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De
l'expression primitive
au tango.
Par
Claire Baudin
Danse-Thérapeute, Psychothérapeute
Paris, France
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De l'expression primitive au tango.
« Mais, le jour viendra… où la colère brisera les tables Sera l’ardeur qui crée. Elle rassemblera l’épars-égaré et dévoilera un visage serein » : Cyprian Norwid (poète polonais)
J’ai commencé ma démarche de danse-thérapie par l’Expression Primitive, car je sentais que la terre africaine avait beaucoup à nous apporter. L’Expression Primitive n’est pas vraiment de la danse africaine, mais, elle en est pour moi sa substantifique moelle. Cette technique s’articule autour du rythme, de la voix et des gestes fondamentaux de la vie quotidienne (tirer, pousser, jeter, balancer…)
Herns Duplan, un danseur haïtien de la compagnie Katherine Dunham en est le fondateur dans les années 70 en Europe.
Elle a été ensuite reprise et réinterprétée par France
Schott-Billmann, une psychanalyste.
Ayant été formée avec les deux personnes, je me rappelle l’enseignement pratique de Herns qui nous replongeait dans une ambiance de danse d’esclave qui pilait le mile.
Je crois qu’il s’agit bien de cela dans une démarche de thérapie, de nous sortir de notre position d’esclave pour accéder à notre statut de citoyen, d’être humain libre.
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Mais, cela ne peut passer que par l’expression de la colère, la révolte même. Il n’y a pas de libération sans révolution. Nous pouvons la faire en dansant et en prenant la parole au lieu des armes.
France nous disait d’aller jusqu’au bout du geste, de l’habiter jusqu’au bout des ongles.
C’est, nourrie de ces enseignements que j’écris ce texte aujourd’hui.
J’utilise beaucoup cette technique pour aider mes clients à exprimer leur colère, en séance individuelle et/ou en groupe.
J’utilise aussi cette technique pour aider mes clients à sentir leur pulsation cardiaque, leur pulsation de vie en eux.
Ils font alors souvent une découverte importante et palpitante, celle de sentir leur cœur, au bout de leurs doigts, de leurs pieds. Cette perception les conduit à sentir leur espace intérieur plus vivant.
Le rythme, c’est la vie, c’est notre cœur qui bat depuis notre fécondation, à quelques jours prêts (30 jours environ, si mes souvenirs d’embryologie son exactes). Pourquoi alors s’en priver?
L’expression de la colère réveille aussi un sentiment d’être vivant, d’exister à part entière. Je vois des personnes sourire, rire et pleurer après l’expression de leur colère par
l’Expression Primitive.
Je crois que les femmes, à l’heure actuelle ont encore besoin d’exprimer leurs colères, conséquences légitimes de leurs blessures individuelles et collectives depuis des siècles, et cela dans toutes les civilisations.
Les femmes souffrent encore d’un lourd sentiment de culpabilité par rapport au plaisir et n’osent pas exprimer leurs besoins et leurs désirs les plus profonds.
Certaines n’osent pas encore prononcer le mot « plaisir » en France, en 2007 !
La révolution sexuelle de Mai 1968 n’aurait-elle pas encore terminée son travail interne en profondeur ?
Et, dans les années 1980, nous voilà partie dans au Moyen-Orient et au Maghreb où beaucoup de femmes sont parties pour apprendre la danse orientale.
Que sont-elles venues chercher ? l’orient ? l’art de la séduction ? Des rondeurs oubliées ? Un peu de féminité perdu en cours de route pendant leur évolution ?
Chacune a sa réponse, préservée dans l’intimité de sa maison intérieure.
Cependant, je tiens à dire qu’il ne faut pas avoir peur d’exprimer la colère si l’on souhaite ensuite séduire de façon plus légère et plus ludique. Il ne faut pas mélanger les deux. Sinon, je crains que notre danse charmante ne soit teintée d’une certaine agressivité et arrogance avec laquelle l’homme peut se sentir mal à l’aise.
Je crois profondément que l’homme attend de rencontrer la femme, et la femme de rencontrer l’homme. Mais, pour cela, il faut que chacun tienne sa place, son rôle lié à son sexe et ne prenne pas celui de l’autre. Sinon, il n’y a plus de différence sexuelle. Il n’y a plus de
rencontre possible.
Cela me rappelle un danseur de tango qui me disait, récemment :
« j’ai fait un stage ce WE, je suis épuisé, car j’ai pris le rôle des deux ! » Je lui ai répondu, que son état de fatigue ne m’étonnait guère dans ces conditions-là ! Je me suis autorisée d’ajouter : « si vous voulez vraiment danser avec une femme, il est préférable de tenir votre rôle d’homme et d’être simplement patient pour que la femme trouve sa place, son rythme, son style.»
Dans les relations hommes-femmes, dans un couple, dans un tango, l’homme est invité à être à l’écoute
de la musique extérieure, de sa musique intérieure, à l’écoute de sa partenaire et de sentir plus particulièrement sur quel pied elle danse. La femme est conviée à
sentir le guidage corporel et à suivre avec une certaine présence. À partir de ces postures respectives et des sensations captées, la danse à deux peut commencer.
L’homme guide la femme, non pas dans un rapport dominant- dominé, mais amène plutôt sa partenaire en voyage, comme le dit si bien Pierre
Dulaine, dans le film « Dance with me »
La femme devient alors compagne de voyage à part entière et a son rôle à jouer. Elle a son mot à dire, ses désirs à exprimer, sa créativité à développer. La présence de l’homme lui permet de mettre en valeurs ses atouts en cheminant à ses côtés.
Dans le tango, comme dans la vie, cela demande de la patience, et une certaine attente. C’est le soupir, la respiration entre deux pas, qui rend la danse belle, qui rend un couple beau à regarder. L’un de mes partenaires me disait récemment « quand on ne sait pas, on attend ! » Oui, le tango est une question d’attente et de désir. Ce n’est pas une attente passive, ni impatiente, c’est une attente dansée, respirée, et écoutante corporellement parlante.
Le tango apprend à écouter corporellement, à attendre, à désirer pour mieux être en relation avec l’autre de façon plus juste et fine. C’est à ce prix, là que nous pourrons retrouver la joie de vivre ensemble.
Prenons le temps de sentir où et comment est l’autre, dans ses émotions, dans ses états d’âme et de corps avant de nous engager dans une danse, avant d’exprimer notre point de vue.
Je crois que la danse sera d’autant plus fluide et riche entre les individus de sexe opposé.
Il en aura fallu, bien des étapes, je vous l’accorde !
Bon voyage à tous et à toutes !
Par
Claire Baudin
Danse-Thérapeute, Psychothérapeute, Paris, France
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