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Hatha-Yoga en détention

Sport Santé et Yoga Santé : l’activité physique pour les personnes en situation de détention * 

Par Richard Sada 
Psychothérapeute, Maître de Yoga, France
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* Cet article a été rédigé dans le cadre d'une formation de DE JEPS.

Hatha-Yoga en détention 

C’est la santé de l’Homme qui fait la prospérité de la famille et du pays. L’état de santé physique peut apporter toutes les modifications pour l’harmonie psychologique de l’Homme. Quel que soit le malaise ou l’infirmité de la personne, son intégration sociale se fait par le biais du physique et de l’émotionnel. C’est la santé de toute fonction vitale qui permet l’adaptation à son environnement de vie, que ce soit dans un palais comme dans un lieu plus sombre.

La prison est un lieu sombre, où la réflexion de l’Homme est réduite à son strict minimum et où il n’y a pas de choix possible. L’individu y est confronté à un changement brutal de sa vie quotidienne et de son environnement habituel, coupé de l’harmonie du monde et de ses réflexions cohérentes. Tout est flou, sans visibilité, l’avenir est incertain.
Les conditions de détention confrontent l’individu à un espace de vie réduit dans lequel son cœur, ses poumons et son cerveau s’atrophient. Pendant la détention, il perd l’estime de soi et la capacité de communiquer avec autrui. Il peut accumuler sur lui des malaises dont la liste est longue. La détention favorise un stress destructeur qui amplifie leurs conséquences. Acouphènes, angoisses, eczéma, crampes, diabète, raideurs articulaires, cancer, rhumatismes, tumeurs, kystes, insomnies, paralysies, infections, pertes d’intérêt pour la vie. La détention est un environnement qui entraîne irrémédiablement des maladies physiques et psychiques, parfois probablement irrécupérables.

Je ne suis ni médecin, ni homme de loi. Je ne peux donner aucun diagnostic dans ces domaines. Je suis un hatha-yogi, diplômé du sport. C’est à ce titre que j’ai été sollicité par le Ministère de la Justice, et particulièrement par le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation) pour animer un atelier hebdomadaire de Yoga pour préserver la santé mentale et physique de détenus qui ont vécu de longues peines et préparent leur retour dans la société.
Le SPIP est une instance imprégnée de valeurs, qui considère que pendant la détention, l’homme doit être respecté en tant qu’homme, pendant qu’il purge sa peine. Il s’efforce de préparer la future réinsertion sociale par tous les moyens possibles.
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A travers mon expérience et les multiples échanges que j’ai eu l’occasion d’avoir dans le cadre de mes interventions, j’ai constaté que les professionnels du milieu pénitentiaire, en particulier les surveillants, restent, même avec leur solide formation, des humains confrontés à d’autres humains. Ils ont eux aussi leurs difficultés face à l’inconnu inexplicable, pour parvenir à maintenir une harmonie de la vie, avec eux-mêmes et avec leur environnement, et à donner les réponses avec magnanimité dans le respect de leur devoir professionnel.

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A propos du Yoga

Le Yoga est une discipline millénaire. Préventive et curative, elle a pour objectif principal de faire atteindre à l’individu un haut niveau d'harmonie et de tranquillité intérieure. En ce sens, elle favorise la relation humaine. Elle est à la source de nombreuses pratiques en relation avec le corps et l’esprit.

De HA, le soleil, et THA, la lune, le Hatha-Yoga est une science ancienne de l’Inde qui traite de la santé par l’exercice corporel, les techniques de respiration, les méthodes de relaxation.

Grâce au Hatha-Yoga (en tant qu’activité physique et sportive), le pratiquant peut repousser les limites de ses possibilités et trouver les moyens positifs pour vivre en paix et en harmonie avec sa famille, le pays, le monde et accomplir sa destinée de vie.

L’atelier hebdomadaire de Yoga en prison

J’ai conçu mon atelier de Hatha-Yoga Simplifié de manière transversale, en cohérence avec les divers services qui interviennent auprès des détenus.
La méthode que je propose est orientée Yoga-Sport, Sport-Santé et Hatha-Yoga en tant qu’activité physique et sportive.

Les exercices variés du Yoga dans le domaine de l’échauffement et des étirements préparent le participant à surmonter les raideurs corporelles liées à son immobilité dans des espaces réduits. 
La technique de l’exercice Gandhi, avec les phases du pas du cheval, du cheval galopant et du geste de Pégase, augmente la capacité respiratoire et revitalises le cœur, les poumons et le cerveau.
La technique du saut de la grue cible la récupération de la mobilité et de la motricité. Elle favorise la circulation du sang, de l’air et de la chaleur (énergie) du corps.

La salutation au soleil, l’exercice Gandhi ou pas du cheval, le saut de grue, la danse de Shiva, la salutation à la Terre, la technique de respiration alternée, le Yoga des yeux et la respiration va-et-vient sont des techniques avancées très dynamiques que j’enseigne et que certains peuvent s’approprier pour canaliser des comportements inappropriés, pour aller plus loin dans l’introspection sur eux-mêmes et pour retrouver la paix avec leur entourage.
Dans la pratique du Yoga-Santé, l’Homme est indissociable. Il en est de même pour le Sport-Santé.

Les bienfaits du Hatha-Yoga en tant qu’activité physique en détention

Sur le plan physique
- Amélioration du fonctionnement de l’appareil respiratoire,
- Prévention des maladies cardiovasculaires,
- Diminution de la fatigabilité,
- Récupération du déficit immunitaire,
- Réhabilitation de l’autonomie, dans ses formes multiples et variées liées au corps et à l’esprit,
- Favorise la réinitialisation sociale,

Sur le plan psychologique
- Acceptation de sa situation,
- Amélioration de ses capacités à aménager ses handicaps,
- Marche vers une posture vraie, sincère, responsable,
- Se battre, changer ses comportements,
- Guérir de la peur et de la culpabilité,
- Se libérer des émotions du passé.

Dans le déroulement de l’atelier, tout cela passe par les étapes « construire », « vivre » et « défaire » les postures.

En détention comme ailleurs, une seule et même méthode d’enseignement

Les asanas ont un lien direct avec la santé du corps. Dans l’atelier de Yoga, il faut comprendre la façon de construire chaque posture. La durée doit être respectée. Il faut prendre le temps de vivre la posture, et le temps de bien la défaire avant d’en commencer une autre.

La posture Montagne, la demi-pince, la pince, la petite et la grande tortue, la pente et la table, le diamant et ses trois phases, la sauterelle, l’arc, le cobra et le cobra royal, la chandelle et la charrue, les oreilles pressées, le demi-pont attaché et suspendu, l’étoile flamboyante, la roue et l’étoile de Brahma, la tête de la vache, le bateau, le pigeon royal, le chameau, le seigneur poisson, le corbeau, le guerrier, l’éternité, l’arbre, le triangle, la lune, la tête, l’échelle, la règle et l’équerre, le scorpion, l’architecte et l’étoile de Shiva, le danseur cosmique, le lotus et le cadavre… toutes sont des postures résumées et simplifiées du Yoga classique et traditionnel. 

Je les enseigne dans un ordre précis. Certaines, si elles sont enchaînées, peuvent devenir des séries. Je différentie les postures de base et les postures avancées.

A chacun son Yoga, Yoga pour tous

C’est en analysant les enseignements et les pratiques du Yoga à travers les cinq domaines que sont la physiologie, la psychologie, la biologie, la génétique et la sociologique, que j’ai mis au point tous les accès possibles pour encourager chacun à entreprendre et pour créer la joie de faire des efforts et d’en apprécier le goût.

Pendant la séance de Yoga, je veille à mettre en œuvre, selon le profil de chaque détenu, de multiples méthodes pour construire, vivre et défaire chacune des postures précitées. Pendant la construction de la posture, la technique de respiration devient le point très important pour repousser ses limites et revenir à sa source originelle pour entreprendre ses objectifs, ses projets, tenir avec courage, expérimenter et transcender les objectifs de sa vie d’une manière positive.

Méditation et relaxation : le chemin spirituel

Je tiens à ce que tous les détenus pratiquent la méditation. Aussi, je réserve toujours un temps de médiation en fin d’atelier, juste avant la relaxation. 
La méditation est en effet indispensable pour trouver la paix de l’esprit et la tranquillité de l’être. Elle s’applique en premier lieu au corps, et, peu à peu, elle conduit à la concentration de l’esprit, à la vigilance de la pensée, pour demeurer absolument positive et dans la joie. 
Pour les détenus, il s’agit d’être conscients et résoudre leurs conflits pour libérer leur vie des émotions négatives.
La relaxation clôture l’atelier. Elle apporte pour la personne en détention, donc en situation de stress, une prise de recul qui laisse toute sa place à l’esprit critique. Se relaxer, c’est se réapproprier ses propres ressources, réconcilier le corps et le mental, se reconnecter avec la source originelle humaine. 

Cette relaxation est dynamique et opérationnelle. Elle garantit au détenu l’apaisement de son cerveau. Elle lui permet aussi de supporter toutes les difficultés de la vie quotidienne qu’il doit affronter en situation de détention. Ses émotions sont au rendez-vous grâce à l’autosuggestion positive. Ce retour au calme installe en lui une imagination meilleure et une visualisation vers de meilleurs choix d’orientation et favorise l’émergence d’un renouveau à l’issue de sa réinsertion.
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Une conclusion en forme de témoignage

Les lieux, les personnes, les ambiances ont des ressemblances. La souffrance y a sa place.
En détention, il n’y a ni jardins, ni fleurs, ni saisons. Aucune normalité. Tout est mort, remplacé par la violence.

Un élève m’a confié qu’il n’avait pas reçu la moindre visite depuis 9 ans. Un couple est là aussi, condamné pour des actes en lien avec des motivations politiques. Lui est dans le quartier des hommes, elle dans celui des femmes. Tous deux loin de leur enfant qui grandit sans eux depuis l’âge de 9 mois. Pour cet autre pratiquant de l’atelier, « le temps s’est arrêté depuis 17 ans ». Il me dit qu’il a tout perdu, avec un sourire où il n’y a même plus de dents.

Dans les ateliers de yoga en détention, comme dans tous les autres environnements où je suis intervenu, j’ai rencontré des êtres de tous horizons, milieux sociaux, niveaux d’études ou métiers. Tous avaient le visage de l’espoir disparu.

J’ai vu dans les maisons de retraite, d’anciennes avocates, juges, pédiatres, médecins, dirigeantes de grandes institutions, nées dans une culture du 19e siècle, et qui avaient ouvert la voie de l’espoir dans la marche de la nation vers la parité. Je revois, alors que j’étais maître de maison dans un établissement de la rue Dandicolle à Bordeaux, ces douze personnes de grand âge, qui ne pouvaient plus quitter leur fauteuil. Assises autour de la table elles me faisaient sentir par le silence qu’elles avaient arrêté leur combat pour la vie. Elles attendaient leur voyage vers le lieu du bonheur inconnu.
Je revois ce vieux Monsieur, comte de son état, autrefois conférencier spécialiste de Spinosa, devenu aphasique. Avec un sourire bienveillant à l’heure de l’animation physique et sportive, heureux d’échanger avec moi de petites passes avec une balle en mousse, lorsqu’il l’attrapait, on entendait jaillir sa voix et son sourire éclatant aurait pu réveiller le dieu Zeus !

Un de mes élèves handicapés, jeune adolescent valide devenu tétraplégique à la suite d’un accident, m’a raconté qu’à son premier réveil du coma, resté seul pendant plusieurs heures à découvrir qu’il ne pouvait plus rien bouger, il s’était mis à compter sans fin les carreaux du mur qui était devant son lit en imaginant qu’il s’agissait d’un jeu d’échec.

Les anciens champions sportifs, accidentés du sport, retrouvent l’espoir en participant à la création d’une discipline adaptée qui leur permette de continuer à puiser dans cette source. J’en ai personnellement fait l’expérience en élaborant, avec les pratiquants handicapés, une discipline de handikaraté. J’ai monté un projet handirugby avec un jeune de 18 ans, devenu tétraplégique suite à un accident sur le terrain. J’ai accompagné dans leur projet d’accession à la conduite automobile, des jeunes lourdement handicapés. Là encore, le succès était au bout du chemin. J’ai été leur premier passager et c’est eux qui m’ont amené à la plage ! 

La souffrance a un parfum. On peut la sentir. Dans le sourire édenté d’un visage marqué par l’absence de soin, j’ai pourtant vu transparaître l’espoir, même chez les plus démunis.
On pourrait en rire. J’ai animé des séances de cricket dans le terrain vague d’un cimetière. J’ai été arbitre pour des concours de pétanque dans un jardin paroissial où il n’y avait ni prêtre ni culte. Mais j’ai aussi été le témoin de groupes qui volaient les pommes des pauvres. J’ai vu des agents immobiliers corrompus allant jusqu’à vendre des tombes de cimetières qui ne leur appartenaient pas.
Le Yoga est une activité physique parmi les autres. Il est aussi une discipline plus complète qui m’a permis d’approcher des êtres pour lesquels les mots me manquent pour parler de leur richesse inouïe et exemplaire, quel que soit le contexte des lieux dans lesquels ils se sont trouvés dans leur parcours de vie : en prison, en maison de retraite, en milieu hospitalier, en gériatrie, en centre de rééducation fonctionnelle, en établissements spécialisés…

De près ou de loin, j’ai été témoin de la déficience des personnes. Par le moyen de l’activité physique et sportive, j’ai inventé les mots, les histoires, l’allure qui leur permettent de retrouver quelque appui solide, alors même que la vie ne tenait plus debout, bancale et sans aucune cohérence.

Et j’ai vu la vie reprendre.

Même avec peu de chances, la vie reprenait. Il m’est difficile d’expliquer comment, mais cela est indéniable.
Quand on associe le sport et la vie, la santé et le bien être, la paix et l’homme, la conclusion reste positive. Les retours positifs sont innombrables. Qu’ils émanent des personnes ou des institutions, les témoignages que j’ai recueillis attestent d’un retour de la vie, à petits ou à grands pas. Au nom du secret professionnel, je ne peux pas tout dire. Mais il s’agit plus pour moi de préserver la dignité et l’intimité des êtres qui m’ont confié leur vie et leurs ressentis.
J’ai aussi été témoin de situations qui m’ont affecté professionnellement. Certains sont capables de dérision tant qu’ils ne sont pas personnellement concernés et justifient leur indifférence et leur insensibilité sous prétexte de professionnalisme. Il ne faut pas le prendre mal mais c’est une réalité qui m’a touché et parfois nuis lorsque je m’y suis opposé.

Agir au lieu de rire…

A l’époque où nous vivons, iI n’y a rien d’original à affirmer que l’activité physique et sportive est un bienfait pour les personnes. Mais, en tant que professionnel du sport, animateur, éducateur, maître de yoga, je peux affirmer que la pratique sportive abordée au-delà des sphères ordinaires conduit l’homme vers la régénération de la vie en lui pour assumer son quotidien.
Le milieu carcéral n’échappe pas à cette réalité positive. Le témoignage des pratiquants et le nombre toujours grandissant de ceux qui veulent rejoindre l’atelier en attestent.

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Richard Sada, Psychothérapeute, Maître de Yoga
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