Extrait: « Aujourd’hui, nous évoluons ainsi – plus que jamais – dans un monde à la fois très ouvert et très instable, très concurrentiel… et largement saturé. Trouver sa place, paradoxalement, n’a donc jamais été à la fois aussi facile et aussi urgent, aussi difficile et aussi contraignant.
Facile parce que nous n’avons jamais disposé d’autant de moyens pour le faire, d’accès aux informations, aux conseils et aux réseaux nécessaires. Facile aussi parce que les schémas collectifs les plus rigides se sont assouplis. Être au chômage n’est plus considéré aujourd’hui comme une honte, puisque cette situation peut et va arriver à tout le monde. Changer de voie n’est plus vécu comme une aberration, puisque nous n’aurons souvent même pas le choix de faire autrement. Prendre un congé sabbatique ou demander un CIF1 n’est plus nécessairement une anomalie coupable, mais aussi l’acte créateur d’un employé soucieux tout à la fois de son bienêtre et de son employabilité. Créer son entreprise peut ne constituer ni une aventure hasardeuse réservée aux plus téméraires, ni un accès de folie, mais bien le moyen le plus rapide d’accéder à une certaine indépendance. Globalement, collectivement, rechercher sa place à soi n’est plus une transgression.
Difficile en même temps, parce que les places, justement, n’ont jamais été aussi chères. Moins de croissance et plus de compétences mènent mécaniquement à plus de concurrence. D’aucuns disent ainsi aujourd’hui que la « lutte des places » a remplacé la lutte des classes. Vision sans doute aussi manichéenne que la précédente, mais pas plus exempte de vérité qu’elle. Le niveau de compétences a augmenté, donc le niveau de compétition aussi.
Contraignant, dans tous les cas, parce que nous avons ainsi de moins en moins le choix. Quand nous pouvions rester trente ans dans la même entreprise, le même commerce, la même administration, la même fonction, sans trop d’efforts, avec en prime des perspectives de croissance régulière, changer de voie était un luxe que la plupart se gardaient bien de s’offrir. Quand nous risquons d’être licenciés demain, sinon plus tard, que l’évolution des marchés, des techniques ou des réglementations va de toute façon, inéluctablement, bouleverser nos repères actuels, la question se pose nécessairement en d’autres termes. D’autant que chaque incident, chaque départ, chaque tournant suppose que nous retrouvions un job, donc que nous parvenions à convaincre chaque fois de nouveaux employeurs, de nouveaux clients, de nouveaux partenaires de notre compétence et de notre motivation…
C’est pourquoi, enfin, la question est devenue urgente. Collectivement parce que l’activité économique se fait toujours plus exigeante, et qu’il n’y a aucune raison de penser qu’il puisse en aller différemment demain. Individuellement parce que, pour s’y adapter, chacun devra savoir toujours plus précisément ce qu’il est, ce qu’il veut, ce qu’il sait faire. Afin de survivre, mais aussi de grandir, en actualisant toujours mieux son savoir-faire et son potentiel propre. Cette recherche de soi, en effet, est aussi la voie de notre évolution. Et la difficulté que le monde actuel nous propose en est aussi la clé.
Chacun et tous ensemble, nous avons ainsi à réfléchir à ce qu’est notre vraie place, c’est-à-dire celle où ce que nous sommes, ce que nous portons de plus spécifique, apportera au monde la contribution la plus positive. Dans le respect de son service et de notre épanouissement.
Tant qu’à ne pas en avoir le choix en effet, autant en prendre son parti… Pour en tirer le meilleur. »
Trouver sa place au travail
Par Juliette Allais & Didier Goutman
Publié par les Éditions Eyrolles – Collection Comprendre et Agir
– https://www.psycho-ressources.com/bibli/bonheur-au-travail.html
Tweet