Liens entre alimentation et psychologie
Par Oscar Helm, Psychologue & Nutritionniste
L’alimentation est notre rapport premier avec la nature, car c’est de la nature nous puisons de quoi faire grandir notre corps. Nous sommes à tous points de vue les produits de notre alimentation, tant physiologiquement que psychologiquement. Ce rapport que nous entretenons avec l’alimentation est unique d’un individu à l’autre, qu’il s’agisse de nos préférences ou des quantités consommées. Notre singularité alimentaire est surtout psychologique, car nos préférences et toutes nos décisions relatives à notre alimentation sont au pouvoir de notre cerveau.
Notre rapport psychologique avec chaque met ou boisson dépend par contre des perceptions antérieures, l’expérience. En psychologie c’est le passé qui détermine votre future identité et seul un suivi peut rompre durablement ce lien. Vous serez moins enclin aujourd’hui à aimer les repas qui vous rappellent des moments de vulnérabilité. Notre identité psychologique définit ainsi à notre insu généralement nos habitudes alimentaires et sculpte notre corps. Le surpoids et l’obésité peuvent par exemple être les résultats d’un trouble psychologique. En effet le désordre nutritionnel de certains peut être au final une simple réponse psychologique à une insatisfaction de la vie. Il va sans dire que dans de tels cas, aucun menu régime ou aucune chirurgie ne réglerait définitivement le problème de tels patients. Perdre du poids facilement pourrait bien relever aussi de la psychologie.
Les liens que peuvent entretenir l’alimentation et la psychologie sont nombreux et ignorés le plus souvent. Les connaître aide à la décision mais surtout à la prévention.
Nos 5 sens sont le fil conducteur de notre alimentation
À l’évocation de n’importe quel plat, notre cerveau se réfère à une image bien précise dudit plat. Cette image dite sensorielle qui repose d’ordinaire sur un souvenir visuel n’est pas la seule référence historique avec laquelle notre cerveau nous met en contact ; notre nez peut aussi frémir et notre langue s’humecter à la seule évocation d’un plat donné. Nos 5 sens peuvent ainsi élaborer en collaboration avec notre cerveau, notre hiérarchisation de nos goûts et préférences. Pour chaque plat, nous avons une image sensorielle unique qui entre dans une classification préférentielle et individuelle.
Ces mêmes sens qui nous guident dans nos choix peuvent se révéler peuvent aussi nous tromper, nous égarer. La dépendance développée vis-à-vis d’un aliment, la boulimie, l’anorexie, sont des troubles alimentaires qui ont pour racine, un dérèglement des sens et des messages qu’ils enregistrent dans le cerveau.
La reprise en main ne pourra se faire qu’à la suite d’un recalibrage psychologique.
Les phobies dans l’alimentation
Les peurs de l’homme prennent naissance dans son enfance avec la naissance de sa vie psychique. Il en existe une petite douzaine qui ont un rapport avec des aliments. Loin de toutes les citer, nous nous contenterons d’une seule d’entre elles, la néophobie.
La néophobie est une peur particulière, car elle est la peur non pas d’un aliment en particulier, mais des nouveaux aliments. Selon le réputé psychothérapeute Gérard Apfeldorfer, spécialiste du comportement alimentaire, les enfants entre 2 et 10 ans acceptent plus difficilement de faire évoluer leur palette de goûts. 3 enfants sur 4 s’opposeraient à essayer de nouveaux aliments. Leur peur illustre très bien le rapport qu’entretient la psychologie avec les aliments, puisqu’elle pourrait ne pas résulter forcément d’une expérience, mais d’une décision aux racines plus complexes que seule peut élucider la psychologie.
L’aliment qui rebute présente soit une senteur, une texture, une couleur, une disposition ou forme, qui va laisser le sentiment à l’individu d’être en présence d’un autre aliment ou d’une autre substance qui lui répugne. Pourtant, Gérard Apfeldorfer rassure que plus on consomme un produit, plus le plaisir pour ce produit augmente, c’est « l’effet positif de l’exposition ».
Le contexte émotionnel de l’alimentation
La sensibilité émotionnelle peut prendre parfois le contrôle de nos choix alimentaires.
Il sera de fait difficile pour un individu, qui se repasse en esprit les image d’un animal se faisant tuer, de manger de la viande. Physiologiquement, nos émotions et humeurs sont le produit de nos hormones. Les hormones elles, sont le fruit de notre alimentation alors que nos émotions et humeurs induisent des habitudes. Magnésium, tryptophane et vitamines, sucre, ont par exemple une incidence directe sur le stress et la tristesse. Aussi, le cerveau qui est le siège de notre esprit retrouve sa bonne santé dans une alimentation riche en graisses polyinsaturées (acides aminés oméga-3, Oméga-6, oméga-9…etc).) en cholestérol et autres gras sains.
De façon plus générale, le stress, nous le disions tantôt peut déboucher sur une malnutrition, de même que le stress peut être le produit d’une malnutrition. Il est aussi fréquent de nous voir nous goinfrer d’aliments sucrés généralement quand nous avons le moral dans nos chaussettes, alors que dans les moments de plénitude et de quiétude, nous restons longtemps à jeun sans voir le temps passer. Le suivi psychologique d’un patient avec une mauvaise hygiène alimentaire peut révéler des blessures insoupçonnées. Nos aliments préférés deviennent rapidement des voies pour se sortir de la solitude ou de la contrariété par exemple.
L’autre volet émotionnel en rapport avec les aliments est le cadre et le contexte de l’acquisition de l’image sensorielle d’un repas. Un repas pris souvent à Noël dans une très bonne ambiance, vous laissera le sentiment d’être un bon repas, alors qu’un repas de Noël pris dans une ambiance familiale délétère va vous laisser le sentiment d’un mauvais repas.
Société, psychologie et aliments
Les habitudes alimentaires comme nous avons pu le voir, sont uniques d’une personne à l’autre. Toutefois, nous avons pu voir également que le cadre et les événements et personnes qui accompagnent les repas peuvent déterminer nos futurs rapports à leurs égards. Les aliments peuvent de fait induire une identité psychologique ignorée des individus mêmes. Suivant notre aire culturelle et même cultuelle d’origine, nous serons par exemple moins portés vers certains repas. Cela pourrait pesant de manger constamment de la viande en présence d’un ardent défenseur de la cause animale. Les interdits de la société, le regard de l’autre peuvent nous faire construire une identité psychologique heureuse ou malheureuse, tout dépend des conséquences qui en résultent.
Par Oscar Helm
Psychologue & Nutritionniste
Site web de l’auteur
– https://sagessesante.fr
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