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La thérapie par le réel de William Glasser

Par Alain Rioux, Ph.D., Psychologie  |   Voir ma page Psycho-Ressources 
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William Glasser

Je suis heureux de vous présenter ce résumé de l'ouvrage de William Glasser: La thérapie par le réel. Cette ouvrage peut paraître choquant ou déroutant car il bouscule notre conception de la psychiatrie et de la maladie mentale. Toutefois, même s'il se situe aux limites de l'antipsychiatrie, Glasser nous questionne par sa logique et son bon sens. Il nous amène, finalement, à réfléchir sur notre conception de la psychiatrie et à nuancer nos croyances sur le système hospitalier et les théories psychanalytiques. Dans ce texte, je vous propose un survol des différents concepts exposés par Glasser qui remet en question l'existence même de la maladie mentale. C'est à lire avec ouverture... un moment de réflexion sur la maladie mentale.

William Glasser


"On est le produit de son passé mais on n'en est pas l'esclave".  W. Glasser


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Un témoignage sur la thérapie proposée par Glasser

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Introduction

  
Nous savons tous que d'une personne à l'autre les façons d'interpréter la réalité peuvent varier. En psychiatrie le comportement d'un patient peut être expliqué de plusieurs façons qui dépendent de l'habileté du clinicien à concevoir des interprétations mais aussi de la grille de référence qu'il utilise pour formuler ses hypothèses. Les phénomènes mentaux étant, de par leur nature, complexes et ne répondant actuellement à aucune loi mais plutôt à des théories explicatives, il est primordial pour le clinicien de pouvoir observer le comportement du patient en se référant à plusieurs grilles d'analyse. Les théories psychanalytiques développées par Freud furent parmi les premières explications plausibles et originales des phénomènes de la pensée. Les modèles behavioraux nous fournirent aussi d'autres façons d'expliquer les comportements en utilisant les concepts de "stimulus" et de "réponse". Plus récemment dans les années 60 l'avènement des neuroleptiques et une étude plus approfondie du cerveau nous permirent de comprendre que toute une série de réactions biochimiques d'une étonnante complexité se produisaient. Quelques théories furent établies, la plus connue concerne l'influence d'un neurotransmetteur appelé la dopamine.   

Notre besoin comme thérapeute de pouvoir expliquer ce qui se produit devant nous, nous amène à adopter une grille d'analyse plus qu'une autre et à se spécialiser dans ce domaine particulier. Chaque être humain cherche à comprendre les faits et le monde qui l'entoure. Il adopte alors un certain point de vue et tend à le généraliser à l'ensemble de sa réalité. 

Dans ce texte nous vous proposons une explication des problèmes psychiatriques à partir d'un point de vue totalement différent mais qui nous apparaît extrêmement instructif de par son originalité et sa façon de prendre position par rapport à certains postulats de la psychiatrie et de la psychothérapie conventionnelle. Ce point de vue différent, c'est celui de la "Thérapie par le réel" développé par le Dr William Glasser dans les années 60. 


Qui est William Glasser ? 

Le Dr William Glasser est un psychiatre américain. Il a exercé à Los Angeles dans plusieurs programmes de réadaptation de jeunes délinquants et toxicomanes. Il a aussi travaillé avec le Dr G.L. Harrington dans le traitement des patients psychotiques hospitalisés. Ils développèrent ensemble la "Reality Therapy" ou thérapie par le réel. L'essentiel de leur approche est d'ailleurs exposé dans le livre du Dr Glasser (1971) intitulé: "La thérapie par le réel" et publié aux éditions "EPI". 

A la fin de son internat en psychiatrie le Dr Glasser interrompit sa formation à la psychanalyse pour bâtir cette approche qu'il voulait davantage collée au réel. Il s'inquiétait du fait que la durée moyenne des cures analytiques tendait à s'allonger démesurément et que certains patients étaient très difficiles à analyser de la façon classique. Il reprochait d'ailleurs à certains thérapeutes freudiens et disciples de Lacan d'abandonner toute ambition thérapeutique pour leurs patients au profit d'une expérience philosophico-mystique de l'inconscient. Ainsi, il en vient à construire une approche réactionnelle à la théorie freudienne qui se situe aussi à la frontière de l'antipsychiatrie en basant la philosophie de son programme sur l'axiome: "La maladie mentale n'existe pas". 


Les bases de la théorie

Le point de départ de la "thérapie par le réel" réside dans la question suivante: Qu'est-ce qui ne va pas chez ceux qui ont besoin d'un traitement psychiatrique ? Selon le Dr Glasser, la personne qui a besoin d'un traitement psychiatrique souffre d'abord et avant tout d'inadaptation et cela quelle que soit la façon dont elle exprime son problème (psychose, troubles du comportement, dépression, etc.) Cette inadaptation de base signifie que le patient est incapable de satisfaire ses besoins essentiels. Plus l'individu sera incapable de satisfaire ses besoins à un degré élevé et plus la sévérité des symptômes sera grande. 

La deuxième question posée par le psychiatre américain concerne les personnes les plus adaptées. Comment les personnes vivant dans la société arrivent-elles à satisfaire leurs besoins ? Pour répondre à cette question le Dr Glasser suggère qu'à tout moment de notre vie nous devons être lié à au moins une personne qui peut elle-même satisfaire ses besoins de façon adéquate. Sans cette personne clé qui nous aide à supporter le quotidien de la vie et nous donne le courage de continuer notre route, nous commençons à satisfaire nos besoins de façon irréaliste. Ceci peut entraîner l'éclosion de symptômes anxieux et aller jusqu'au refus complet de la réalité. 


Les besoins essentiels  

Quels sont les besoins essentiels à l'être humain ? D'abord il y a les besoins d'ordre physiologiques et de repos. Ceux-ci ne varient pas selon les cultures, il sont inhérents à la race humaine. Ce ne sont généralement pas à ces besoins que s'intéresse la psychiatrie. L'essentiel de la "thérapie par le réel" c'est plutôt d'aider le patient psychiatrique à satisfaire deux besoins d'ordre psychologique: le besoin d'aimer et d'être aimé, et le besoin de sentir que nous sommes utiles à nous-mêmes et aux autres. 
Selon le Dr Glasser, de la naissance jusqu'au vieillissement et à la mort, le besoin d'aimer et d'être aimé est constant. Tout au long de notre vie notre santé et notre bonheur dépendra de notre capacité à satisfaire ce besoin. Il ne suffit pas d'aimer ou d'être aimé uniquement, les deux doivent se réaliser sinon nous vivons de l'inconfort, de l'angoisse, de la dépression, etc. 

De la même façon se sentir utile à soi-même et aux autres est un autre besoin essentiel. Certains diront qu'aimer permet quelquefois d'être utile mais l'amour ne signifie pas accepter tout de l'autre et la façon de satisfaire ces besoins psychologiques doit demeurer responsable et réaliste. La plupart des personnes ayant recours aux traitements psychiatriques n'ont pas réussi à satisfaire ces deux besoins psychologiques essentiels. De plus, elles n'avaient pas dans leur entourage une personne qui s'intéressait vraiment à elles et qui aurait pu les aider. 

A travers la "thérapie par le réel" le thérapeute sera cette personne qui s'intéressera vraiment au malade et l'accompagnera dans une prise de responsabilité progressive. Le thérapeute dans son intervention confrontera le patient à la réalité en mentionnant que nous devons tous satisfaire nos besoins en tenant compte de la réalité environnante et des vrais possibilités. Il discutera aussi la notion du bien et du mal pour permettre au patient de tenir compte des normes sociales et de la moralité dans l'apprentissage d'une façon plus adaptée de satisfaire ses besoins. 


Maladie mentale ou irresponsabilité 

Nous allons maintenant détailler de quelle façon la "thérapie par le réel" se distingue des postulats généralement admis en psychothérapie traditionnelle et en psychiatrie. La distinction la plus importante repose sans doute sur le fait que la psychiatrie conventionnelle croit fermement que la maladie mentale existe, que les gens qui en sont atteints peuvent être classés de façon significative et que l'on doit les traiter d'après les catégories diagnostiques. Cette équation est incompatible avec la pratique de la thérapie par le réel. Selon le Dr Glasser "les gens n'agissent pas de façon irresponsable parce qu'ils sont malades; ils sont malades parce qu'ils agissent de façon irresponsable".
  
Il est important que le patient ne puisse se lier avec le thérapeute en tant que malade mental qui ne porte pas la responsabilité de son comportement. Situer les causes des problèmes du patient dans la maladie contribue à le rendre victime de son état. Dans cette situation le patient se considère comme le récepteur d'une aide extérieure et peu de progrès est effectué. 

Dans la thérapie par le réel, il n'y a pas de différence dans le traitement des différents problèmes psychiatriques car ceux-ci ne sont que des façons différentes d'exprimer un comportement irresponsable. Il y a sous le titre de maladie mentale de nombreux diagnostics tels que: schizophrénie, névrose, dépression, troubles de la personnalité et troubles psychosomatiques, chacun décrivant une sorte de comportement irresponsable. Pour le Dr Glasser ces différents termes décrivent seulement ce que le patient a pu faire de mieux dans son effort pour satisfaire ses besoins. Ainsi le diagnostic n'est pas nécessaire au traitement car c'est l'irresponsabilité qui doit être traitée. 


La vie passée du malade

La psychiatrie traditionnelle soutient qu'une des parties essentielles du traitement consiste à pénétrer dans le passé du malade et à chercher les racines psychologiques de son problème parce qu'une fois que le malade comprend clairement ses racines, sa compréhension peut l'aider à modifier son attitude envers la vie. A partir de ce changement d'attitude, il peut développer des modèles de vie plus réalistes qui résoudront ses difficultés psychologiques. William Glasser considère que l'étude du passé peut être importante car elle fournit de l'information contribuant à développer des généralisations psychologiques. Mais cette information a peu de rapport avec la thérapie. L'histoire détaille simplement à l'infini les tentatives infructueuses du patient pour satisfaire ses besoins. Quel intérêt y-a-t-il à savoir que vous avez peur de vous affirmer parce que vous avez eu un père dominateur ? Le patient et le thérapeute peuvent tous deux connaître cette circonstance et en discuter pendant des années mais cette connaissance n'aidera pas le patient à s'affirmer dans le présent. 

Traditionnellement, le thérapeute a toujours beaucoup compté sur l'aptitude du patient à changer son attitude et finalement son comportement, en prenant connaissance de ses conflits inconscients et de son inadaptation. En thérapie par le réel, c'est le comportement qui importe, on ne compte pas sur la compréhension pour changer les attitudes car la plupart du temps elles ne changeront jamais. Le thérapeute par le réel utilisera son lien avec le patient pour lui apprendre de meilleurs modèles comportementaux. Son attitude changera qu'il comprenne ou non sa nouvelle façon d'être et sa nouvelle attitude favorisera un changement ultérieur du comportement. 


Le transfert 

En utilisant le concept appelé transfert, le thérapeute conventionnel revit avec le malade ses difficultés passées et lui explique ensuite comment il est en train de répéter le même comportement inadapté dans la relation thérapeutique. Grâce aux interprétations du thérapeute le client peut pénétrer son passé. Il pourra abandonner ses attitudes anciennes et apprendre à améliorer ses rapports avec les autres. Dans la thérapie par le réel le thérapeute entre en relation avec le patient en tant que personne et non en tant que figure de transfert. Selon le Dr Glasser, les patients relevant de la psychiatrie ne cherchent pas à répéter des liens manqués présents ou passés. Ils cherchent un lien humain authentique grâce auquel ils pourront satisfaire leurs besoins. Le thérapeute pour favoriser l'établissement de ce lien doit donc rejeter le concept non-thérapeutique de transfert, se lier avec le patient en tant que personne nouvelle et distincte et apprendre au patient, au moyen de ce nouveau lien, à satisfaire ses besoins dans le monde réel du présent. 


L'inconscient  

L'approche analytique a toujours suggéré que les conflits mentaux inconscients sont plus importants que les problèmes conscients. Les faire connaître au malade à l'aide de l'interprétation des rêves, du transfert et d'associations libres est nécessaire au succès de la thérapie. Toutefois l'établissement du lien thérapeutique de la thérapie du réel ne peut s'établir et viser la responsabilisation du patient si on le laisse se livrer en excusant son comportement sur la base de motivations inconscientes. Le Dr Glasser constate que comme tout le monde les patients psychiatriques ont sûrement des raisons inconscientes de se conduire comme ils le font. Mais faire de la thérapie ne signifie pas faire la recherche des causes du comportement humain. Même si un client connaît la raison inconsciente de chaque geste qu'il pose, il ne change pas nécessairement son comportement parce que le fait de connaître les causes ne le conduit pas à la satisfaction de ses besoins. En somme, mettre l'accent sur l'inconscient éloigne le patient de son irresponsabilité et lui donne une autre bonne excuse pour éviter de faire face à la réalité. 

 
Un comportement moral     

En considérant l'existence de la maladie mentale, le thérapeute traditionnel évite scrupuleusement le problème de la moralité à savoir: le comportement du malade est-il bon ou mauvais ? Le comportement déviant est considéré comme un sous-produit de la maladie et le malade ne peut ainsi en être tenu pour moralement responsable parce qu'il est considéré comme ne pouvant rien y changer. Cependant pour le thérapeute par le réel, mettre l'accent sur la moralité du comportement et affronter la notion du bien et du mal, renforce le lien. Toute la société est basée sur des considérations d'ordre moral et si les personnes importantes de la vie du patient, comme le thérapeute, ne s'occupent pas de savoir si son comportement est bon ou mauvais, la réalité ne peut lui être inculquée. 

Glasser croit que pour faire cesser un comportement insatisfaisant, le malade doit pouvoir satisfaire ses besoins de façon réaliste et responsable. Pour y arriver, le patient doit faire face au monde réel qui l'entoure et ce monde inclut des normes de comportement. Le rôle du thérapeute est de confronter les comportements du patient à ces normes et lui faire juger la qualité de ce qu'il fait. Si les patients psychiatriques ne jugent pas leur propre comportement ils ne changeront pas. 

Le Dr Glasser est conscient des critiques et des arguments contre l'introduction de la morale en psychothérapie. Il ne prétend pas avoir découvert la clé du bien universel ou être expert en matière d'éthique, toutefois il demeure convaincu que le thérapeute au mieux de son aptitude en tant qu'être humain responsable, doit aider les patients à arriver à une décision concernant la qualité morale de leur comportement. 


Le thérapeute : un enseignant       

L'enseignement ne fait pas partie des rôles du thérapeute conventionnel qui considère que le malade apprendra lui-même de nouvelles façons de se conduire lorsqu'il comprendra les origines à la fois historiques et inconscientes de son problème. Dans la thérapie par le réel on apprend au patient de meilleures façons de répondre à ses besoins. Le lien nécessaire ne sera pas maintenu si nous n'aidons pas le patient à découvrir des modèles de comportement plus satisfaisants. Cette partie est le centre de l'intervention du thérapeute par le réel. La thérapie ne s'arrête pas avec la connaissance du problème. L'affrontement de la réalité est une étape importante mais le patient doit apprendre à satisfaire ses besoins dans le monde réel et chaque occasion qui se présente est favorable à cette éducation. En fait, une fois que le lien est crée et la réalité affrontée, la thérapie devient une sorte de programme éducatif. Le patient apprend à vivre plus efficacement ce qui se fait mieux et plus rapidement si le thérapeute accepte le rôle de professeur. 


Conclusion 

La thérapie par le réel nous fournit une perception innovatrice de la réalité du malade psychiatrique. Partant d'une théorie expliquant l'inadaptation du malade et son incapacité à satisfaire ses besoins, cette approche se dissocie des principaux postulats de la pratique de la psychiatrie ou de la psychothérapie conventionnelle. Le rôle du thérapeute prend dans cette approche des proportions importantes où il doit interagir comme personne et favoriser l'établissement d'un lien qui sera le moyen privilégié pour permettre au patient de reprendre progressivement sa responsabilité. 

En terminant voici comment William Glasser définit les qualités du thérapeute par le réel: 

"Le thérapeute doit être une personne très responsable, solide, se sentant concernée, humaine et sensible. Il doit être capable de satisfaire ses besoins et doit être disposé à discuter de quelques unes de ses propres difficultés afin de prouver au patient qu'il est possible d'agir de façon responsable même si c'est parfois difficile.... Il doit avoir la force de se lier, de voir ses qualités éprouvées et de supporter une violente critique de la part de la personne qu'il essaie d'aider.... Il doit accepter les patients sans critique et comprendre leur comportement. Il ne doit jamais être effrayé ou rebuté par le comportement d'un patient aussi aberrant soit-il... Enfin, le thérapeute doit être capable de se lier émotionnellement avec chaque patient. Le thérapeute qui peut travailler avec des gens gravement irresponsables sans être affecté par leurs souffrances, ne se liera jamais assez pour faire un bon thérapeute." (William Glasser, La thérapie par le réel, 1971, pages 46 et 47).  


Bibliographie  

Glasser, W. (1971). La thérapie par le réel, la "reality therapy", Paris: Édition française EPI, collection Hommes et Groupes. 

BLOG - Un témoignage sur la thérapie proposée par Glasser

 

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