En plus des aspects physiques, comme la couleur des cheveux ou la morphologie, ce sont des traits de caractère, des problèmes existentiels ainsi que des aptitudes particulières qui se transmettent d’une génération à l’autre. Ces transmissions, qui sautent parfois une génération, ne vont cependant pas de soi. Au contraire, elles opèrent généralement malgré soi.
Constater des similitudes entre les générations peut par-fois nous surprendre, alors que, d’autres fois, ces ressemblances semblent normales, comme si cela « coulait de source ». Notre rapport au monde et nos modes de vie sont en grande partie dépendants d’un conditionnement familial et culturel. Serait-il possible de mieux comprendre ces répétitions pour, au lieu de les subir passivement, y jouer un rôle actif ? Ces héritages sont-ils une fatalité de la condition humaine ? Comment pourrions-nous mesurer l’importance de leurs impacts dans notre vie quotidienne ?
Il est certain que notre rapport au monde et nos modes de vie sont en grande partie dépendants d’un conditionnement familial et culturel. L’héritage des vécus non intégrés par nos aïeux véhicule également des « casseroles » collectives et culturelles. Conscients et inconscients, ces héritages oeuvrent dans notre présent et dans nos destinées, ne manquant pas de nous affecter.
Avec les héritages transgénérationnels, ce sont des vécus non intégrés qui se répètent dans nos vies. Pour ne pas les subir passivement, serait-il possible de mieux comprendre ces répétitions ? De quelles manières pouvons-nous nous libérer de ces héritages en les intégrant ?
Un des buts de ce livre est de montrer l’importance du rôle joué par le sujet en soi pour intégrer les héritages transgénérationnels au lieu de les subir. En effet, l’intégration de nos origines et de nos héritages transgénérationnels sollicite le sujet en nous pour conduire dans le même sillage vers une meilleure connaissance de soi et nous émanciper de nos aliénations. Le fameux précepte des anciens Grecs, « connais-toi toi-même et tu connaîtras les dieux et l’univers » résume bien cette philosophie. Avec eux, nous devrions nous interroger sur ce qui nous appartient en propre, c’est-à-dire ce qui relève du sujet en nous qu’il faudra distinguer de ce qui provient de notre entourage, familial et culturel. La question de savoir jusqu’à quel point nous sommes conditionnés est légitime, salutaire parfois. Au lieu de nous servir, nos héritages ne limitent-ils pas le développement de notre potentiel ? Du reste, quelle est la marge de manoeuvre d’un individu, nécessairement influencé par son contexte familial, social et culturel ?
Nous ignorons généralement à quel point nous sommes tributaires de nos aliénations transgénérationnelles, familiales autant que culturelles. Lorsque nos capacités habituelles d’intégration s’avèrent inopérantes, sans doute pouvons-nous envisager un manque de connaissance de soi. Aujourd’hui, l’expérience thérapeutique a montré que nous héritons d’un bagage inconscient qui ne se rapporte pas seulement à notre seule histoire, mais également aux vécus non intégrés par nos parents, par nos grands-parents, par nos aïeux et plus fondamentalement encore par notre culture. Que nous le voulions ou pas, nous sommes nécessairement les héritiers d’un « passé non passé », resté présent d’une manière ou d’une autre dans nos vies. A travers nos symptômes et nos destins, nous revivons des histoires qui perpétuent d’anciens événements non assimilés.
Depuis Freud, les psychanalystes ont constaté que les événements tragiques (guerres, abus, déportations, etc.) affectent également les descendants des personnes impliquées, criminelles ou victimes. Il est bien compréhensible que confrontés à des situations dites « inhumaines », des individus soient amenés à substituer au processus sain d’intégration psychologique des mécanismes de défense archaïques qui dénient, refoulent ou occultent les vécus insupportables. Mais ce faisant, l’impact émotionnel et psychologique qui leur est associé n’a pas été intégré. Le soi-disant passé, resté en suspens, ne rejoint pas vraiment l’histoire. Il ne s’écrit pas au passé, mais reste bien présent, surtout s’il est devenu inconscient. Ces manques d’intégration restent chargés d’émotions non libérées, lesquelles se rejouent dans les relations avec l’entourage et plus particulièrement avec les enfants. Autrement dit, les événements non intégrés psychologiquement, et que l’on ne saurait évoquer sans déni ni malaise, conservent une charge pathogène potentiellement aliénante. À cause d’une dénommée « loyauté familiale inconsciente » il arrive que des enfants absorbent ces difficultés inconscientes non résolues. Comme nous le verrons, une autre réaction consisterait à ériger un « faux self », ou « persona », sorte de carapace qui protégerait des relations trop intrusives.
Extrait du livre de Thierry Gaillard, Psychothérapeute, Psychanalyste, Genève, Suisse
Intégrer ses héritages transgénérationnels – Et mieux se connaître (Écodition)
– https://www.psycho-ressources.com/bibli/heritages-transgenerationnels.html
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