Portraits sans passion
(à lire avec un p'tit beat de rap)
Sophie (ou Paul ou Juliette) est toujours enragée
Elle ne peut se contenter, elle n’est jamais comblée
Tout lui est prétexte à chiâler, à se déclarer flouée
À bouder ou à se rebeller
Quand on répond à ses besoins
Qu’on exauce ses prières, enfin
Elle trouve toujours moyen
De retourner dans son coin
En dramatisant ses pépins
En enviant ses voisins
En s'faisant des peurs pour le futur
Ou en remâchant ses déconfitures
Elle comprend pas pourquoi
Elle est de plus en plus déprimée, vidée à chaque fois
Et se demande pourquoi
Elle est entourée de gens de mauvaise foi
Qui ne sont jamais là quand elle a besoin de se blottir dans leurs bras
*
* *
Jules (ou Marie ou Pierre) se rebiffe à l'idée
D’auditionner pour jouer
Dans une série télévisée
Il y va à reculons
C'est rien qu'une gang de cons
Y voient donc pas comment j'suis bon
S'ils le voient pas à quoi bon
J'veux pas avoir à me prouver
J'vais sûrement pas m'y abaisser
Y méritent même pas ma présence
Que j'leur donne c'que j'ai dans le ventre
À ces mots, loin d'être tendres
Jules étouffe tous ses élans
Et ressent d'l'angoisse immédiatement
Le monde est plein de gens jugeants et exigeants
Se dit-il triomphant
Je le savais qu’ils ne méritaient pas ma confiance
*
* *
François (ou Rodolphe ou Maude) vient de tomber en amour
Il craint de gâcher ses plus beaux jours
Déjà il cherche la bête noire
Pour pas se faire avoir
Vite il faut découvrir la faille
Qui lui prouve qu'elle n'est pas de taille
Que c'est pas elle sa princesse charmante
Qu'il y en a des plus envoûtantes
Y s'fait un devoir d'en trouver
Pour être sûr de pas s'engager
D'pouvoir rejeter son besoin d'tendresse
En s'cachant derrière sa forteresse
Faut surtout pas lui demander
Pourquoi tout est si compliqué
Pourquoi y s'sent tellement isolé
Il vous dira: je l'sais pas j'suis désolé
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Émilie (ou Marc ou Josée) devrait être aux anges
Enfin on lui offre la merveilleuse chance
De faire son premier CD
Depuis elle est toujours fatiguée
Elle dormirait toute la journée
Elle est toute mélangée, elle n'a plus rien à donner
Son rêve sur le point de se réaliser
Lui donne le goût de tout arrêter
C'est que voyez-vous
Sa mère risque d'y prendre goût
Et de se gargariser de ses bons coups
Pas question de lui donner ce plaisir
Mieux vaut tout détruire
Que de la laisser en jouir
Quitte à s’anguir et dépérir
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* *
Jean-Louis (ou Paul ou Marie) tourne en rond
Dans sa cage comme un lion
Faut-il aller à droite ou à gauche
Y’l’sait pas alors y s’met sur pause
Y s'prend pour une diseuse de bonne aventure
Qui essaie de prédire le futur
Si par malheur il opte pour le côté gauche
Y s'dépêche de chanter les louanges de l'autre
Dans le doute perpétuel y veut pas faire face
Ni marcher dans ses propres traces
Y veut rien savoir de c'qu’y veut
Alors y continue son p'tit jeu
Aie! faudrait surtout pas se tromper
On risque de tomber et de le regretter
On est tellement mieux quand on sait pas c'qu'on veut
On n'a pas à s'assumer, on peut continuer à blâmer
Pi c’est pas d’not faute si on peut pas s’engager
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Jules (ou Monique ou Pierre) n'en peut plus
On lui en demande toujours plus
Il n'arrive jamais à satisfaire ou à plaire
À son exigeante partenaire
Si elle pouvait lui ficher la paix
L'accepter comme il est…
Finies les attentes, les exigences
Vive les vacances et la liberté !
Oui mais qu'est-ce qu’y ferait après ?
Y’aurait pu rien à conquérir
À se prouver ou à fuir
Y faudrait qu’il soit juste là
Qu’y apparaisse avec ses hauts et ses bas
Et ça y peut pas
Y peut pas lâcher le combat
Pour tomber si bas
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Manon (ou José ou Arthur)
Promet mer et monde
À tout son petit monde
Je vais t’aimer, t’aider, te donner
J’te laisserai pas tomber
Quand y vous a bien séduit, vous êtes cuits
Vient le temps de faire ou d’être ce qu’y a promis
Ce bon gars si parfait s’éclipse en catimini
Il oublie, se justifie
Y’est trop occupé, y’est débordé, vous êtes trop pressé
Il sourit et fait des courbettes
Pendant qu’il vous fait une jambette
Et vous tire sa révérence
En même temps que la langue
Y vous garde en pénitence
Dans la salle d’attente de son absence
Pour vous en priver, y fuit sa vraie présence
En se plaignant de se sentir vide, ordinaire en dedans
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Amandine (ou Job ou Gaspar)
Ne veut rien savoir de ce qu’elle est, de ce qu’elle vit
Surtout pas être vue en public en sa propre compagnie
Si elle a spontanément un élan, un sentiment
Vite elle les rejette ou les réprime instantanément
Au cas ou ils ne seraient pas assez affriolants, plaisants, brillants
Elle les cache derrière un paravent
Et met du clinquant en avant
Pour toujours être la reine, la top, la star, l’adulée
Si on ne la reçoit pas comme une impératrice adorée
Elle se retire dans ses appartements
Et lance des flèches empoisonnées aux impertinents
Elle est déçue de s’ennuyer, d’être paralysée
De toujours avoir à se surveiller
De jamais s’laisser aller
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