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Les origines du phénomène : la dissémination des centres de productions industriels ou administratifs en raison des délocalisation, la verticalisation et l’externalisation de certaines fonctions de l’entreprise.
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La complexité du management au quotidien : il n’est pas si facile de diriger depuis Paris une équipe chinoise à Pékin, des correspondants à Dubaï et un centre de production en slovaquie. Parfaitement bilingues, ces nouveaux managers doivent développer leur potentiel dans un environnement changeant en tenant compte des habitudes culturelles de chacun.
Outre un éclairage sur les recherches de nombreux auteurs, ce livre aborde les différents aspects de la culture, la formation du manager global, le management au quotidien : du choc initial au choc du retour.
Michel Moral :
Diplômé de l’École Centrale de Paris, DESS et DEA de psychopathologie clinique, il a dirigé des équipes internationales et multiculturelles pendant plus de 20 ans. Il exerce maintenant comme psychothérapeute, coach, formateur et superviseur de coach, consultant en management, organisation et , bien sûr, problématiques interculturelles.
Sommaire :
Culture et environnement. La globalisation, inéluctable... La culture, objet de convoitise. Culture et personne. La relation au pouvoir. La relation au groupe. La relation à l’incertitude. La relation au genre. La relation au temps. Mode de raisonnement. La communication. Les autres dimensions. Culture et entreprise. Culture, organisation et management. Le manager Global.
Public :
Directions générales ; Managers dans des groupes internationaux ; Commerciaux travaillant à l'export.
Par
Michel Moral, Psychologue, Paris, France
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EXTRAIT
3.2 – Faire cohabiter un hiérarchique et un égalitaire
Werner, né dans le nord de l’Allemagne, vient de prendre une grande direction commerciale au niveau européen. En examinant la liste des entreprises dans son territoire, il remarque une société française qui est leader mondial dans son domaine. Pourtant, le chiffre d’affaires avec cette société est dérisoire et il décide d’y affecter un ingénieur de haut niveau. Le responsable du personnel de la filiale française s’oppose à cette décision car le système d’intéressement est strictement lié au revenu réalisé avec le client. Payer un salaire élevé sans le revenu correspondant constituerait une exception préjudiciable.
“De quoi se mêle-t-il ?” Se demande Werner en décrochant le téléphone pour discuter avec le président de la filiale française. Ce dernier comprend les arguments, donne son accord et suggère même quelques noms. Werner charge son Directeur des Opérations de régler les détails.
Plusieurs semaines plus tard, la personne est identifiée, une proposition ferme lui a été faite et elle a donné son accord mais le responsable du personnel français s’oppose à nouveau malgré l’accord donné par sa propre hiérarchie. Werner est très irrité, sa philosophie est “fire and forget” (je décide et je passe à autre chose). Il retéléphone néanmoins au président français qui, gêné, fait part de son hésitation à créer un précédent au sein des forces commerciales françaises. Le ton monte. « Qui est le patron, c’est vous ou votre responsable du personnel ? » demande Werner. Le président français doit finalement céder. Il faudra encore trois mois pour finaliser cette affaire qui n’aurait pris que quelques minutes dans un autre pays.
Hiérarchiques et égalitaires cohabitent sans trop de difficulté sauf dans certaines configurations précises. Le hiérarchique est parfois considéré comme servile par l’égalitaire qui est perçu comme familier, impoli ou peut-être même insolent si c’est un subordonné. En tant que collaborateurs, les hiérarchiques sereins ont l’immense avantage d’être loyaux à celui qui démontre qu’il est le vrai chef, ce qui est quelquefois difficile dans une organisation matricielle. Les situations les plus difficiles sont celles où les responsabilités doivent être partagées entre plusieurs managers hiérarchiques qui ont l’impression d’être spoliés lorsque la moindre parcelle de pouvoir leur échappe. Dans ce cas, la présence de hiérarchiques frustrés complique encore un peu plus le tableau.
3.3 - Le pouvoir et l’envie
Hormis la dépendance qui est la principale variable, la relation au pouvoir se nourrit d’envie, même dans les pays égalitaires comme l’illustre l’exemple suivant :
Werner est promu en Grande Bretagne à la tête d’une direction opérationnelle mondiale. Il se rend à Londres dans les locaux de son nouvel état-major pour s’y installer. Le bureau de son prédécesseur est vaste, bien meublé, propre mais il y fait très froid alors qu’un énorme radiateur à roulette vétuste occupe le centre de la pièce. La secrétaire, confuse, explique que le système d’air conditionné n’a jamais bien fonctionné dans cette aile du bâtiment et que cet appareil d’appoint était donc la seule solution quoique, compte tenu du volume et des immenses baies vitrées, la température ne puisse jamais monter très haut. Le nouveau maître des lieux convoque les services généraux qui confirment cette explication, disent ne rien pouvoir faire en raison de la configuration des lieux et ajoutent que le directeur anglais qui occupait les locaux jusqu’ici s’est accommodé de la situation. “Bien, si vous ne pouvez régler le problème d’ici ce soir je transfère mon état-major à Frankfort dès demain.”. Dans l’après-midi le chauffage était réparé.
Cette anecdote montre comment les privilèges du pouvoir peuvent être discrètement remis en cause par une collusion de la base, et cela même dans un pays égalitaire. Dans les pays hiérarchiques sereins, les privilèges sont à la fois source d’envie et d’espoir et les remettre en cause lorsqu’on a soi-même la perspective d’en jouir n’est pas raisonnable. En conséquence, dans ces pays on peut compter sur le management intermédiaire. Les comportements dans les pays hiérarchiques frustrés sont beaucoup plus paradoxaux et les révolutionnaires d’un jour deviennent presque toujours les chefs les plus autoritaires.
3.4 - Comment naissent les chefs?
Contrairement à
Hofstede, Trompenaars pense que le problème à résoudre par la collectivité n’a jamais de solution parfaite puisque les termes de l’alternative sont inconciliables. La réponse collective est toujours un compromis, donc un déchirement. Pour cet auteur, la dimension caractéristique n’est pas un axe hiérarchie-égalité, c’est-à-dire une perspective ascendante, selon le point de vue de celui qui est soumis au pouvoir, mais un axe évoquant l’attribution du statut, c’est-à-dire rendant compte du regard de celui qui le détient. Il s’intéresse donc à la position de chef, conférée en reconnaissance de ce qui a été accompli ou bien par imputation, c’est-à-dire en vertu de l’âge, de la classe sociale, du genre ou du niveau d’éducation . Quoique les pays penchant d’un côté ou de l’autre soient plus ou moins les mêmes que ceux qui sont égalitaires ou hiérarchiques au sens d’Hofstede, cette façon d’établir la dimension de relation au pouvoir nous apporte quelques éclaircissements sur les problèmes qui peuvent se poser lorsqu’une culture rencontre l’autre. Brake & Walker font de cet aspect une dimension à part, la relation à l’action, avec pour opposés l’agir et l’être, c’est-à-dire une orientation vers les tâches ou, au contraire, vers les personnes.
Tout d’abord, lorsque le pouvoir est attribué selon les résultats, rien ne s’oppose à la promotion d’individus jeunes qui seront donc confrontés à des homologues, partenaires ou clients, plus âgés qui peuvent considérer qu’il s’agit là d’une insulte ou d’une provocation. Tandis que les cultures qui récompensent selon l’accomplissement (Australie, pays de l’Est, Suisse, Grande Bretagne, USA) ne s’intéressent qu’aux résultats, les cultures qui procèdent par imputation (la plupart des pays asiatiques,
l’Amérique et l’Europe du sud, la France) accordent une grande valeur à l’expérience, à la sagesse, au recul par rapport à l’immédiat et, si celui qui représente le pouvoir n’est pas ou n’est plus au sommet de son art, un conseiller ou une éminence grise est là pour le conseiller. Certains pays sont ambigus et composent entre les deux tendances (Allemagne, Honk-Kong, Inde, Japon, Vietnam, Autriche et Hollande). Il est également fréquent que les signes apparents du statut prennent une importance considérable dans les sociétés hiérarchiques ou qui procèdent par imputation. Les titres, la taille du bureau, le nombre d’employés, la puissance du véhicule (de fonction bien sûr), la classe dans les avions et les privilèges de toutes sortes sont d’une grande importance. Qu’un employé gagne plus que son supérieur hiérarchique ou que sa voiture soit plus luxueuse est tout simplement inacceptable dans certains pays et il faut souvent prendre des précautions avant de se risquer à agir contre les usages.
Une de mes missions a consisté à promouvoir des activités de services au sein de la filiale du Zimbabwe. Deux équipes indépendantes couvraient déjà ce domaine et la mise en place de nouvelles ressources pour répondre à la demande du marché posait le problème de la nomination d’un manager pour l’ensemble. J’abordais ce sujet lors d’une réunion sur place avec toutes les parties prenantes. La discussion s’envenima en raison de la colère de l’un des participants locaux qui estimait que, bien entendu, cette position lui revenait de droit puisqu’il était de sang royal. Ma préférence allait à une brillante jeune femme blanche d’origine autrichienne qui présentait toutes les qualités requises. Sa nomination demanda plusieurs mois de négociations et de mises à l’épreuve avant que sa compétence soit finalement reconnue et sa promotion acceptée sans menaces de représailles.
Stendhal parlait déjà de mérite et
de rang.
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Par
Michel Moral, Psychologue, Paris, France
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