Un enfant est abandonné – La pelade au risque de la psychanalyse

de SANDRA MESHREKY

UN ENFANT EST ABANDONNE.
La pelade au risque de la psychanalyse

Collection PSY-POUCET, septembre 2014

Éditions: Les Contemporains favoris
Littérature, Philosophie, Psychanalyse

RÉSUMÉ

Dans ce livre Sandra Meshreky s’intéresse à la pelade, maladie de la peau caractérisée par la chute des cheveux. Elle montre en quoi la psychanalyse peut aider les sujets à dénouer et renouer autrement les fils psychiques inconscients qui, dans certains cas, ont pu conduire à ce singulier dénuement corporel…

Qui n’a jamais eu peur de perdre un être aimé ? Le sentiment d’abandon est constitutif de la nature humaine. Mais il revêt parfois un caractère extrême qui le fige en véritable angoisse. Or, c’est cette fixion lacanienne que l’auteure entend réinterroger en la narrant dans un conte.

Autour de la maladie psychosomatique de la pelade, elle tisse une trame interprétative où Le Petit Poucet de Perrault, L’Homme aux Loups et Un enfant est battu de Freud viennent éclairer un enfant abandonné. Non sans humour, elle nous emmène dans un Au-delà du principe de plaisir et soutient l’idée insoutenable que dans la souffrance d’abandon loge aussi une jouissance.

La perte des cheveux apparaît alors progressivement comme le symptôme d’une perte métaphysique. Destiné à être manquant, chacun en effet doit résoudre à sa manière l’énigme insoluble d’avoir toujours déjà perdu quelque chose…

De formation philosophique et titulaire d’un master de psychanalyse, Sandra Meshreky poursuit son cursus analytique au sein de l’Association Lacanienne Internationale. Après Psychanalyse sans domicile fixe [réédition prévue fin janvier 2015 aux CFavoris], elle renouvelle ici contre la souffrance psychique tout son engagement poétique. 

Avec une préface de Danièle Pomey-Rey, dermatologue et psychanalyste.

EXTRAITS

« Je voudrais rester comme je suis en ce moment. » Prononcée dans un sourire radieux, la phrase de Christina Höglund clôture son interview. À l’occasion de la diffusion télévisuelle de son reportage autobiographique, L’importance des cheveux, la réalisatrice revient sur ce qui l’a conduite à filmer la chute progressive de ses cheveux à cause d’une pelade.

Très vite le plaisir de cette femme m’interpelle. D’une grande beauté, elle offre le triomphe d’une tête nue dont le crâne totalement dépourvu de cheveux brille d’une peau blanche et lisse. S’il n’était si marqué, son sourire donnerait seulement à voir le terme heureux d’un long parcours de deuil. Mais il apparaît comme en excès…

« Aujourd’hui, je me préfère carrément sans ». En cherchant d’autres témoignages sur la pelade, je tombe sur celui d’Élodie nommé Boisard. Un même sourire, et une même beauté glabre se montrent à l’œil multiple de la caméra. Elle se préfère sans quoi ? me demandé-je. Sans cheveux ? Pas si sûr. Car elle ne le dit pas. Pas même dans les phrases qui précèdent son aveu.

Alors qu’aurait-elle perdu d’autre, qui ne pourrait pas se dire, du moins pas autrement que dans une mise en scène ? De quel deuil parlerait-elle vraiment ? Ou plutôt, de quel deuil ne réussirait-elle pas à parler ? Et si ce que ces femmes présentent comme un terme n’était en fait qu’un commencement, voire un empêchement ? Et que le deuil de leurs cheveux venait faire écran à d’autre(s) deuil(s) non fait(s) ? On dit bien d’ailleurs « avoir une pelade », tandis qu’il est question d’une perte. Elles auraient donc une pelade à la place d’un vide… (…)

 …

Les causes de la pelade se résument ici à une angoisse de perte d’amour. Et cette angoisse est telle qu’elle menace de mort : « si l’on est séparé on est en danger de mort. (1)» L’angoisse de mort s’empare du sujet tout entier. Lui qui ressemblait à un bébé se met à faire le mort : « le teint blafard et l’absence de cheveux comme de sourcils m’évoquaient ces patients traités par chimiothérapie, engagés dans un combat de survie à l’issue incertaine. (2) » Impossible à symboliser, la perte d’amour prend la forme visible de la perte de cheveux. Inenvisageable, le manque stricto sensu dévisage …

À la surface de la peau adulte s’exhiberait une vérité infantile refoulée : la peur non résolue d’être abandonné, et qui serait devenue terreur. Petit Poucet attardé trop longtemps dans sa forêt, le sujet peladique y resterait perdu. Comme en-deçà de la relation d’objet, il n’aurait pas trouvé d’autre caillou blanc que celui de sa propre tête. Bloqué au tout début de son récit, il y aurait laissé des blancs, et en aurait authentiquement perdu le fil. (…)

SOMMAIRE

– GÊNE AISE
– LE PETIT POUCET PAS
– UN ENFANT EST BATTU
– QUITTE ET DOUBLE
– SANG BLANC
– COMME NEIGE
– À LA RACINE
– PALIMPSESTE,
– PERDRE LES PÉDALES
– CE QUE CHEVEUX
– POLI-MENT
– À MORT VATI !

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