m’invite à m’ouvrir avec coeur à ce que je ressens pour me réchauffer l’intérieur (si tu veux que l’amour entre dans ta vie, tu es aussi bien de le laisser entrer chez toi maintenant !).
Je me demande alors : Denise, veux-tu te faire du bien ou le faire sentir mal? Veux-tu retrouver ta liberté d’aimer et de créer ou t’étouffer pour ne rien lui donner de toi? Veux-tu te servir de lui pour te rejeter ou pour te rapprocher de toi et de ce qui te tient à cœur ?
Pas si évident que ça! Si je laisse transpirer ce que je vis, je sors de ma zone de confort, j’affiche mon besoin de l’autre et j’arrive nez à nez avec ma honte d’être trop vulnérable, ma peur d’être jugée, ridiculisée, rejetée.
Mais, comme L’art de la dissimulation pour les nuls n’a pas encore été écrit et que je n’ai pas envie de passer une soirée à m’ennuyer de moi-même parce que j’essaie d’être « emotionnaly correct », je décide d’ouvrir la porte à ce que je vis pour lui dire Bienvenue.
10 minutes plus tard, je l’entends sonner vigoureusement !
Sur le pas de la porte, il me lance un « ça va ? » faussement dégagé. Une douce tristesse dans le regard et le sourire, je lui réponds que je trouve dommage qu’il soit en retard, que ça réveille des vieilles blessures chez moi.
Mon aveu dénué de reproches le rejoint. Il admet que c’est une habitude regrettable et incorrigible chez lui et s’en excuse.
Finalement, j’ai passé une belle soirée, proche de mon
coeur, à échanger réellement avec celui qui, je le savais, ne deviendrait pas mon amoureux.
Si je ne peux pas compter sur lui pour être à l’heure, je peux compter sur moi pour respecter mes limites : je me connais, je n’arriverai pas à m’abandonner à un homme qui régulièrement ne fait pas ce qu’il dit.
Il ne mérite pas que je me prive des délices de l’amour et de ma liberté d’être quand même !
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